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19/03/2022

Alberto Giacometti, Écrits

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                                 Gris, brun, noir (Georges Braque)

 

Gris, brun, noir, feuilles, sables, vases ; les grandes fleurs jaunes qui me regardent. Je me vois au milieu des tableaux, les regardant l’un et  l’autre, passant du vase, à la plage, au blé, à la bicyclette brillante, l’humidité derrière les deux troncs d’arbres au bord de la route. Je sens l’asphalte, la poussière. L’étendue du pré et de la forêt, je suis sur la route passant à côté de cette bicyclette comme abandonnée dans le paysage et puis le banc sous les arbres à l’ombre fraîche. Je vois tout le jardin, je suis dans le jardin, j’entends les pas sur le gravier, les voix des autres qui sont là avec moi, qui vont et viennent et là-bas il y a ce banc dans l’ombre fraîche qui m’attire.

[...]

Mais pourquoi de toutes les dernières peintures de Braque, est-ce le vase jaune ocre qui m’est resté le plus vivement dans la mémoire ? Peut-être parce qu’en s’accrochant, en donnant un tel poids  à une seule partie de la surface du plus simple et, d’une certaine manière, du plus insignifiant des objets, il valorise en même temps tout ce qu’il ne peint pas, il donne une valeur à celles qui étaient les plus mornes et nulles des choses et il exalte tout ce qui les dépasse jusqu’à celui qui les regarde.

 

Alberto Giacometti, Écrits, Hermann, 1992, p. 68 et 69-70.