18/03/2021
Jean-Baptiste Clément, La Semaine sanglante — Pour l'anniversaire de la Commune
Le Figaro, juin 1871 :
Allons, honnêtes gens, un coup de main pour en finir avec la vermine démocratique et sociale, nous devons traquer comme des bêtes fauves ceux qui se cachent.
Massacre dans le Jardin du Luxembourg, Paris
Jean-Baptiste Clément, La Semaine sanglante :
Sauf des mouchards et des gendarmes,
On ne voit plus par les chemins,
Que des vieillards tristes en larmes,
Des veuves et des orphelins.
Paris suinte la misère,
Les heureux mêmes sont tremblants.
La mode est aux conseils de guerre,
Et les pavés sont tout sanglants.
Refrain :
Oui mais ! Ça branle dans le manche,
Les mauvais jours finiront.
Et gare ! à la revanche
Quand tous les pauvres s’y mettront.
Quand tous les pauvres s’y mettront.
Les journaux de l’ex-préfecture
Les flibustiers, les gens tarés,
Les parvenus par l’aventure,
Les complaisants, les décorés
Gens de Bourse et de coin de rues,
Amants de filles au rebut,
Grouillent comme un tas de verrues,
Sur les cadavres des vaincus.
Refrain
On traque, on enchaîne, on fusille
Tous ceux qu’on ramasse au hasard.
La mère à côté de sa fille,
L’enfant dans les bras du vieillard.
Les châtiments du drapeau rouge
Sont remplacés par la terreur
De tous les chenapans de bouges,
Valets de rois et d’empereurs.
Refrain
Nous voilà rendus aux jésuites
Aux Mac-Mahon, aux Dupanloup.
Il va pleuvoir des eaux bénites,
Les troncs vont faire un argent fou.
Dès demain, en réjouissance
Et Saint-Eustache et l’Opéra
Vont se refaire concurrence,
Et le bagne se peuplera.
Refrain
Demain les manons, les lorettes
Et les dames des beaux faubourgs
Porteront sur leurs collerettes
Des chassepots et des tambours
On mettra tout au tricolore,
Les plats du jour et les rubans,
Pendant que le héros Pandore
Fera fusiller nos enfants.
Refrain
Demain les gens de la police
Refleuriront sur le trottoir,
Fiers de leurs états de service,
Et le pistolet en sautoir.
Sans pain, sans travail et sans armes,
Nous allons être gouvernés
Par des mouchards et des gendarmes,
Des sabre-peuple et des curés.
Refrain
Le peuple au collier de misère
Sera-t-il donc toujours rivé ?
Jusques à quand les gens de guerre
Tiendront-ils le haut du pavé ?
Jusques à quand la Sainte Clique
Nous croira-t-elle un vil bétail ?
À quand enfin la République
De la Justice et du Travail ?
Refrain
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17/03/2021
Virgile, Le souci de la terre (nouvelle traduction des Géorgiques)
Oh quelle chance les paysans
Ils ne connaissent pas leur bonheur
Loin des rames ennemies, la terre très juste leur offre d’elle-même une nourriture facile
Ils n’ont pas de grandes maisons qui vomissent par de magnifiques portes dès les saluts du matin un flot gigantesque de courtisans
Ils ne rêvent pas de linteaux ouvragés en belle écaille
Ni d’habits brodés d’or
Ni de cuivres d’Éphyre
Pour eux, on ne teint pas la laine blanche de pigments d’Assyrie
On ne sert pas une huile d’olive pure, gâchée par la cannelle
Mais repos sans soucis
Vie sans mensonges, riche de ressources variées
Pouvoir paresser devant les grandes étendues
Grottes, lacs, eaux vives, vallées fraîches
Mugissement des bœufs
Siestes molles sous un arbres
Rien ne manque
Bois, tanières des bêtes
Jeunesse endurante, travailleuse et habituée à peu
Culte des dieux et des Anciens vénérés
Ici dernières traces de la Justice abandonnant la terre
Virgile, Le souci de la terre, traduction des Géorgiques par Frédéric Boyer, Gallimard, 2018, p. 141-142.
