08/12/2023
Paul Verlaine, Parallèlement
Sappho
Furieuse, les yeux caves et les seins roides,
Sappho, que la langueur de son désir irrite,
Comme une louve court le longe des grèves froides,
Elle songe à Phaon, oublieuse du Rite,
Et, voyant à ce point ses larmes dédaignées,
Arrache ses cheveux immenses par poignées ;
Puis elle évoque, en des remords sans accalmies,
Ces temps où rayonnait, pure, la jeune gloire
De ses amours chantés en vers que la mémoire
De l’âme va redire aux vierges endormies :
Et voilà qu’elle abat ses paupières blêmies
Et saute dans la mer où l’appelle la Moire, —
Tandis qu’au ciel éclate, incendiant l’eau noire,
La pâle Séléné qui venge les Amies.
Paul Verlaine, Parallèlement, dans Œuvres poétiques complètes,
Pléiade / Gallimard, 1962, p. 489.
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03/11/2016
Sappho, traduction Jean Bollack, Au jour le jour
Sappho, Fragment 31
Je le vois, cet homme,
l’égal des dieux, cet homme assis
en face de moi, qui près de toi entend les douceurs
de ta voix
et le rire du désir : pour le dire, c’est cela vraiment
qui dans ma poitrine épouvante mon cœur.
Car aussitôt que je regarde un instant vers toi, de même,
[ pour m’empêcher de parler
,
plus rien ne se laisse aller.
Ma langue s’est rompue, et aussitôt
une chaleur subtile s’est ruée dans mon cœur
Plus une seule chose à voir pour les yeux, et les bruits
bourdonnent.
Une sueur glacée me fait ruisseler ; un tremblement
me saisit tout entière, je suis plus verte
que l’herbe ; peu s’en faut
que l’on me voie morte…
Sappho, fragment 31, traduction Jean Bollack, dans Au jour le jour, PUF, 2013, p. 1046-1047.
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22/09/2014
Sappho, fragment 31, dans Yves Battistini, Lyra erotica
Mes yeux sont éblouis : il goûte le bonheur des dieux
cet homme qui, devant toi,
prend place, tout près de toi, captivé,
la douceur de ta voix
et le désir d'aimer qui passe dans ton rire. Ah ! c'est bien pour cela,
un spasme étreint mon cœur dans ma poitrine.
Car si je te regarde, même un instant, je ne puis
plus parler,
mais d'abord ma langue est brisée, voici qu'un feu
subtil, soudain, a couru en frissons sous ma peau.
Mes yeux ne me laissent plus voir, un sifflement
tournoie dans mes oreilles.
Une sueur glacée ruisselle sur mon corps, et je tremble,
tout entière possédée, et je suis
plus verte que l'herbe. D'une morte j'ai presque
l'apparence.
Mais il faut tout risquer...
Sappho, fragment 31, dans Yves Battistini, Lyra erotica, VIe siècle de notre ère-IXe siècle avant Jésus-Christ, Imprimerie nationale éditions, 1992, p. 263-264.
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05/12/2012
Jean Bollack, une traduction de Sappho
En hommage à Jean Bollack, philosophe, philologue et critique, décédé le mardi 4 décembre 2012.
On trouvera une biographie et une bibliographie sur le site www. jeanbollack.fr
Une traduction de Sappho par Jean Bollack :
Aphrodite, sur ton siège chatoyant, immortelle,
Fille de Zeus, tressant des pièges,
Souveraine, je te supplie, ne paralyse pas mon esprit, ni dans la lassitude,
Ni dans la souffrance.
Viens ici. Une autre fois, à un autre moment,
Tu as entendu mes paroles au loin,
Et tu m’as écouté. Tu as quitté la demeure en or
De ton père, et tu es venue.
Tu as attelé ton char ; ils se sont faits beaux, les rapides
Moineaux, qui te conduisaient autour de la terre noire,
Tournant dru ; le tourbillon de leurs ailes est parti du centre
Du ciel, traversant l’éther.
En un instant, ils étaient là. Et toi, la bienheureuse,
Avec tout le sourire d’un visage d’immortelle
Tu m’as demandé ce que je subissais encore, et ce qui
Encore faisait que je t’appelle,
Et ce que c’est que je veux le plus qu’il m’arrive
Dans mon esprit en délire. « Qui est-ce qu’encore je dois
Persuader de te conduire, toi aussi, dans ton amour ?
Qui est-ce
dis, ô Sappho, qui te maltraite ?
C’est sûr : si elle évite, vite elle courra après
Et si elle refusait les cadeaux, elle en donnera.
Et si elle n’aime pas, vite elle aimera,
Serait-ce contre sa volonté ».
Viens à moi, maintenant aussi, et libère-moi de mes atroces
Soucis, et tout ce dont mon esprit
Désire l’achèvement, achève-le. Et toi, en personne,
Sois mon alliée.
(Sappho, fragment 1 Lobel- Page)
© Photo Tristan Hordé. Jean Bollack en avril 2010.
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28/11/2011
Sappho, fragment 31
Mes yeux sont éblouis : il goûte le bonheur des dieux
cet homme qui, devant toi,
prend place, tout près de toi, captivé,
la douceur de ta voix
et le désir d'aimer qui passe dans ton rire. Ah ! c'est bien pour cela,
un spasme étreint mon cœur dans ma poitrine.
Car si je te regarde, même un instant, je ne puis
plus parler,
mais d'abord ma langue est brisée, voici qu'un feu
subtil, soudain, a couru en frissons sous ma peau.
Mes yeux ne me laissent plus voir, un sifflement
tournoie dans mes oreilles.
Une sueur glacée ruisselle sur mon corps, et je tremble,
tout entière possédée, et je suis
plus verte que l'herbe. D'une morte j'ai presque
l'apparence.
Mais il faut tout risquer...
Sappho, fragment 31, dans Yves Battistini, Lyra erotica, VIe siècle de notre ère, IXe siècle avant Jésus-Christ, Imprimerie nationale éditions, 1992, p. 263-264.
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