08/05/2024
Joseph Joubert, Carnets, I
Aux médiocres il faut des livres médiocres.
L’illusion est dans les sensations. L’erreur est dans les jugements. On peut à la fois connaître la vérité et jouir de l’illusion.
Évitez s’acheter un livre fermé.
Le penchant à la destruction est un des moyens employés pour la conservation du monde.
Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1994, p. 172, 182, 183, 188.
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07/05/2024
Joseph Joubert, Carnets, I
Amour. Avec quel soin les Anciens évitaient tout ce qui pouvait en rappeler non les plaisirs mais du moins le mécanisme, le jeu.
La révolution a chassé de mon esprit le monde réel en me le rendant trop horrible.
Parler plus bas pour se faire mieux écouter d’un public sourd.
Si je m’appesantis, tout est perdu.
Joseph Joubert, Carnets, 1, Gallimard, 1994, p. 458, 458, 472, 477,
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06/05/2024
Joseph Joubert, Carnets, I
n
Une pensée est une chose aussi réelle qu’un boulet de canon.
Du malheureux besoin de se plaire à soi-même.
Tout critique de profession, homme médiocre par nature.
Nous sommes tous de vieux enfants plus ou moins graves, plus ou moins remplis de nous-mêmes.
Que penserez-vous des plaisirs quand vous ne les aimerez plus ?
Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1994, p. 425, 429, 434, 436, 440.
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30/11/2023
Louis Aragon, En étrange pays dans mon pays lui-même
Marguerite
Ici repose un cœur en tout pareil au temps
Qui meurt à chaque instant de l’instant qui commence
Et qui se consumant de sa propre romance
Ne se tait que pour mieux entendre qu’il attend
Rien n’a pu l’apaiser jamais ce cœur battant
Qui n’a connu du ciel qu’une longue apparence
Et qui n’aura vécu sur la terre de France
Que juste assez pour croire au retour du printemps
Avait-elle épuisé l’eau pure des souffrances
Sommeil ou retrouvé des rêves de vingt ans
Qu’elle s’est endormie avec indifférence
Qu’elle ne m’attend plus et non plus ne m’entend
Lui murmurer les mots secrets de l’espérance
Ici repose enfin celle que j’aimais tant
Aragon, En étrange pays dans mon pays lui-même, dans
Œuvres poétiques complètes, I, édition dirigée par
Olivier Barbarant, Pléiade/Gallimard, 2007, p. 891.
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31/03/2020
Joseph Joubert, Carnets, I
L’imagination est le goût. La raison est sans appétits : la vérité et la justesse lui suffisent.
Le papier est patient, mais le lecteur ne l’est pas.
Tout ce qui est très plaisant a quelque exagération et contient nécessairement une vérité défigurée.
Les animaux aiment ceux qui leur parlent.
Le châtiment de ceux qui ont trop aimé les femmes est de les aimer toujours.
Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1938, 1994, p. 271, 272, 273, 274, 278.
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03/09/2019
Horace, Odes, I, 5
Quis multa gracilis te puer in rosa
perfusus liquidis urget odoribus
grato, Pyrrha, sub antro ?
cui flauam religas comam,
simplex munditiis ? heu quotiens fidem
mutatosque deos flebit et aspera
nigris aequora uentis
emirabitur insolens,
qui nunc te fruitur credulus aurea,
qui semper uacuam, semper amabilem
sperat, nescius aurae
fallacis. Miseri, quibus
intemptata nites. Me tabula sacer
uotiua paries indicat uuida
suspendisse potenti
uestimenta maris deo.
Horace,Odes, I, 5
Quel est ce mince garçon parmi les roses,
Qui te presse, inondé de parfums
Pyrrha, sous une grotte charmante,
Et pour qui tu dénoues ta blonde chevelure
Avec une élégante simplicité ?
Hélas, combien de fois
Pleurera-t-il les dieux et ton amour changeants
Et, novice au naufrage, s’étonnera-t-il
Du flot qu’agitent les vents noirs,
Celui qui sans méfiance jouit en ce jour de ton corps lumineux,
Et croit que tu seras toujours vacante, et prête
À aimer, ignorant le vent trompeur ?
Malheur à ceux pour qui tu brilles, intouchée !
