05/03/2017
Pierre Reverdy, Le Gant de crin
Je ne connais pas d’exemple d’une œuvre qui ait inspiré moins de confiance à son auteur que la mienne.
Aussi me gardé-je bien de la défendre.
J’accepte ici qu’elle peut n’être qu’un témoin d’impuissance.
Le propre de l’image forte est d’être issue du rapprochement spontané de deux réalités très distantes dont l’esprit seul a saisi les rapports.
Il n’est que les gens de métier qui se satisfassent de quelque certitude sur leurs facultés.
Mais en poésie les gens de métier sont les médiocres.
Si les glaces de verre sont flatteuses pour toi, supprime-les. Ne te regarde pas en dehors mais en dedans, il y a là un sombre miroir sans complaisance.
Pierre Reverdy, Le Gant de crin, Plon, 1927, p. 26-27, 34, 44, 105.
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05/01/2017
Marcel Bénabou, Un poème à votre façon
Un poème à votre façon
Tout est rêve et la vie et l’amour et la mort
On entre en souriant dans le berceau de l’ombre
Quel cadavre la nuit ne reprend son essor
Pour retrouver l’enfant survivant aux décombres
Je débarque parfois dans ma ville déserte
Le feu du ciel alors s’est éteint brusquement
Encore enveloppé des ruses du printemps
Au-dessus de la craie qui poudre les fleurs vertes
Les rues muettes me regardent sans me voir
La vie s’est réfugiée au profond des miroirs.
Marcel Bénabou, dans La Bibliothèque Oulipienne,
Slatkine, 1981, p. 55.
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29/02/2016
Jacques Roubaud, C et autre poésie (1962-2012)
I
je t’aimais avec des arceaux et des ruches
dans un bordeau imaginaire, sous un gué
mordant tes seins sous les cailloux ô ma cigüe
Je t’aimais pour ta sylve noire rose rêche
et je t’aimais bien mieux neigeante d’innocence
mais dévorée par la douleur du fruit oral
bruyère de corfou aux sueurs désirables
comme une fourche où glisse la rosée des sens
je t’ai soumise à mes errances longtemps
couchée dans le ..... d’une chambre ligneuse
(la stupeur nue par le reptile ta caverne)
immune des poisons d’un ... printemps
je t’aimais dans l’effroi dans les ruses joyeuse
par mouvements de bouche ou silence de cerne
Elle trace un arbre sous le coton qui la recouvre etc.
(I miroir)
Jacques Roubaud, C et autre poésie (1962-2012), NOUS,
2015, p. 41.
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22/05/2015
Sandra Moussempès, Vestiges de fillette
Reflet 1
Lèvres dévastées, le rouge vif déborde, les yeux sans fin au contour aguicheur, elle s’accroupit (pagne mauve lèvres offertes tee-shirt près du corps), regarde au loin, les traces noires autour des yeux, sourcils maladroitement repeints de la main d’une enfant, la lumière opaque, moue d’une fillette, rayons roses sur le corps, secret de la paille autour de ses cuisses refermées, elle s’imagine de l’autre côté du miroir.
Reflet 2
Les draps noirs sur les seins, dessein caché de l’autre monde. La dentelle d’une bretelle soutient la gorge dorée, dorure éternelle, les cheveux blonds, délavés par temps orageux, embroussaillés, sa bouche enflammée, le rouge dévie, regard docile presque doux (les pleurs ou le discours indicible d’une nuit blanche) elle tient au cœur du corps le drap froissé, elle, blonde à gémir, l’œil glauque et langoureux, désir tiède de l’autre corps, luxure des lumières, l’éclat de sa peau, en plein jour, émaillée.
Sandra Moussempès, Vestiges de fillette, Poésie / Flammarion, 1997, p. 103-104. © Photo Didier Pruvot.
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11/04/2015
Ambrose Bierce, Épigrammes
La mise à l’épreuve de la vérité est la Raison, et non la Foi ; car les prétentions de la Foi doivent, elles aussi, être soumises au tribunal de la raison.
Adam considérait sans doute Ève comme la femme de son choix et attendait une certaine gratitude pour l’honneur de lui avoir accordé cette préférence.
La mort n’est pas la fin ; reste le litige sur l’héritage.
On peut se savoir laid, mais il n’existe pas de miroir pour le comprendre.
Le bonheur est perdu quand on le critique ; le chagrin, quand on l’accepte.
Tant que vous avez un futur, ne vivez pas trop dans la contemplation de votre passé ; à moins que vous n’aimiez marcher à reculons, le miroir est un piètre guide.
Ambrose Bierce, Épigrammes, traduction Thierry Gillybœuf, éditions Allia, 2014, p. 33, 35, 38, 43, 47, 53.