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16/03/2021
Pierre Chappuis, battre le briquet
Langue écrite
Même écrite, transmise par l’écrit, la poésie n’en repose pas moins — rythme, sonorités, souffle — sur les qualités orales, physiques de la langue, il est vrai selon une organisation, une syntaxe propres, affranchie par exemple des chevilles liée à une transmission orale fondée sur la mémorisation ou, pour nous aujourd’hui, ayant pris ses distances quant aux règles et contraintes prosodiques ; inséparable de la voix, quoique entendue de l’intérieur ; en veilleuse dans le livre, à chaque lecture retrouvant fraîcheur et nouveauté sans se répéter, sans redite.
Pierre Chappuis, battre le briquet, précédé de ligatures, Corti, 2018, p. 50.
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15/03/2021
Pierre Reverdy, Le gant de crin
Un artiste qui espère la gloire posthume est comme un homme qui dirait : « Quand je n’y serai plus, je ferai ceci, je ferai cela. »
La misère est une espèce de reflet sinistre de l’enfer. Mais la pauvreté nous accable du poids de l’esclavage.
Il est aussi ridicule de prendre, quand on est vieux, des airs de jeune que, quand on est jeune, des airs de vieux.
Quand on voit quels sont les hommes qui comptent, on a tout de suite envie de ne jamais compter. Mais quand on voit aussi ceux qui ne comptent pas et qui se croient dignes de compter...
Pierre Reverdy, Le gant de crin, Plon, 1927, p. 74, 76, 85, 88.
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14/03/2021
Philippe Jaccottet, La Clarté Notre-Dame
« Celui qui est entré dans les propriétés de l’âge... »
C’est le début d’un poème de mon vieux Livre des morts antérieur à Leçons — quand j’étais encore bien loin de pouvoir le dire de moi ; aujourd’hui, je devrais écrire plutôt « celui qui commence à entrer dans les marécages de la vieillesse, dans ses fondrières »... Mais en même temps, dehors, ce qu’il voit se préparer, s’annoncer dans le jardin et dans la campagne, à travers la fenêtre qui n’est pas celle qu’il voudrait boucher tant bien que mal, c’est, dans les tout premiers bourgeons roses d’un abricotier et, plus loin, les toutes premières fleurs roses de l’amandier, comme une aube éparpillée, l’annonce, une fois de plus dans la vie, de l’invasion du monde autour de lui par des essaims d’infimes anges très frêles, qu’une brève averse ou la surprise d’une bourrasque suffiraient à éparpiller dans l’herbe ou la terre. Comme si les plantes aussi avaient reçu le don de la parole, le don du chant, un chant qui ne pourrait être traduit que dans le beau latin de la liturgie :
EXULTATE JUBILATE
tel qu’en pourraient mieux que personne chanter les enfants.
Philippe Jaccottet, La Clarté Notre-Dame, Gallimard, 2021, p.25-26.
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13/03/2021
Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux
Là-bas, les tentes bleues des montagnes semblent vides.
Qu’ourdissez-vous de sombre sur vos fils,
oiseaux nerveux, mes familières hirondelles ?
Qu’allez-vous, à vous toutes, m’enlever ?
Si ce n’était que la lumière de l’été,
j’attendrais bien ici votre retour.
Si ce n’était que ma vie, emportez-la.
Mais la lumière de ma vie, oiseaux cruels,
laissez-la-moi pour éclairer novembre.
Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux,
Gallimard, 2021, p. 38.
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12/03/2021
Philippe Jaccottet, La Clarté Notre-Dame
C’est, une fois de plus et jusqu’à en devenir décourageant, désespérant, le « combat inégal » de mon vieux poème d’il y a un demi-siècle... Comme si je n’avais fait depuis lors aucun progrès. Au moment où il me faudrait intituler ces pages, plutôt « Fin de partie » Une fois de plus aussi, une vague de fatigue roule sur moi, comme pour m’éviter le constat de mon impuissance à me confronter avec cette fin.
