14/04/2024
Ossip Mandelstam, Simple promesse
Il est vain de rien dire,
Il est vain d’enseigner personne :
Elle est assez triste et bonne,
L’âme animale, obscure.
Elle ne veut pas enseigner,
Ne sait en dire davantage,
C’est un jeune dauphin qui nage
Sur les abîmes argentés.
1909
Ossip Mandelstam, Simple promesse
(choix 1908-1937), traduction P. Jaccottet,
L.Martinez, J-C/ Schneider, La Dogana, p. 13.
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24/02/2019
André Spire, Versets
Aux livres
Vous m’avez donné mes plus nobles joies,
Combien de fois mes lèvres vous baisèrent !
En vous fermant, chers livres.
C’est en vous, semences fragiles,
Que dorment, tout prêts à renaître,
Les frissons des jours enfuis.
Oui ! plus que mes parents et bien plus que mes maîtres,
Plus que toutes celles que j’aimai,
Vous m’avez enseigné à regarder le monde.
Sans vous, j’aurais passé à travers toutes choses
Sensible seulement aux actions des hommes.
Sans vous, j’aurais été un pauvre être barbare,
Aveugle, comme un petit enfant.
Vous avez dilaté ma puissance d’aimer,
Aiguisé ma tristesse, et cultivé mon doute.
Par vous, je ne suis plus un être d’un instant.
(…)
André Spire, Versets, Mercure de France, 1908, p. 87-88.
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11/06/2017
Paul de Roux, Un rêve
Un rêve
Cette nuit, j’ai fait un rêve. J’enseignais (moi, voyez-vous ça !). Dans une grande et claire salle de classe, je me frottais allègrement les mains tout en faisant mon cours, et je disais :
« Mes chers enfants, vous êtes à l’âge où tout est possible encore. La vie est devant vous come un parchemin qui commence à peine à vous révéler ses premières lignes, aux belles lettrines enluminées. Ah ! combien sont-elles prometteuses, ces premières phrases ! Gardez-vous bien de les oublier, car vous ne les entendrez plus. » (D’émotion, je dus m’interrompre et me mouchai bruyamment.) « Prenez garde, mes bons enfants, que le parchemin ne se dévide bientôt si vite que vous ne vous retrouviez le poil blanc avant d’avoir saisi sa splendeur et compris tout son sens. » Ici, j’agitai maladroitement les bras, ne parvenant pas à trouver les mots que je me sentais le devoir d’adresser encore à mes auditeurs. Tout montrait, cependant, combien ceux-ci étaient dociles et bien disposés à mon égard.
[…]
Paul de Roux, Un rêve, le phare du cousseix, juin 2017, p. 3.
* on peut commander le texte de Paul de Roux aux éditions
(chèque de 10 € + 1 € frais d’envoi à l’ordre des éditions)
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12/02/2014
Joseph Joubert, Carnets, I
Le seul moyen d'avoir des amis, c'est de tout jeter par les fenêtres, de n'enfermer rien et de ne jamais savoir où l'on couchera le soir.
On ne devrait écrire ce qu'on sent qu'après un long repos de l'âme. Il ne faut pas s'exprimer comme on sent, mais comme on se souvient.
Enseigner, c'est apprendre deux fois.
Ceux qui n'ont à s'occuper ni de leurs plaisirs ni de leurs besoins sont à plaindre.
Les enfants veulent toujours regarder derrière les miroirs.
Aux médiocres il faut des livres médiocres.
Les uns disent bâton merdeux, les autres fagot d'épines.
L'un aime à dire ce qu'il sait, l'autre à dire ce qu'il pense.
Évitez d'acheter un livre fermé.
Ce monde me paraît un tourbillon habité par un peuple à qui la tête tourne.
Joseph Joubert, Carnets, I, textes recueillis par André Beaunier, avant-propos de J.P. Corsetti, préface de Mme A. Beaunier et A. Bellesort, Gallimard, 1994 [1938], p. 73, 79, 143, 143, 161, 165, 172, 176, 183, 183, 211.
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14/11/2013
Philippe Beck, Élégies Hé
46
à Yves di Manno
Les soupirs vigoureux
sont pleins d'idéalités refusées.
Comédier, c'est-à-dire pleurer
et raisonner,
permet l'élégie qui apprend.
À moitié tragédier et élégier,
ou lier les deux verbes
par l'observation des cris idéalisés,
c'est-à-dire enseigner.
Double satirisation
de l'élan idyllique.
Satirisation mouillée,
et s. bien séchée ensuite.
Alors, les personnages romantiques,
les p.,
sont des éventails au soleil.
L'air est plein de Cendre de la Dispersion.
Nous la respirons.
Les signes d'âpreté sont dans le front.
Bise vérifie
le camaïeu délicieux.
Philippe Beck, Élégies Hé, Théâtre typographique,
2005, p. 60.
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