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28/03/2022

Apollinaire, Calligrammes

                                                    

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                                                       Les fenêtres

 

Du rouge au vert tout le jaune se meurt

Quand chantent les arts dans les forêts natales

Abatis de pihis

Il y a un poème à faire sur l’oiseau qui n’a qu’une aile

Nous l’enverrons en message téléphonique

Traumatisme géant

Il fait couler les yeux

Voilà une jolie jeune fille parmi les jeunes Turinaises

Le pauvre jeune homme se mouchait dans sa cravate blanche

Tu soulèveras le rideau

Et maintenant voilà que s’ouvre la fenêtre

Araignées quand les mains tissaient la lumière

Beauté pâleur insondables violets

Nous tenterons en vain de prendre du repos

On commence à minuit

Quand on a le temps on a la liberté

Bigorneaux Lotte multiples Soleils et l’Oursin du couchant

Une vieille paire de chaussures jaunes devant la fenêtre

Tours

Les Tours ce sont les rues

Puits

Arbres creux qui abritent les Câpresses vagabondes

Les Chabins chantent des airs à mourir

Aux Chabines marronnes

Et l’oie oua-oua trompette au nord

Où les chasseurs de ratons

Raclent les pelleteries

Étincelant diamant

Vancouver

Où le train blanc de neige et de feux nocturnes fuit l’hiver

O Paris

Du rouge au vert tout le jaune se meurt

Paris Vancouver Hyères Maintenon New York et les Antilles

La fenêtre s’ouvre comme une orange

Le beau fruit de la lumière

 

Apollinaire, Ondes, dans Calligrammes [1918], dans Œuvres poétiques,  Pléiade/Gallimard, 1965, p. 168-169.

 

11/04/2012

Michel Leiris, Ondes, Images de marque

Michel Leiris, Ondes, Images de marque, printemps, automne

                                  Leiris par Giacometti


                       Printemps

 

De gauche à droite

ou de cour à jardin

égrener le chapelet du vocabulaire

et malaxer chacun de ses grains

pour qu'il devienne fruit mûr

sinon germe d'étoile.

 

                       Automne

 

Ce que j'écris et qui,

doré par mon orgueil,

me semble traits de feu

n'est peut-être que lueurs sur un marécage

ou flamboiement de feuilles mortes.

 

Michel Leiris, Ondes, Le temps qu'il fait, 1987, np.

 

                             *

Images de marque...

 

Un roi sans bouffon autre que lui-même.

 

Un initié à une confrérie qui ne comprend que lui.

 

Un homme dont le malheur est de n'avoir autant dire jamais su être un fou.

 

Quelqu'un qui fut un enfant quelconque mais se voudrait vieillard prodige.

 

Un moraliste qui se juge sans tache quand il a dîné sans salir sa cravate.

 

Un égaré accroché à la poésie comme un clochard à son kilo de rouge.

 

Un vivant que seule l'idée qu'elle finira empêche de goûter la vie.

 

Un foutu trou où la foudre s'engouffre.

 

Un écrivain qui ne brigue pas l'immortalité relative que vous assure la gloire mais a soif de l'impression qu'il ressent quand il est au travail et que cela marche à souhait : n'être plus sous la coupe de la mort.

 

Celui qui, désenchanté, parle ici pour essayer de s'enchanter encore.

 

Michel Leiris, Images de marque, Le temps qu'il fait, 1989, np.