Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/09/2022

Sandra Moussempès, Vestiges de fillette

 

                       (Point of view)

 

Devant la rambarde bleue rouillée de la plage de galets, ils observent les cars de touristes. Un groupe de vieilles dames entre dans un snack éclairé au néon jaune vif. Sur les tables de formica bleu canard sont posés ketchup rouge sang et moutarde kaki. Face aux vagues, cette assemblée argentée boit sagement son thé.

 

Ils arrivent à deux heures chez leurs amis. La maison est silencieuse. Baby Phoche dort. Ils s’assoient devant le feu de cheminée. La jeune fille saigne du nez plusieurs fois.

 

Comme la pluie sur l’autoroute ce fluide imprévisible ramène le garçon à son impuissance devant les phénomènes naturels.

 

Les corons pourpres stagnent dans l’évier.

Elle a taché le sol de la salle de bains.

 

Sandra Moussempès, Vestiges de fillette, Poésie/Flammarion, 1997, p. 83.

12/01/2021

Sandra Moussempès, Vestiges de fillette

                      title-1572342131.jpg

                                         Reflet 1

 

   Lèvres dévastées, le rouge vif déborde, les yeux sans fin au contour aguicheur, elle s’accroupit (pagne mauve lèvres offertes tee-shirt près du corps), regarde au loin, les traces noires autour des yeux, sourcils maladroitement repeints de la main d’une enfant, la lumière opaque, moue d’une fillette, rayons roses sur le corps, secret de la paille autour de ses cuisses refermées, elle s’imagine de l’autre  côté du miroir.

 

                                            Reflet 2

 

   Les draps noirs sur les seins, dessein caché de l’autre monde. La dentelle d’une bretelle soutient la gorge dorée, dorure éternelle, les cheveux blonds, délavés par temps orageux, embroussaillés, sa bouche enflammée, le rouge dévie, regard docile presque doux (les pleurs ou le discours indicible d’une nuit blanche) elle tient au cœur du corps le drap froissé, elle, blonde à gémir, l’œil glauque et langoureux, désir tiède  de l’autre corps, luxure des lumières, l’éclat de sa peau, en plein jour, émaillée.

 

Sandra Moussempès, Vestiges de fillette, Poésie / Flammarion, 1997, p. 103-104.

 

22/05/2015

Sandra Moussempès, Vestiges de fillette

                Sandra Moussempès (c) Didier Pruvot.jpg

                                          Reflet 1

 

   Lèvres dévastées, le rouge vif déborde, les yeux sans fin au contour aguicheur, elle s’accroupit (pagne mauve lèvres offertes tee-shirt près du corps), regarde au loin, les traces noires autour des yeux, sourcils maladroitement repeints de la main d’une enfant, la lumière opaque, moue d’une fillette, rayons roses sur le corps, secret de la paille autour de ses cuisses refermées, elle s’imagine de l’autre  côté du miroir.

 

                                            Reflet 2

 

   Les draps noirs sur les seins, dessein caché de l’autre monde. La dentelle d’une bretelle soutient la gorge dorée, dorure éternelle, les cheveux blonds, délavés par temps orageux, embroussaillés, sa bouche enflammée, le rouge dévie, regard docile presque doux (les pleurs ou le discours indicible d’une nuit blanche) elle tient au cœur du corps le drap froissé, elle, blonde à gémir, l’œil glauque et langoureux, désir tiède  de l’autre corps, luxure des lumières, l’éclat de sa peau, en plein jour, émaillée.

 

Sandra Moussempès, Vestiges de fillette, Poésie / Flammarion, 1997, p. 103-104. © Photo Didier Pruvot.

20/01/2015

Sandra Moussempès, Vestiges de fillette

48.jpg

 

 

                 EMILY B.

   (Autour de « Wuthering Heights »)

 

 

Psaume I

 

 

Chair crayeuse

L’image évincée

De son corps d’enfant

Aux yeux creusés

Une morsure de dent sous la peau

 

Elle se débat puis voit le sang couler de son pied

Le saccage désormais en guise de destinée

 

 

Psaume II

 

 

J’attache une lanière au creux de mes reins

Je noie mes cheveux dans le sel ocre

Mes lèvres de givre embrassent l’herbe humide

 

 

Psaume III

 

 

Je passe l’après-midi à regarder la pluie tomber sur un mur de briques

J’offre mes entrailles à cris répétés

Vous aviez trahi, je l’ai compris.

À travers les maux gênants, la honte de rigueur et l’élan des gestes.

L’ondulation de votre chevelure noire, les tempes ensanglantées, une robe violette.

 

[...]

 

Sandra Moussempès, Vestiges de fillette, Flammarion, 1997, p. 40-45.

18/04/2012

Sandra Moussempès, Vestiges de fillette

Unknown.jpeg

                            I

 

Les cheveux et la gorge noués,

Un ruban bleu posé sur le front.

 

La petite fille trempe une araignée dans l'eau bouillante.

 

Jambes croisées,

à l'ombre d'un roseau,

elle jaunit de la tête aux pieds.

 

Ses crampes la reprennent.

Des mangues épluchées,

le noyau avalé par mégarde,

un rosbif cru.

C'est tout.

 

                             V

 

Au milieu de la pièce, elle recopie l'énoncé de la main gauche. Avec le dos strié, l'air triste.

Elle n'a pas mangé depuis deux jours. Les joues en feu (le banc est dur), les cheveux emmêlés, la dentelle sale.

Le repentir inscrit sur du papier de soie. Dédicace de l'enfant droite, assise au milieu d'une pièce. Lettres déliées, une boucle dans les yeux, elle éternue à la cinquième page.

Et se repend une dernière fois.

 

(Enfance d'une comtesse russe)

 

    XII

 

(Cheveux de bataille)

 

Elles avaient le pied fin

Les idées claires

Se reposaient la nuit pour être en forme le jour

Buvant le jus d'une orange très sanguine

La manière forte pour ne pas trébucher

La mèche rebelle cingle dans la nuque

 

Enroulées

À trois

— Comme autrefois

 

Sandra Moussempès, Vestiges de fillette, Poésie / Flammarion,

1997, p. 11, 15 et 22.