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31/01/2015
Aragon, Les Chambres
VII
Le miroir qui me regarde et s’afflige. Il lit sur moi l’histoire des années
Cet alphabet sourd qu’un temps solaire tatoue au front de l’homme mal luné
Le miroir gris
déchiffre seul mon histoire
Aux secrets noueux de mes veines
Il en aurait à dire ayant lu comment dans ma chair se creusent les aveux
Le miroir gris
a bien du mal à se souvenir de tout le malheur qu’il voit
Il lui manque les mots pour le fixer il lui manque la voix
Je ne suis qu’un détail de la chambre pour lui qu’un larme sur son visage
Lourde lourde larme longue à lentement tomber droit de l’œil selon l’usage
Le miroir gris
en sait tant et tant sur mon compte. Il ne s’étonne plus de rien
Il me voit nu mieux que personne il devine l’homme dans la noix comme un chien
Qui bouge dans sa niche il le devine aux vague sursauts que j’ai dans mes songes
Devine à ce bras qui pend du lit tout à coup ce qui me mine et qui me ronge
Il se demande si je dors
et ce qui peut ainsi gémir dans ma pensée
Cette nuit il s’ennuie il n’attend guère que de moi des choses insensées
Voilà qu’il ne m’entend plus et pris soudain d’une peur aveugle de la mort
Craignant de n’être plus terni de mon souffle il se détourne épie Elsa qui dort
Aragon, Les Chambres, dans Œuvres poétiques complètes, II, éditon publiée sous la direction d’Olivier Barbarant , Pléiade / Gallimard, 1997, p. 1114 et 1115.
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10/08/2014
Guillevic, Art poétique
Qu’est-ce qu’il t’arrive ?
Il t’arrive des mots
Des lambeaux de phrase.
Laisse-toi causer. Écoute-toi
Et fouille, va plus profond.
Regarde au verso des mots
Démêle cet écheveau.
Rêve à travers toi,
À travers tes années
Vécues et à vivre.
Ce que je crois savoir,
Ce que je n’ai pas en mémoire,
C’est le plus souvent,
Ce que j’écris dans mes poèmes.
Comme certaines musiques
Le poème fait chanter le silence,
Amène jusqu’à toucher
Un autre silence,
Encore plus silence.
Dans le poème
On peut lire
Le monde comme il apparaît
Au premier regard.
Mais le poème
Est un miroir
Qui offre d’entrer
Dans le reflet
Pour le travailler,
Le modifier.
— Alors le reflet modifié
Réagit sur l’objet
Qui s’est laissé refléter.
Chaque poème
A sa dose d’ombre,
De refus.
Pourtant, le poème
Est tourné vers l’ouvert
Et sous l’ombre qu’il occupe
Un soleil perce et rayonne,
Un soleil qui règne.
Mon poème n’est pas
Chose qui s’envole
Et fend l’air,
Il ne revient pas de la nue.
C’est tout juste si parfois
Il plane un court moment
Avant d’aller rejoindre
La profondeur terrestre.
Guillevic, Art poétique, dans Art poétique, précédé de Paroi et suivi de Le Chant, préface de Serge Gaubert, Poésie / Gallimard, 2001, p. 166, 172, 177, 178,180 et 184.
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15/07/2014
Valérie-Catherine Richez, Précipités
J'étais perchée sur ce miroir zébré de griffures. L'endroit où les blessures remontent à la surface. Sous l'eau miroitantes je voyais tournoyer les poissons carnassiers. Je me souvenais d'eux. Le les appelais par leurs noms. Dents acérées. Rien ne pourrait nous consoler. À certaines heures on aurait voulu tout renier. On se roulait sur le sol jusqu'à peser des pierres. Jusqu'à chuter.
Chaque nuit on jette un corps.
Bancs de lueurs flottantes passant comme des nuées dans la mer, glissant sans bruit sur nos paupières — Peut-être ne devrions-nous jamais parler que de cette nuit où nous marchons, jusqu'à la vider entièrement de son sens. Jusqu'au silence. Prendre si souvent chaque avenue, chaque rue, chaque ruelle, qu'on sache les parcourir les yeux fermés. Et chaque fois nous-mêmes, courants d'air comme usés, épuisées, incréés.
Quelqu'un qu'on ne verra jamais.
Valérie-Catherine Richez, Précipités, éditions isabelle sauvage, 2014, p. 5-6.
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21/06/2014
Jacques Sternberg (1923-2006), La géométrie dans l'impossible
La disparition
Cela se passa très simplement, un soir vers six heures.
Il est difficile de savoir exactement comment le fait arriva, mais soudain le chiffre 2 disparut, il s'effaça du monde et coula on ne sait où, on ne saura jamais pourquoi.
Alors les mathématiques s'écroulèrent entraînant dans leur chute les évidences de l'algèbre, les comptes en banque s'effondrèrent dans la géométrie, la physique explosa dans la chimie et la géographie défonça les limites de l'orthographe.
