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08/12/2025

Ossip Mandelstam, Poésies complètes

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Pour la gloire grondante des siècles futurs,

pour l’éminente tribu des hommes

je perds le droit de boire au festin des  pères,

ainsi que l’allégresse et l’honneur.

 

Le siècle chien-loup m’a bondi sur l’épaule,   

mais je n’ai de sang de loup ; fourrez-moi  

ainsi qu’une chapka, dans la manche  

d’une pelisse pour steppe sibérienne. 

 

Que je ne voie ni froussard ni boue morbide,

ni ossements sanglants dans la roue,

et que pour moi dans la nuit les renards bleus

luisent de leur beauté primitive.

 

Mène-moi de nuit où l’Ienisséï coule,

là où le pin touche jusqu’aux étoiles,

parce que loup par le sang je ne suis pas

et que seul me tuera mon semblable.

                                                          17-18 mars 1931

Ossip Mandelstam, Œuvres poétiques, traduction Jean-Claude Schneider, Le Bruit du temps/La Dogana, 2018, p. 364.

 

 

 

 

 

 

 

25/06/2017

Malcolm Lowry, Pour l'amour de mourir

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                Poème bizarre

 

J’ai connu un homme sans cœur ;

Il dit que des enfants le lui ont arraché

Et l’ont donné à un loup affamé

Qui s’est enfui l’emportant dans sa gueule,

Et les enfants ont fui avec l’instituteur ;

L’animal aussi s’est enfui bien vite,

Et derrière lui, bizarre poursuite,

Titubait encor cet homme sans cœur.

J’ai vu cet homme l’autre jour,

Gonflé d’un orgueil ridicule,

Le cœur remis en place et la mine égayée ;

À son côté, tout radouci, trottait le loup.

 

Malcolm Lowry, Pour l’amour de mourir, traduction

J.-M. Lucchioni, préface Bernard Noël, La

Différence, 1976, p. 83.

09/12/2016

Paul Auster, Disparitions

 

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       Nonterre

 

                 I

 

Accompagnant tes cendres, à peine

écrites, effaçant

l’ode, les racines avivées, l’œil

autre — de leurs mains gauches, ils t’ont traîné

dans la ville, t’ont serré

dans ce grand nœud de jargon, et ne t’ont rien

donné. Ton encre a appris

la violence du mur. Banni,

mais toujours au cœur

d’un calme fraternisant, tu retournes les pierres

d’une invisible terre, et rends douce ta place

parmi les loups. Chaque syllabe

est entreprise de sabotage.

 

Paul Auster, Disparitions, traduction Danièle Robert,

Babel, 2008 [Actes Sud 1994], p. 17.

 

 

04/09/2014

Georges Bataille, Poèmes, dans Œuvres complètes, IV

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Le loup soupire…

 

Le loup soupire tendrement

dormez la belle châtelaine

le loup pleurait comme un enfant

jamais vous ne saurez ma peine

le loup pleurait comme un enfant

 

La belle a ri de son amant

le vent gémit dans un grand chêne

le loup est mort pleurant le sang

ses os séchèrent dans la plaine

le loup est mort pleurant le sang.

 

 

La Marseillaise de l’amour

 

Deux amants chantent la Marseillaise

deux baisers sanglants leur mordent le cœur

les chevaux ventre à terre

les cavaliers morts

village abandonné

l’enfant pleure

dans la nuit interminable

 

                         Georges Bataille, Poèmes, dans Œuvres complètes, IV,

                         Œuvres littéraires posthumes, Gallimard, 1971, p. 27 et 35.

13/04/2014

Malcolm Lowry, Pour l'amour de mourir

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                 Poème bizarre

 

J'ai connu un homme sans cœur :

Il dit que des enfants le lui ont arraché

Et l'ont donné à un loup affamé

Qui s'est enfui l'emportant dans sa gueule.

Et les enfants ont fui avec l'instituteur ;

L'animal aussi s'est enfui bien vite,

Et derrière lui, bizarre poursuite,

Titubait encore cet homme sans cœur.

J'ai vu cet homme l'autre jour,

Gonflé d'un orgueil ridicule,

Le cœur remis en place et la mine égayée ;

À son côté, tout radouci, trottait le loup.

 

Malcolm Lowry, Pour l'amour de mourir, traduction de l'anglais de J.-M. Lucchioni, préface de Bernard Noël, éditions de la Différence, 1976, p. 83.