De sorte que chaque mot tracé ici sur la page serait comme une de ces brindilles dont Char lui-même avait rêvé de se bâtir un rempart. Tracer encore des lignes comme on jetterait des filins à la surface d’une étendue d’eau, mare infime ou mer à perte de vue, afin qu’ils supportent une espèce de filet qui nous éviterait la noyade. « Poèmes de sauvetage »... Paroles, n’importe lesquelles même peut-être, pour différer l’effondrement, pour nous faire croire qu’il y aurait encore une chance de s’en tirer...
Philippe Jaccottet, La Clarté Notre-Dame, Gallimard, 2021, p. 22-23.
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11/03/2021
Erri de Luca, Aller simple
Drapeau
Un drapeau n’est le chiffon de personne,
le seul linge étendu qui se trempe
quand il pleut et que les mains des femmes
courent au secours de la lessive.
Erri de Luca, Aller simple, édition bilingue,
traduction Danièle Valin, Poésie/Gallimard,
2021, p. 213.
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10/03/2021
Cédric Demangeot, Promenade et guerre
ce qu’il y a de plus visible dans la peur
c’est le silence, celui des hommes n’est
pas différent de celui des oiseaux. paralytique
instant avant la course
au premier nulle part venu
vendredi
treize un tas
de linge sale
oublié sur le boulevard
bouge encore
Cédric Demangeot, Promenade et guerre,
Poésie/Flammarion, 2021, p. 52 et 55 .
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09/03/2021
Georg Trakl, Poèmes
Paysage
Soir de septembre ; les sombres appels des
bergers tristement résonnent
À travers le village au crépuscule ; du feu jaillit dans la forge.
Puissamment se cabre un cheval noir ; les boucles de jacinthe de la [servante
Happent l'ardeur de ses pourpres naseaux.
Doucement se fige à la lisière du bois le cri de la biche
Et les fleurs jaunes de l'automne
Se penchent muettes sur la face bleue de l'étang.
Dans une flamme rouge un arbre a brûlé ;
figures sombres de chauve-souris s'élevant en battant des ailes.
Landschaft
Septemberabend ; traurig tönen die dunklen Rufe der Hirten
Durch das dämmernde Dorf ; Feuer sprüht in der Schmiede.
Gewaltig bäumt sich ein schwarzes Pferd ; die hyazinthenen Locken [der Magd
Haschen nach der Inbrunst seiner purpurnen Nüstern.
Leise estarrt am Saum des Waldes der Schrei der Hirschkuh
Und die gelben Blumen des Herbstes
Neigen sich sprachlos über das blaue Antlitz des Teichs.
In roter Flamme verbrannte ein Baum , aufflattern mit dunklen [Gesichtern die Fledermäuse.
Georg Trakl, Poèmes, traduits et présentés par Guillevic, Obsidiane, 1986, p. 25 et 24.
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08/03/2021
Esther Tellermann, Corps rassemblé
Pour elle il
voulut le
milieu des chambres
d’où nul ne
la soustrait
un halo qui
la dresse
en des cires
qui la font luire
et disparaître
un hortensia fané
qui garde sa ténèbre
un Orient immobile
sur les serments.
Esther Tellermann, Corps
rassemblé, éditions Unes,
2020, p. 91.
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07/03/2021
Alexandre Castant et Iwona Totarska-Castant, Visions de Mandiargues: recension
André Pieyre de Mandiargues (1909-1991) est né dans une famille où les arts comptaient beaucoup — son grand-père Paul Bérard a été un mécène de Renoir. Il découvre à la fin des années 1920 le surréalisme, mais il n’a rencontré André Breton qu’en 1947 et, la même année, la nièce du peintre et poète Filippo de Pisis, la peintre Bona de Tibertelli de Pisis qu’il épouse en 1950. Son ami d’enfance Henri Cartier-Bresson lui présente en 1931 Leonor Fini avec qui il vécut plusieurs années. Il reste très proche de la génération surréaliste d’après-guerre, partageant avec Breton le goût des objets insolites, l’admiration pour le Mexique, en accord aussi avec des prises de position politiques, comme le soutien à la révolution hongroise ou au droit à l’insoumission pendant la guerre d’Algérie. Mais ses rencontres et ses amitiés débordent le cadre du surréalisme : il est, notamment, lié avec Jean Paulhan (1) et son œuvre comprend, à côté de poèmes, de récits (2), d’ensembles critiques sur la littérature et la peinture, aussi des romans, genre rejeté par Breton.