Et c'en fut fait de tout, enfin, une fois pour toutes.
Le phénomène
Il est annoncé à l'extérieur de la baraque, mais sans précision. On laisse simplement entendre qu'il est monstrueux. Le chemin pour parvenir jusqu'à lui est long, étroit, mal éclairé, indiqué par haut-parleur.
Soudain le haut-parleur demande le silence. On arrive en effet dans une pièce plongée dans une obscurité totale.
Soudain, la lumière explose.
Et l'on se retrouve devant un miroir.
Jacques Sternberg, La géométrie dans l'impossible, Arcanes, 1953, p. 31, 35.
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15/06/2014
Ghérasim Luca, L'extrême-occidentale
La forêt
Les hommes qui incarnent la forêt et les femmes qui, renversées, la réfléchissent, se partagent les deux côtés du miroir Celui-ci est la terre même, surface horizontale, coupant la scène en deux parties égales, vers laquelle convergent, perpendiculaires, des hommes et des femmes dont les pieds se touchent par la plante.
« À ce contact, c(est comme un fluide ailé et rampant, alliage indicible d'essor, liant et brûlure, qui gagne rapidement les chevilles, les jambes jusqu'à la taille, frôle les doigts dans lesquels finalement il s'enfonce jusqu'aux poignets, remonte le long et des bras et ne dépasse pas les épaules qu'on dirait agitées de violents battements d'ailes tandis que les autres parties du corps ne cessent de jaillir, de s'accrocher, de perdre haleine...»
Cet envol aérien et souterrain qui tente de porter les deux séries de personnages vers l'extrême haut et vers l'extrême bas, comme aux confins d'un territoire unique, enferme troncs et racines dans une équation à deux inconnues dont la résolution sera donnée et refusée à la fois par un grand X surgissant au milieu de la scène et que l'acrobatique étreinte d'un couple amoureux calligraphie devant nous dans l'espace, afin de rendre sinon déchiffrable du moins couramment lisible la terrifiante écriture de notre passage sur la terre.
[...]
Ghérasim Luca, L'extrême-occidentale, éditions Corti, 2013, p. 43-44.
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28/05/2014
Mina Loy (1882-1966), Velours mousseline, traduction Olivier Apert
Velours mousseline
Elle est froissée
Ses traits
au bord du cri
injure du temps
fuient la mort de partout
maintenus tant bien que mal par un filet de rides.
La place des seins disparus
est signalée par une épingle à nourrice.
Raide,
elle s'appuie contre la pierre angulaire
d'un grand magasin.
Seul mannequin à présenter
sa dernière création,
le patron original
de la misère.
Vêtue de lambeaux d'autrefois
qui ne suffiraient pas à un squelette.
Festonnée par l'éclat inattendu
d'un coton fleuri
la moitié de sa jupe noire
luit comme un miroir maculé
et réfléchit le caniveau —
un mètre de velours mousseline.
*
Chiffon Velours
She is sere.
Her features,
verging on a shriek
reviling age,
flee from death in odd directions
somehow retained by a a web of wrinkles.
The site of vanished breasts
is marked by a safety pin.
Rigid,
a rest against the comestone
of a department store.
Hers alone to model
the last creation,
original design
of destitution.
Clothed in memorial scraps
skimpy even for a skeleton.
Trimmed with one sudden burst
of flowery cotton
half her black skirt
glows as a soiled mirror
reflects the gutter —
a yard of chiffon velours.
Mina Loy, Choix de poèmes, traduits
par Olivier Apert, dans Les Carnets d'eucharis,
2014, n°2, p. 132.
Commande : 17 €, à
Nathalie Riera, L'Olivier d'Argens,
Chemin de l'Iscle, BP 44
83520 Roquebrune-sur-Argens
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12/02/2014
Joseph Joubert, Carnets, I
Le seul moyen d'avoir des amis, c'est de tout jeter par les fenêtres, de n'enfermer rien et de ne jamais savoir où l'on couchera le soir.
On ne devrait écrire ce qu'on sent qu'après un long repos de l'âme. Il ne faut pas s'exprimer comme on sent, mais comme on se souvient.
Enseigner, c'est apprendre deux fois.
Ceux qui n'ont à s'occuper ni de leurs plaisirs ni de leurs besoins sont à plaindre.
Les enfants veulent toujours regarder derrière les miroirs.
Aux médiocres il faut des livres médiocres.
Les uns disent bâton merdeux, les autres fagot d'épines.
L'un aime à dire ce qu'il sait, l'autre à dire ce qu'il pense.
Évitez d'acheter un livre fermé.
Ce monde me paraît un tourbillon habité par un peuple à qui la tête tourne.
