21/06/2021
Jean-Claude Pirotte, Le promenoir magique
Paysages, 2
le pays que j’habite est un pays perdu
comme tous les pays que le siècle déserte
avec les vieux clochers les murs qui se délabrent
et les pommiers tordus redevenus sauvages
l’horloge s’est arrêtée les chemins ne vont plus
aux granges que l’oubli dans le silence étreint
cependant nous marchions (dis-tu) dans le matin
quand au. bord des étangs rêvaient les fiancées
mais cela n’eut pas lieu qui nous était promis
ce bonheur ces baisers la tiédeur des fruits mûrs
et le grand ciel flambant des étés revenus
voici nos souvenirs au pied des arbres nus
Jean-Claude Pirotte, Le promenoir magique, La Table ronde, 2009, p. 701.
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20/06/2021
Étienne Faure, Penchants aux fenêtres
L’été, fenêtre ouverte, nous voyageons avec les avions
qui s’en vont, quittant le territoire en vrombissant
comme soulevés d’un destin trop lourd — deux août,
même chaleur anniversaire qui jour pour jour
avait saisi les aïeux de fureur
dans la mobilisation des corps soudain
suspendus à des déclarations d’amour, non, de guerre,
peaux empourprées aux moindres caresses,
une dernière fois sous le soleil posant
la tête sur la patrie qu’est la poitrine
à susurrer ça va vous coûter cher., l’amant, autant dire
la vie, moissons défaites, toutes faux passées
et des poèmes écrits à la dernière minute
dans la poussière de l’été, cette saison
à jamais révolue, enfermée dans le passé
d’un mot qui ce jour-là aura
été, à Paris maintenant démobilisé
énième deux août à Paris
Étienne Faure, Penchants aux fenêtres, dans
Contre-Allées, N° 43, printemps 2021, p. 8
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19/06/2021
Isabelle Lévesque, en découdre
Demain départ
Demain, terre où les graines avivent les sons. Toute ordonnance sillonne et attache l’écorce brune que nous soulevons. Un arbre de plus, et la route.
Demain je quitterai le point fixe de la branche, mon heure aura proscrit l »immobile. Nous ferons corps des nuages. Le chant vers l’ascension. Rien contre ? Tu ne peux retenir les sons, leur écho dissout le temps. Inévitablement.
Sans qu’une faille présume du sort.
Isabelle Lévesque, en découdre, L’herbe qui tremble, 2021, p. 25.
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18/06/2021
Jean de La Fontaine, Le vieux Chat et la jeune Souris
Le vieux Chat et la jeune Souris
Une jeune Souris de peu d’expérience
Crut fléchir un vieux Chat implorant sa clémence,
Et payant de raison le Raminogrobis :
Laissez-moi vivre : une Souris
De ma taille et de ma dépense
Est-elle à charge en ce logis ?
Affamerais-je, à votre avis,
L’Hôte et l’Hôtesse, et tout leur monde ?
D’un grain de blé je me nourris ;
Une noix me rend toute ronde.
À présent je suis maigre ; attendez quelque temps
Réservez ce repas à Messieurs vos Enfants.
Ainsi parlait au Chat la Souris attrapée.
L’autre lui dit ; Tu t’es trompée.
Est-ce à moi que l’on tient de semblables discours ?
Tu gagnerais autant de parler à des sourds.
Chat et vieux pardonner ? cela n’arrive guères.
Selon ces lois, descends là-bas,
Meurs, et va-t’en tout de ce pas
Haranguer les sœurs Filandières.
Mes Enfants trouveront assez d’autres repas.
Il tint parole ; et pour ma fable,
Voici le sens moral qui peut y convenir :
La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir.
La vieillesse est impitoyable.
La Fontaine, Fables, 12, V, Pléiade/Gallimard, 2021, p. 771.
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17/06/2021
Au bord de l'Atlantique
Photos Chantal Tanet
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16/06/2021
Franck Delorieux, Quercus suivi de Le séminaire des nuits
La peau des dieux
Le temps est un puits profond profond
Où l’on se jette corps et âme l’eau noir
Ressemble à la nuit ô ciels nocturnes
L’onde est sans espoir mais il faut toujours
Vivre je dérive en barque comme sur une mer
Azurée les vagues des gloires passées rafraîchissent
Mon torse mes membres mon visage je plonge nu
Et savoure la nage l’embrun qui m’enrobe sont
La peau des dieux je m’étends sous un soleil
Aux rayons capiteux je m’étire je prends des teintes
Chaudes d’or fondu j’ouvre en grand ma bouche
Je me frotte à l’infini ah l’infini vieille lune
Paumée qui me rire avec ses guenilles
D’étoiles j’attends des fontaines d’eau fraîche
Des pains dorés des pousses de blé vert
Des oranges des citrons mûrs des olives
J’attends le jour qui éponge la sueur glacée
De mon front pour lui sussurer un avenir
Radieux où le corps respire le soleil
Franck Delorieux, Quercus suivi de Le séminaire des nuits, Gallimard,
2021, p. 48.
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15/06/2021
Bashô Seigneur ermite
Dans cette maison pleine d’affection
ignorant l’hiver
le décorticage du riz, un bruit de grêle
Oreiller d’herbes —
est-il triste trempé par l’averse d’hiver
ce chien hurlant à la nuit ?