On ne tentera pas de suivre dans une brève note tous les éléments d’un livre très dense ; les auteurs, qui ont beaucoup écrit à propos de Mandiargues et de l’image dans plusieurs domaines (peinture, photographie, cinéma) ont étudié dans le détail la manière dont Mandiargues, explorant dans son œuvre « la visualité du langage », s’inscrit ainsi dans une tradition qui, par exemple depuis James Joyce, s’est souciée du passage de l’image au mot, du mot à l’image. Les liens du poète avec les peintres ont été constants, qu’il s’agisse de son admiration pour Magritte, avec qui l’on assiste au « renversement des mots et des images », de Marcel Duchamp, ou de son intérêt pour les « anagrammes plastiques » de Hans Bellmer.
Il a porté la plus grande attention à la multiplicité des supports visuels et à leur rencontre avec l’écrit, c’est pourquoi il a toujours cherché à ce que ses poèmes dialoguent avec le travail du peintre, tentant de construire « une concordance entre le signe linguistique et le signe plastique ». Il s’agit bien d’un accompagnement réciproque, comme le voulait le collectif (auquel appartenait Mandiargues) de la revue Paroles peintes, qui connut cinq numéros entre 1962 et 1975 ; un chapitre de Visions... est réservé à une étude des éditions d’art de ses poésies, accompagnées par plusieurs peintres proches. Retenons les eaux-fortes de Miró : ici, « le texte (...) est à considérer comme un élément formel, qui exploite et met en valeur la couleur des mots, pour répondre, en écho, au chromatisme du peintre » ; pour un autre poème de Mandiargues, l’eau-forte de Bona de Tibertelli de Pisis, en blanc sur fond noir, « s’inscrit sur la page imprimée (...) comme un négatif : blanc sur noir, contraste et complémentarité. »
L’importance accordée à l’image explique la place dans l’œuvre du miroir qui ne donne qu’un reflet des choses, une figure évoquant une « rhétorique des contraires ». Mandiargues, toujours attentif à cette figure, relève quand il préface L’Homme-Jasmin d’Unica Zürn la parenté entre la construction du récit et l’image donnée dans un miroir. On comprend le prix qu’il attachait à l’oxymore, « figure de la contradiction à ciel ouvert et utopie de l’unité », comme le définit Visions de Mandiargues.
On comprend aussi que le monde soit perçu régulièrement comme un théâtre, avec ses changements de formes, que certains lieux soient pour cette raison privilégiés dans les récits tout comme ils l’étaient dans l’esthétique baroque. Ainsi du jardin, lieu récurrent et souvent décrit dans l’œuvre de Mandiargues, vu comme le lieu par excellence des artifices, du spectacle : décor avec changements de scène, il peut devenir « un monde d’artifices où les paysages reproduits ont plus de couleurs, de reliefs, de plasticité, de visualité ou de théâtralité que la nature elle-même. » Mandiargues décrit par exemple, situé dans la province de Viterbe, le parc de Bomarzo — souvent nommé "le parc des Monstres"—, créé au XVIe siècle ; le parc est habité d’inscriptions, de sculptures sur des thèmes de la mythologie grecque parmi lesquelles une tête de Méduse, lue comme figure du féminin, symbolisant à la fois la femme, l’idéal, et le miroir, l’abîme, la naissance et la mort. Les espaces décrits, paysages, jardins ou villes, se présentent toujours comme « réseaux de signes », entre le lisible et le visible. La ville est d’ailleurs un des lieux privilégiés par Mandiargues, avec ses enseignes elle est faite « d’images et de mots », « espace fictionnel par excellence ».