Une planche, sur la paroi sainte, proclame
Votive que j’ai pendu là mes habits trempés,
En l’honneur du puissant dieu des mers.
Traduction de François Lallier, dans Vita poetica, éditions L’Arbre à paroles, 2010, p. 118.
What slender youth, bedew’d with liquid odors,
Courts thee on roses in some pleasant cave,
Pyrrha? For whom bind’st thou
In wreaths thy golden hair,
Plain in thy neatness? O how oft shall he
Of faith and changed gods complain, and seas
Rough with black winds, and storms
Unwonted shall admire!
Who now enjoys thee credulous, all gold,
Who, always vacant, always amiable
Hopes thee, of flattering gales
Unmindful. Hapless they
To whom thou untried seem’st fair. Me, in my vow’d
Picture, the sacred wall declares to have hung
My dank and dropping weeds
To the stern god of sea.
Traduction de John Milton (1608-1674), dans Poems, &c, Upon Several Occasions, 1673.
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21/03/2019
Joseph Joubert, Carnets, I
C’est le genre humain en corps qui invente les arts. Tous sont fils des expériences que les sociétés se sont transmises et des besoins communs à tous.
Les célèbres, les illustres parmi nous sont ceux qui excellent, non pas dans quelque science, mais dans quelque science à la mode.
Ils aiment mieux qu’on le leur donne à croire qu’à comprendre.
Enfants. Ont plus besoin de modèles que de critiques.
Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1994, p. 258, 270, 325, 332.
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13/03/2018
Joseph Joubert, Carnets, I
On aime qu’une fois, disent les chansons : c’est-à-dire qu’il n’y a qu’un seul âge qui soit véritablement propre à l’amour.
Entendez-vous ceux qui se taisent ?
Par le souvenir, on remonte le temps, par l’oubli on en suit le cours.
Nous sommes, dans le monde, ce que sont les mots dans un livre. Chaque génération en est comme une ligne, une phrase.
C’est ici le désert. Dans ce silence, tout me parle : et dans votre bruit tout se tait.
Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1994, p. 110, 130, 135, 139, 155.
Le retour
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17/12/2017
Joseph Joubert, Carnets, I
Le seul moyen d'avoir des amis, c'est de tout jeter par les fenêtres, de n'enfermer rien et de ne jamais savoir où l'on couchera le soir.
On ne devrait écrire ce qu'on sent qu'après un long repos de l'âme. Il ne faut pas s'exprimer comme on sent, mais comme on se souvient.
Enseigner, c'est apprendre deux fois.
Ceux qui n'ont à s'occuper ni de leurs plaisirs ni de leurs besoins sont à plaindre.
Les enfants veulent toujours regarder derrière les miroirs.
Aux médiocres il faut des livres médiocres.
Les uns disent bâton merdeux, les autres fagot d'épines.
L'un aime à dire ce qu'il sait, l'autre à dire ce qu'il pense.
Évitez d'acheter un livre fermé.
Ce monde me paraît un tourbillon habité par un peuple à qui la tête tourne.
Joseph Joubert, Carnets, I, textes recueillis par André Beaunier, avant-propos de J.P. Corsetti, préface de Mme A. Beaunier et A. Bellesort, Gallimard, 1994 [1938], p. 73, 79, 143, 143, 161, 165, 172, 176, 183, 183, 211.
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12/11/2016
Joseph Joubert, Carnets, I
La mort remplira leur bouche de terre.
Une conversation ingénieuse avec un homme, c’est une mission. Avec une femme, c’est une harmonie, un concert. Il y a le rapport de l’octave à la basse. Vous sortez satisfait de l’une, vous sortez de l’autre enchanté.
Aux médiocres il faut des livres médiocres.
Évitez d’acheter un livre fermé.
La mémoire — qui est le miroir où nous regardons les absents.
Chacun se fait et a besoin de se faire un autre monde que celui qu’il voit.
Le spectacle a changé, mais notre œil est le même.
Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1994.