Neige sur neige —
ah ! cette lumière de décembre,
celle de la lune claire
Errant comme un corbeau —
les pruniers en pleine floraison
comme autrefois
Sur le chemin montagneux
une violette me fascine
sans raison
Bashô, Seigneur ermite, traduction Makoto Kemmoku et Dominique Chipot, La Table ronde, 2012, p. 104,111,112, 118, 121.
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14/06/2021
Bashô Seigneur ermite
Regagnant la côte sur une feuille, le petit insecte où dort-il ?
Denuit sous la lune un ver secrètement creuse une châtaigne
Pareils aux herbes de pampas les épis de blé invitent-ils les coucous dans le vent ?
Que les couvertures superposées sont lourdes ! il doit neiger ce soir dans un lointain pays de montagne.
Poètes élus par les cris des singes, entendez-vous l’enfant abandonné dans le vent d’automne ?
Bashô Seigneur ermite, traduction Makoto Keemmoku et Dominique Chipot, La Table ronde, 2012, p. 79, 79, 85, 94, 99.
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13/06/2021
Bashô Seigneur ermite
Amoureux mélancoliques —
l’éclosion des fleurs
dans le champ hivernal
Contemplant les fleurs sans lassitude
mon carnet de haïkus
rarement sorti du sac
Lee vent souffle
— le cerisier sauvage a l’air d’un chien
remuant la queue
Revenant au pays natal
— à cent lieues sous les nuages
profitant de la fraîcheur
Bashô Seigneur ermite, traduction Makoto Kemmoku et Dominique Chipot, La Table ronde, 2012, p. 44, 47, 49, 51, 62.
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12/06/2021
Marie de Quatrebarbes, Les vivres
22
Si je conjugue ces moments hors de moi passés si loin de toi avec ce loin qui est « je vois » et toi qui est « si loin de moi », plus ces moments-)là sont lointains plus ils existent en dehors de moi, mieux je les sens. Comme parfois je te sens vivante, je te cueille et j’en ai plein les poches. Ce serait une belle idée de remplir nos poches de toutes les présences qu’on aurait connues pour les retrouver. Et quand je marche avec au-devant, toi, quand je marche aveuglément, empéguée dans mon ombre qui est mon projet, aveugle et aveuglée, les papiers collent à ma marche et crépitent au fond de mes poches. Mais moi, ça ne me dérange pas, tu sais, quand quelque chose s’échappe de mes poches avec ton rire qui vient vers moi.
Marie de Quatrebarbes, Les vivres, PO.L, 2021, p. 65.
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11/06/2021
Bashô, Friches (2)
À l’ombre des fleurs
la nuit passée en voyage
évoque le chant
D’herbes l’appuie-tête
trempé par l’averse un chien
hurle dans la nuit
En voyage donc
j’aurai vu de ce bas monde
le grand nettoyage
De mes père et mère
le souvenir m’envahit
au cri du faisan
Ah le pays natal
sur mon cordon ombilical je pleure
au déclin de l’an
Bashô, Friches (2), traduction René Sieffert, Presses orientalistes de France, 1992, p. 51, 61, 65, 67, 73.
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10/06/2021
Bashô, Jours d'hiver
De notre malheur
ne résoudra le mystère
le chant du coucou
Jusqu’aux fleurs des champs
butine le papillon
aux ailes froissées
De la creuse cigale
d’automne le cri sans voix
s’élève en silence
Ne pouvant la couvrit
elle fait tomber la lune
l’averse d’hiver
Joyeusement
gazouille l’alouette
tire-lire-li
Bashô, Jours d’hiver, traduction
René Sieffert, Presses orientalistes
de France, 1987, p. 21, 25, 33, 37, 41.
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09/06/2021
Bashô, Friches (2)
La bise un instant
retient son souffle et c’est
le petit printemps
Le soleil couchant
qui tremble à l’horizon
fait mal à la tête
Quand souffle la bise
ramasseur d’aiguilles de pin
lui tient compagnie
Au vent du printemps
la ceinture relâchée
visage ensommeillé
Moustiques de la chambre
à la fumée des offrandes
tous s’en sont allés
Bashô, Friches (2), traduction René Sieffert,
presses orientalistes de France, 1992, p. 21, 23, 25, 27, 29.
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08/06/2021
Matsuo Bashô, Cent cinq haïkaï
Un court moment
S’attarde sur les fleurs
Le clair de lune
Bruit d’étourneaux
Du micocoulier tombent des fruits
Tempête du matin
Viens me voir ici
De sous la magnanerie
Une voix de crapaud
Dans la nuit sombre
À la recherche de son nid
Le pluvier pleure
Les rossignols
De derrière les saules
De devant les broussailles
Matsuo Bashô, Cent cinq haïkaï,
traduction Koumiko Muraoka et
Fouad El-Etr, La Délirante, 1979, np.
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07/06/2021
Esther Tellermann, Un versant l'autre
(...)
Jadis très loin
furent
des voilures
des myrtilles
et le câprier
même crête du monde
qu’un été brûle
même ambre
qui vous enferme
Poème creusait
chaque interstice
où vinrent
la lettre
et la blessure
(...)
Esrher Tellermann, Un versant
l’autre, Flammarion, 2019, p. 62.
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