07/02/2023
Jean Grosjean, Une voix, un regard
Nos jours
Il a fallu différer les départs
dont nous rêvons
et recevoir tout à tour
les jours inconnus
lourds de soleil ou de pluie.
Les uns donnaient des pépites,
de l’encens ou du pavot,
mais d’autres d’un air candide
lançaient des questions
qui n’ont jamais de réponse.
L’un posait des chrysanthèmes
sur le lit de nos parents,
l’autre offrait aux fronts d’enfants
pour leur faire ombrage
les lauriers des fortsen thème.
Comment vouliez-vous qu’on parte
quand tant de futurs arrivent
et qu’aucun d’eux ne retire
son rire ou son deuil
sans qu’un autre lui succède ?
Mais dès que les nouveaux jours
seront moins nombreux aux portes
nous irons sur l’autre berge
voir quels anciens jours
sont près à nous recevoir.
(Cahiers de l’ENS, Meknès, n° 4, 1983)
Jean Grosjean, Une voix, un regard, textes
retrouvés 1947-2004, Gallimard, 2012, p. 96-97.
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11/04/2015
Ambrose Bierce, Épigrammes
La mise à l’épreuve de la vérité est la Raison, et non la Foi ; car les prétentions de la Foi doivent, elles aussi, être soumises au tribunal de la raison.
Adam considérait sans doute Ève comme la femme de son choix et attendait une certaine gratitude pour l’honneur de lui avoir accordé cette préférence.
La mort n’est pas la fin ; reste le litige sur l’héritage.
On peut se savoir laid, mais il n’existe pas de miroir pour le comprendre.
Le bonheur est perdu quand on le critique ; le chagrin, quand on l’accepte.
Tant que vous avez un futur, ne vivez pas trop dans la contemplation de votre passé ; à moins que vous n’aimiez marcher à reculons, le miroir est un piètre guide.
Ambrose Bierce, Épigrammes, traduction Thierry Gillybœuf, éditions Allia, 2014, p. 33, 35, 38, 43, 47, 53.
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02/10/2014
Charles Dobzynski, La question décisive
1929-29 septembre 2014
Extrait de son premier recueil :
Le chant du chômeur
Je suis le chômeur
Je viens par les plaies
Je porte les rumeurs à la gorge des baies
Je suis le chômeur et je forge ce temps
Comme une clé pour ouvrir les poitrines
D'où surgiront de grands drapeaux battants !
Je suis le chômeur
Le donneur de présence aux margelles du jour
Je suis celui qu'on veut conduire au vide
Qu'on veut réduire au spectre de ses cris
Qu'on veut clouer à tous les carrefours
Ainsi qu'une pancarte indiquant où commence
Le no man's land et la blessure des midis
Je suis celui qu'on jette aux vitres
Qu'on plie et qu'on oublie aux angles des distances
Et ma faim s'arrondit en un bolide dur
Pour étrangler le silence
Mais mon amour au fil de source
Passera par l'aiguille infinie du futur !
[...]
Charles Dobzynski, La question décisive, Pierre Seghers,
1950, p. 17.
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