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06/11/2014
Antonin Artaud, Œuvres complètes, I, L'art et la mort
L'art et la mort
Qui, au sein de certaines angoisses, au haut de quelques rêves n'a connu la mort comme une sensation brisante et merveilleuse avec quoi rien ne se peut confondre dans l'ordre de l'esprit ? Il faut avoir connu cette aspirante montée de l'angoisse dont les ondes arrivent sur vous et vous gonflent comme mues par un insupportable soufflet. L'angoisse qui se rapproche et s'éloigne chaque fois plus grosse, chaque fois plus lourde et plus gorgée. C'est le corps lui-même parvenu à la limite de sa distension et de ses forces et qui doit quand même aller plus loin. C'est une sorte de ventouse posée sur l'âme, dont l'âcreté court comme un vitriol jusqu'aux bornes dernières du sensible. Et l'âme ne possède même pas la ressource de se briser. Car la distension elle-même est fausse. La mort ne se satisfait pas à si bon compte. Cette distension dans l'ordre physique est comme l'image renversée d'un rétrécissement qui doit occuper l'esprit sur toute l'étendue du corps vivant.
Antonin Artaud, Œuvres complètes, I, nouvelle édition revue et corrigée, Gallimard, 1976, p. 123.
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10/06/2014
Samuel Beckett, Lettres, I, 1929-1940 : recension
On a pu lire quelques lettres de Samuel Beckett dans des études qui lui étaient consacrées, dans des livres de souvenirs, dans un catalogue d'exposition, et on ne peut que se réjouir de la publication de ce premier volume — trois autres suivront, repris de l'édition anglaise où seules 2500 lettres (sur 15000) ont été conservées, mais des extraits d'autres (et des réponses) apparaissent dans les notes. L'œuvre extrêmement complexe, souvent sottement réduite à quelques lieux communs vides ("illustration de la misère humaine", "théâtre de l'absurde") ne peut qu'être éclairée, comme l'a été celle de Proust, cher à Beckett, quand Kolb a édité son abondante correspondance. Laissons les grincheux se plaindre que l'édition soit abondamment annotée, remercions plutôt les maîtres d'œuvre des précisions apportées à propos de tel destinataire, telle circonstance, tel lieu, qui permettent de lire les lettres : savoir qui était Thomas McGreevy, ami de Beckett et destinataire du plus grand nombre de lettres entre 1931 et 1940, ou George Reavey, son agent littéraire, avoir des indications sur telle lecture signalée elliptiquement, comprendre les allusions, courantes dans des lettres à des proches, tout cela éclaire le parcours de Beckett. Les éditeurs ont placé au début de chaque année de correspondance un résumé de ses activités ; ils ont donné à la fin du volume une notice sur les noms de personnes les plus présents dans les lettres, une bibliographie des ouvrages cités et un index général ; enfin, l'introduction, outre qu'elle explique la manière dont le texte a été établi, relève les divers thèmes abordés dans ce volume. Un regret : il aurait été bon d'indiquer dans la bibliographie des ouvrages en langue française (par exemple, Europe, juin-juillet 1993 ; Nathalie Léger, Les vies silencieuses de SB, 2006) ou de signaler les traductions en français (Anne Atik, Comment c'était, Souvenirs sur SB, 2003).
Le lecteur découvre un passionné de musique et un critique acerbe des interprétations (par exemple de la direction d'orchestre de l'« ignoble Furtwängler »), un fin connaisseur de l'histoire de la peinture, un lecteur intransigeant qui qualifie la première partie du Temps retrouvé de « déversement à la Balzac » ou construit un féroce palindrome sur le nom de T. S. Eliot : « T. Eliot c'est toilet à l'envers ». Beckett est aussi un ami attentif, soutenant les travaux des uns et des autres, ce qui ne l'empêche pas à plusieurs reprises de noter sa misanthropie : « mon aversion pour les êtres humains se durcit à chaque sortie. » Les relations avec sa mère sont en partie à l'origine de sa difficulté à vivre et il sait que, pour pouvoir écrire, il lui faut fuir l'« odeur de marécage » du pays natal ; son voyage en Allemagne (octobre 1936-avril 1937), où il a visité de nombreux musées, est de ce point de vue un échec : il était entrepris pour sortir de son « marasme intellectuel » et non pour « aller quelque part » ; en outre, il a fort bien vu ce qu'y était la persécution des juifs. Au cours des années, divers projets professionnels, aussi vite abandonnés qu'ils étaient nés, se succèdent pour lui permettre d'être ailleurs qu'en Irlande ; il écrit à Eisenstein pour suivre ses cours de cinéma à Moscou et, ainsi, pouvoir « exprimer [son] exécration sur un autre plan » ; il pense solliciter un poste de lecteur d'italien au Cap, mais aussi un poste d'assistant à la National Gallery de Londres, notant qu'il est « tout juste capable de distinguer un Uccello d'une scie à main ». Comme une note le rappelle, il s'agit là d'une allusion à Hamlet qui affirme distinguer un faucon d'une scie à main (Hamlet, II, ), Uccello signifiant "oiseau" en italien.
