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08/07/2023

Shakespeare, Soonets et autres poèmes

 

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Ton miroir te dira combien tes beautés s’usent,

Tu verras au cadran fuir tes chères minutes,

Les pages blanches seront empreintes de ton esprit,

Et de ce livre tu pourras tirer cette leçon :

Les rides exhibées par ce miroir fidèle

Te feront souvenir de la tombe béante ;

À l’ombre furtive du cadran, tu sauras

Que le temps, ce voleur, va vers l’éternité.

Vois ce que ton souvenir ne peut préserver,

Confie-le à ces pages en friche, et tu verras

Ces enfants bien gardés, issus de ton cerveau,

Prendre de ton esprit connaissance nouvelle.

     Ces devoirs, chaque fois que tu t’y emploieras

     Te seront profitables, enrichiront ton livre.

 

Shakespeare, Sonnets et autres poèmes (Œuvres complètes, VIII), Pléiade/Gallimard, 2021, p.401.

15/06/2020

Paul de Roux, Entrevoir

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                       Privilège

 

Ce privilège d’un dieu : effacer les rides

aux commissures des lèvres, rendre une femme

à sa jeunesse : au pouvoir que la beauté

devrait exercer sur la vie — qui parfois la récuse —

ce privilège je l’ai envié dans le métro

face à une inconnue aux deux rides profondes

de part et d’autre de la bouche, dont le regard

(un instant levé du magazine) reflétait une grâce

animale peut-être, jeune de la jeunesse

que seul un dieu peut rappeler, effleurant

du doigt chaque sillon, autant d’amour perdu.

 

Paul de Roux, Entrevoir, préface de Guy Goffette,

Poésie / Gallimard, 2014, p. 297.

28/05/2014

Mina Loy (1882-1966), Velours mousseline, traduction Olivier Apert

Mina Loy, Velours mousseline, traduction Olivier Apert, pauvreté, vieillesse, ride, miroir

    Velours mousseline

 

Elle est froissée

 

Ses traits

au bord du cri

injure du temps

 

fuient la mort de partout

maintenus tant bien que mal par un filet de rides.

 

La place des seins disparus

est signalée par une épingle à nourrice.

 

Raide,

elle s'appuie contre la pierre angulaire

d'un grand magasin.

 

Seul mannequin à présenter

sa dernière création,

 

le patron original

de la misère.

 

Vêtue de lambeaux d'autrefois

qui ne suffiraient pas à un squelette.

 

Festonnée par l'éclat inattendu

d'un coton fleuri

la moitié de sa jupe noire

luit comme un miroir maculé

et réfléchit le caniveau —

un mètre de velours mousseline.

 

                      *

 

     Chiffon Velours

 

She is sere.

 

Her features,

verging on a shriek

reviling age,

 

flee from death in odd directions

somehow retained by a a web of wrinkles.

 

The site of vanished breasts

is marked by a safety pin.

 

Rigid,

a rest against the comestone

of a department store.

 

Hers alone to model

the last creation,

 

original design

of destitution.

 

Clothed in memorial scraps

skimpy even for a skeleton.

 

Trimmed with one sudden burst

of flowery cotton

half her black skirt

glows as a soiled mirror

reflects the gutter —

a yard of chiffon velours.

 

Mina Loy, Choix de poèmes, traduits

par Olivier Apert, dans Les Carnets d'eucharis,

2014, n°2, p. 132.

Commande : 17 €, à

Nathalie Riera, L'Olivier d'Argens,

Chemin de l'Iscle, BP 44

83520 Roquebrune-sur-Argens