15/12/2016
Jacques Roubaud, Octogone
Vitez
Cheveux noirs, regard brun, traits coupés au couteau
Le sourire du chat, ne montrant pas ses dents
Pas de chaleur, pas d’émotion, ombre portée
Double, à grand froid, comme un rasoir sifflant l’espace.
Janséniste baroque et modeste d’orgueil,
À cinquante ans ! jouant Faust nu, diogénique
Sort d’une malle, s’étonne, choque, puis convainc
Occupant le plateau investi de son pas.
Tenant les vers immensément serrés, distincts,
Médités (de Maïakovski contre Aragon)
Rafales de la voix et diction de l’esprit.
Tout d’intellect, insensuel, insaisissable
Il savait ne laisser personne indifférent
Au total un génie étrange, saisissant.
Jacques Roubaud, Octogone, Gallimard, 2014, p. 53.
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12/10/2016
Jacques Roubaud, Quelque chose noir
Mort réelle et constante
À la lumière, je constatai ton irréalité. elle émettait des monstres et de l’absence.
L’aiguille de ta montre continuait à bouger. dans ta perte du temps je me trouvais tout entier inclus.
C’était le dernier moment où nous serions seuls.
C’était le dernier moment où nous serions.
Le morceau de ciel. désormais m’était dévolu. d’où tu tirais les nuages. et y croire.
Ta chevelure s’était noircie absolument.
Ta bouche s’était fermée absolument.
Tes yeux avaient buté sur la vue.
J’étais entré dans une nuit qui avait un bord. au-delà de laquelle il n’y aurait rien.
Jacques Roubaud, Quelque chose noir, Gallimard, 1986, p. 118.
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29/02/2016
Jacques Roubaud, C et autre poésie (1962-2012)
I
je t’aimais avec des arceaux et des ruches
dans un bordeau imaginaire, sous un gué
mordant tes seins sous les cailloux ô ma cigüe
Je t’aimais pour ta sylve noire rose rêche
et je t’aimais bien mieux neigeante d’innocence
mais dévorée par la douleur du fruit oral
bruyère de corfou aux sueurs désirables
comme une fourche où glisse la rosée des sens
je t’ai soumise à mes errances longtemps
couchée dans le ..... d’une chambre ligneuse
(la stupeur nue par le reptile ta caverne)
immune des poisons d’un ... printemps
je t’aimais dans l’effroi dans les ruses joyeuse
par mouvements de bouche ou silence de cerne
Elle trace un arbre sous le coton qui la recouvre etc.
(I miroir)
Jacques Roubaud, C et autre poésie (1962-2012), NOUS,
2015, p. 41.
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