Tout récit chez Mandiargues est lié à la vision, voyage de signes stimulé par les rêves, les images mentales, et il comporte de minutieuses descriptions : leur force naît de leur extrême précision, mais cet « absolu descriptif » aboutit souvent, c’est son but, à ce que « les listes de mots (...) retirent peu à peu le sens de leur objet pour exister en dépit de leur modèle. » Mandiargues, dans une lettre à Jean Paulhan (Correspondance, p. 289) notait : « les mots sont pour moi des figures, encore plus que des sens » ; cette conception de l’écriture donne à l’œuvre son caractère propre. Mais il faudrait suivre aussi dans Visions... l’étude du temps dans les récits érotiques et les relations à la littérature classique, en particulier le lien étroit entre Balzac et Mandiargues. Le livre est une somme qui aura des prolongements, A. Castant et I. Tokarska-Castant, avec P. Taminiaux, organisent un colloque à Cerisy, en août 2021, autour de l’œuvre de Mandiargues (http://cerisy-colloques.fr//mandiargues2021/)
- La correspondance entre André Pieyre de Mandiargues et Jean Paulhan (1947-1968, "Cahiers de la NRF", Gallimard, 2009) a été publiée par Iwona Totarska-Castant et Éric Dussert.
- Les poèmes sont disponibles dans deux volumes de Poésie/Gallimard (2010) et la collection Quarto a publié ses Récits érotiques et fantastiques (2009).
Alexandre Castant Iwona Totarska-Castant, Visions de Mandiargues, Modernité, avant-garde, expériences, Filigranes éditions, 2020, 192 p., 25 €. Cette recension a été publiée par Sitaudis le 5 février 2020.
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06/03/2021
Samuel Beckett, Les Os d'Écho et autres précipités
Dortmunder
À l’heure magique, au crépuscule mauve d’Homère
passée la flèche rouge du sanctuaire,
moi n ul, elle carène royale,
alors en hâte vers la lanterne violette, vers la menue musique Qin de la maquerelle.
Dans la loge illuminée, elle se tient devant moi
incitant les éclats de la tige de jade ;
le signaculum de la pureté, balafré, alors apaisé,
les yeux, les yeux noirs jusqu’à ce que l’est plagal
vienne conclure la longue phrase de la nuit.
Alors : levé tel un rouleau manuscrit refermé,
et la gloire de sa dissolution épandue
et moi, Habbacuc, dépositaire de tous les pécheurs.
Schopenhauer est mort, la maquerelle
range son luth.
Samuel Beckett, Les Os d’Écho et autres précipités, traduction Édith Fournier, éditions de Minuit, 2002, p. 25.
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05/03/2021
Samuel Beckett, Nouvelles et textes pour rien
Ai-je tout essayé, bien fouiné partout, doucement, en écoutant avec patience, sans faire de bruit ? Je parle sérieusement, comme souvent, j’aimerais savoir si j’ai tout fait, avant de me porter manquant, et d’abandonner. Partout, je veux dire aux endroits où j’avais des chances d’être, où je me tenais autrefois, en attendant l’heure de me glisser dehors, endroits éprouvés, voilà tout ce que je voulais dire, en disant partout. Autrefois, je veux dire alors que je bougeais encore, que je me sentais qui bougeais, avec peine, à peine, mais dans l’ensemble changeant incontestablement de place, les arbres le disaient, le sable, l’air des sommets, les pavés de la ville.
Samuel Beckett, Nouvelles et textes pour rien, éditions de Minuit, 1958, p. 175.
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04/03/2021
Samuel Beckett, Comment c'est
ici donc enfin deuxième partie où j’ai encore à dire comment c’était comme je l’entends en moi qui fut dehors quaqua de toutes parts des bribes comment c’était avec Pim un temps énorme tout bas dans la boue à la boue quand ça cesse de haleter comment c’était ma vie on parle de ma vie dans le noir la boue avec Pim deuxième partie plus que la troisième et dernière c’est là où j’ai ma vie où je l’ai eue où je l’aurai des temps énormes troisième partie et dernière dans le noir la boue tout bas des bribes
Samuel Beckett, Comment c’est, éditions de Minuit, 1961, p. 63.
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