Cette allusion littéraire n'est pas la seule et c'est bien la littérature qui occupe constamment Beckett, même si, à de nombreuses reprises, il affirme le contraire ; quand il annonce qu'il souhaite apprendre à piloter un avion, c'est, écrit-il, que « Je n'ai pas envie de passer le reste de ma vie à écrire des livres que personne ne lira. Ce n'est pas comme si j'avais envie de les écrire. » Pourtant, « l'issue littéraire » est la seule possible, la psychothérapie suivie à Londres en 1934 n'ayant pas changé grand chose à ses troubles (kystes, douleurs intestinales, furoncles « entre vent et eau » selon son expression). Son étude sur Proust avait été bien accueillie, ses nouvelles et ses poèmes — les premiers en français en 1931 — beaucoup moins. Il écrit en 1931 à propos d'un de ses textes, « ça pue le Joyce malgré mes efforts les plus sérieux pour le doter de mes propres odeurs », tout en soulignant que c'est cette écriture, celle de Joyce, qui l'intéresse. Tout son effort consiste donc à trouver ses "propres odeurs", c'est-à-dire à ne plus suivre la « vieille route puante abandonnée depuis longtemps par la musique et la peinture », en particulier à laisser de côté l'anglais "soigné". Cet effort est lisible dans les poèmes joints aux lettres, ce qui n'empêche pas Beckett de connaître des moments de doute ; il ne parvient pas à terminer Murphy, dont il écrit en 1935 : « C'est assez mauvais et je ne m'y intéresse pas » et, plus tard, au moment de reprendre le manuscrit, « il est difficile d'écrire quand on est dans un état consternant d'uniformité, de vide, d'apathie, de stupidité, de pusillanimité ». Il achève cependant fin juin 1936 le roman, qui ne sera publié qu'en 1938 après le refus de plusieurs éditeurs (« le principal est que le livre SORTE », écrivait-il à son agent). L'un demandait que le livre soit réduit d'un tiers, ce qui déclencha la colère de Beckett et une auto dérision réjouissante : il proposa de vendre sa prochaine œuvre dans les pharmacies Boots, en donnant « avec chaque exemplaire un échantillon gratuit de quelque laxatif pour promouvoir les ventes. Les Bouquins Beckett pour vos Boyaux. Jésus in péto [etc.]».
Si Beckett voulait que Murphy soit imprimé, c'est bien parce que l'influence de Joyce s'y était atténuée et qu'il commençait à « parvenir à ces choses (ou ce rien) qui se cach[ait] derrière » son langage. C'est peut-être le plus passionnant à suivre dans ces lettres, la lente venue d'une voix singulière, née d'un travail obstiné, sans illusion sur le fait qu'il faut sans cesse recommencer. Cela, les biographies de Beckett, pour passionnantes qu'elles soient, ne le restituent pas.
Samuel Beckett, Lettres, I, 1929-1940, édition préparée par M. Fehsenfeld, L. Overbeck, G. Craig, D. Gunn, traduit de l'anglais par André Topia, Gallimard, 2014, p., 55 €.
Recension parue dans Sitaudis le 3 juin 2014.