Joseph Joubert, Carnets, I, textes recueillis par André Beaunier, avant-propos de J.P. Corsetti, préface de Mme A. Beaunier et A. Bellesort, Gallimard, 1994 [1938], p. 73, 79, 143, 143, 161, 165, 172, 176, 183, 183, 211.
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18/11/2013
Aragon, La Grande Gaîté
Poème à crier dans les ruines
Tous deux crachons tous deux
Sur ce que nous avons aimé
Sur ce que nous avons aimé tous deux
Si tu veux car ceci tous deux
Est bien un air de valse et j'imagine
Ce qui passe entre nous de sombre et d'inégalable
Comme un dialogue de miroirs abandonnés
À la consigne quelque part Foligno peut-être
Ou l'Auvergne la Bourboule
Certains noms sont chargés d'un tonnerre lointain
Veux-tu crachons tous deux sur ces pays immenses
Où se promènent de petites automobiles de louage
Veux-tu car il faut que quelque chose encore
Quelque chose
Nous réunisse veux-tu crachons
Tous deux c'est une valse
Une espèce de sanglot commode
Crachons crachons de petites automobiles
Crachons c'est la consigne
Une valse de miroirs
Un dialogue nulle part
Écoute ces pays immenses où le vent
Pleure sur ce que nous avons aimé
L'un d'eux est un cheval qui s'accoude à la terre
L'autre un mort agitant un linge l'autre
La trace de tes pas Je me souviens d'un village désert
À l'épaule d'une montagne brûlée
Je me souviens de ton épaule
Je me souviens de ton coude
Je me souviens de ton linge
Je me souviens de tes pas
Je me souviens d'une ville où il n'y a pas de cheval
Je me souviens de ton regard qui a brûlé
Mon cœur désert un mort Mazeppa qu'un cheval
Emporta devant moi comme ce jour dans la montagne
L'ivresse précipitait ma course à travers les chênes martyrs
Qui saignaient prophétiquement tandis
Que le jour faiblissait sur des camions bleus
Je me souviens de tant de choses
De tant de soirs
De tant de chambres
De tant de marches
De tant de colères
De tant de haltes dans des lieux nuls
Où s'éveillait pourtant l'esprit du mystère pareil
Au cri d'un enfant aveugle dans une gare frontière
Je me souviens
[...]
Aragon, La Grande Gaîté (1929), dans Œuvres poétiques complètes I,
édition dirigée par Olivier Barbarant, Bibliothèque de la Pléiade,
Gallimard, 2007, p. 446-447.
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16/10/2013
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle, suivi de Tentative de jalousie,
Les yeux
Deux lueurs rouges — non, des miroirs !
Non, deux ennemis !
Deux cratères séraphins
Deux cercles noirs
Carbonisés — fumant dans les miroirs
Glacés, sur les trottoirs,
Dans les salles infinies —
Deux cercles polaires
Terrifiants !
Flammes et ténèbres !
Deux trous noirs.
C'est ainsi que les gamins insomniaques
Crient dans les hôpitaux : — Maman !
Peur et reproche, soupir et amen...
Le geste grandiose...
Sur les draps pétrifiés —
Deux gloires noires.
Alors sachez que les fleuves reviennent,
Que les pierres se souviennent !
Qu'encore encore ils se lèvent
Dans les rayons immenses —
Deux soleils, deux cratères,
Non, deux diamants !
Les miroirs du gouffre souterrain :
Deux yeux de mort.
30 juin 1921
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle, suivi de Tentative
de jalousie, préface de Zéno Bianu, Traductions de
Pierre Léon et d'Éve Malleret, Poésie / Gallimard,
1999, p. 86-87.
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25/03/2013
Jean Ristat, N Y Meccano
Il y avait si longtemps d'amour qu'au matin
Un ange tombé dans la plume par surprise
La bouche encore nouée comme une rose
Ne m'avait tenu à l'ourlet d'un soupir
Ô il y avait si longtemps du tendre amour
Les doigts dépliés dans sa longue chevelure
comme un éventail de nacre au creux de l'épaule
Je me suis égaré dans un jardin chinois
Écoute mon cœur comme il bat pour la bataille
Et la fureur qui t'accable et la violence
De mes jambes dans le sable brûlant d'un drap
Ô beau fantôme par mégarde à la fenêtre
D'un rêve qui s'enfuit au hasard des rencontres
Et la seine berce un noyé qui me ressemble
Un couteau dans le dos pas besoin d'olifant
Sous l'oreiller pour la main le jour comme un gant
Retourné notre-dame agite ses grelots
Il y avait si long temps d'un grand vent de sel
Et d'épices sur mes lèvres pour un baiser
Et ce passant n'en sait rien à son miroir
Qui sourit poudré comme la lune d'hiver
[...]
Jean Ristat, N Y Meccano, Gallimard, 2001, p. 13-14.
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