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09/06/2014
Samuel Beckett, Lettres, I, 1929-1940
[à propos de son roman Murphy, qui sera publié en anglais en 1938]
[l'éditeur] m'exhorte à faire l'ablation de 33.3 %, fraction éternellement périodique, de mon œuvre. J'ai eu l'idée d'un meilleur plan. Prendre tous les 500es mots, ponctuer soigneusement et publier un poème en prose dans le Paris Daily Mail. Puis publier le reste en édition séparée et privée [...] comme les délires d'un schizoïde, ou en feuilleton, dans le Zeitschrift für Kitsch. Ma prochaine œuvre sera sur du papier de riz enroulé autour d'une bobine, avec une ligne perforée tous les quinze centimètres et en vente chez Boots. La longueur de chaque chapitre sera soigneusement calculée pour laisser libre mouvement à l'utilisateur moyen. Et avec chaque exemplaire un échantillon gratuit de quelque laxatif pour promouvoir les ventes. Les Bouquins Beckett pour vos Boyaux, Jésus in péto. Vendu en papier impérissable. Des rouleaux en duvet de chardon. Tous les bords désinfectés. 1000 occasions de s'essuyer en rigolant un bon coup. Également en braille pour le prurit anal. Tout en Sturm et pas de Drang.
J'ai répondu, chère *agente provocatrice*, que je ne laisserai pas toucher à la section intitulée Amoe Intellectualis, etc., ni àThema Coeli, ni à l'Affense Endon, ni aux dernières volontés et fondement, mais que pour tout ce qui concernait le reste, j'enlèverais volontiers tous les liens et supports, larmiers, clés de voûte, pierres angulaires, arcs-boutants, et, avec un plaisir particulier, l'ensemble des fondations, et accepterais la pleine et entière responsabilité du détritus qui s'ensuivrait. On s'en remettrait aux chouettes, chats, renards et crapauds de la critique universitaire pour compléter le tableau, tableau romantique.
Samuel Beckett, "Lettre à Mary Manning Howe, 14/11/36", dans Lettres, I, 1929-1940, édition établie par G. Craig, M. Dow Fesenfeld, D. Gunn et L. More Overbeck, traduit par André Topia, Gallimard, 2014, p. 444.
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12/02/2014
Joseph Joubert, Carnets, I
Le seul moyen d'avoir des amis, c'est de tout jeter par les fenêtres, de n'enfermer rien et de ne jamais savoir où l'on couchera le soir.
On ne devrait écrire ce qu'on sent qu'après un long repos de l'âme. Il ne faut pas s'exprimer comme on sent, mais comme on se souvient.
Enseigner, c'est apprendre deux fois.
Ceux qui n'ont à s'occuper ni de leurs plaisirs ni de leurs besoins sont à plaindre.
Les enfants veulent toujours regarder derrière les miroirs.
Aux médiocres il faut des livres médiocres.
Les uns disent bâton merdeux, les autres fagot d'épines.
L'un aime à dire ce qu'il sait, l'autre à dire ce qu'il pense.
Évitez d'acheter un livre fermé.
Ce monde me paraît un tourbillon habité par un peuple à qui la tête tourne.
Joseph Joubert, Carnets, I, textes recueillis par André Beaunier, avant-propos de J.P. Corsetti, préface de Mme A. Beaunier et A. Bellesort, Gallimard, 1994 [1938], p. 73, 79, 143, 143, 161, 165, 172, 176, 183, 183, 211.
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22/01/2013
Pierre Reverdy, La Lucarne ovale, dans Œuvres complètes, I
Rides du temps
Plus je crie plus le vent est fort
La porte se ferme
Emporte la fourrure et les plumes
Et le papier qui vole
Je cours sur la route après les feuilles
Qui s'envolent
Le toit se soulève
Il fait chaud
Le soleil est un aimant
Qui nous soutient
À des kilomètres
J'aime le bruit que tu fais
Avec tes pieds
On m'a dit que tu cours
Mais tu n'arriveras jamais
Le vieil amateur d'art a un sourire idiot
Faussaire et cambrioleur
Animal nouveau
Tout lui fait peur
Il se dessèche dans u musée
Et participe aux expositions
Je l'ai mis dans un volume au dernier rayon
La pluie ne tombe plus
Ferme ton parapluie
Que je voie tes jambes
S'épanouir au soleil
Pierre Reverdy, La Lucarne ovale, dans Œuvres
complètes, I, édition, préparée, présentée et annotée
par Étienne-Alain Hubert, Flammarion, 2010,
p. 110-111.
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