09/09/2021
Vélimir Khlebnikov, Choix de poèmes
Pas-hommes
L’oiseau qui aspire aux sommets
vole au ciel.
La demoiselle qui aspire aux sommets
porte des talons hauts.
Lorsque je n’ai pas de chaussures
je vais au marché et j’en achète.
Lorsque quelqu’un n’a pas de nez
il achète de la cire.
Lorsqu’un peuple n’a pas d’âme
il va chez le voisin
et paie pour en acquérir une,
lui, privé d’âme !
Vélimir Khlebnikov, Choix de poèmes,
traduction Luda Schnitzer, Pierre Jean Oswald,
1967, p. 63.
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08/09/2021
Au bord de la Vézère
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07/09/2021
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle
Les nuits sans celui qu’on aime — et les nuits
Avec c elui qu’on n’aime pas, et les grandes étoiles
Au-dessus de la tête en feu et les mains
Qui se tendent vers Celui —
Qui n’est pas — qui ne sera jamais,
Qui ne peut être — et celui qui le doit...
Et l’enfant qui pleure le héros
Et le héros qui pleure l’enfant,
Et les grandes montagnes de pierre
Sur la poitrine de celui qui doit — en bas...
Je sais tout ce qui fut, tout ce qui sera,
Je connais ce mystère sourd-muet
Que dans la langue menteuse et noir
Des humains — on appelle la vie.
Marina Tsvétaïéva, Le ciel brûle, traduction Pierre Léon et Ève Malleret, Poésie/Gallimatd, 1999, p. 79.
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06/09/2021
Marina Tsvétaïéva, Tentative de jalousie
Tu m’aimas dans la fausseté
Du vrai — dans le droit du mensonge
Tu m’aimas — plus loin : c’eût été
Nulle part ! Au-delà ! Hors songe !
Tu m’aimas longtemps et bien plus
Que le temps. — la main haut jetée ! —
Désormais :
-
-
-
-
-
- Tu ne m’aimes plus —
-
-
-
-
C’est en cinq mots la vérité.
Marina Tsvétaïéva, Tentative de jalousie,
La Découverte, 1986, p. 90.
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05/09/2021
Aïgui, Douze parallèles à Igor Voulokh
Douze parallèles à Igor Voulokh
1
et les coups d’acier
(de temps en temps)
construisent un champ désert — ensuite on dessine
qui porte ces coups
oiseau invisible au bec d’acier
2
dans le velours des fleurs me tournant et retournant jr m’ndors
me retournant des joues
parmi de gros : comme un rêve venu de cercles malhabiles
pleurs tardifs-inutiles
comme — pour ma mère — et pour qui d’autre encore ?
c’était clair — d’autant plus que dans un pareil méli-mélo — c’est clair
sûrement — pas pour le Seigneur
3
Maladie — de tout petit. Inquiétude — des arbres
(...)
Aïgui, Douze parallèles à Igor Voulokh, dans
Europe, n° 935, mars 2007, p. 284.
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04/09/2021
Denise Le Dantec, Ô Saisons
la fenêtre s’ouvre comme un hymne sur un sentier
— les tables de ferme fleurissent
tête la première dans l’eau de la citerne
les pommiers portent un double fruit
mon cœur vieillit
toujours plus loin là-bas
au-delà du pont
parmi les cris
la splendeur des tournesols
autour des pieux
réparer
dormir
fermer
marcher à travers les arbres
le choral des rameaux des rosiers d’autrefois
comme quand on s’en va
Denise Le Dantec, Ô Saisons, éditions des instants,
2021, p. 73.
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03/09/2021
Jacques Réda, L'herbe des talus
Tombeau de mon livre
Livre après livre on a refermé le même tombeau.
Chaque œuvre a l’air ainsi d’une plus ou moins longue allée
Où la dalle discrète alterne avec le mausolée.
Et l’on dit, c’était moi, peut-être, ou bien : ce fut mon beau
Double infidèle et désormais absorbé dans le site,
Afin que de nouveau j’avance et, comme on ressuscite —
Lazare mal défait des bandelettes et dont l’œil
Encore épouvanté d’ombre cligne sous le soleil —
Je tâtonne parmi l’espace vrai vers la future
Ardeur d’être, pour me donner une autre sépulture.
Jusqu’à ce qu’enfin, mon dernier fantôme enseveli
Sous sa dernière page à la fois navrante et superbe,
Il ne reste rien dans l’allée où j’ai passé que l’herbe
Et sa phrase ininterrompue au vent qui la relit.
Jacques Réda, L'herbe des talus, Gallimard, 1984, p. 208.
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02/09/2021
Robert Coover, Rose (L'Aubépine)
Qui suis-je ? voudrait-elle savoir. Que suis-je ? Pourquoi cette malédiction d’une stupeur sans fin et la persécution des baisers de prétendants ? Leurs assauts incessants mais inopérants sont-ils vraiment la préfiguration de celui qui sera efficace, ou bien mon anticipation crédule (je n’ai pas de mémoire !) n’est-elle qu’une partie de la plaisanterie stuporeuse et stupéfiante ? Voilà le genre de questions enfantines auxquelles la fée doit répondre tout au long de la longue nuit de sommeil de cent ans lorsque la princesse, toujours fraîchement affligée, surgit et resurgit dans ce qu’elle croit être l’ancien office du château ou encore sa chambre d’enfant ou la galerie des musiciens dans le grand hall, ou un peu chacune de ces pièces, et pourtant aucune. Patience, mon enfant, lui dit la fée en la tançant. Je sais que cela fait mal. Mais cesse de pleurnicher. Je vais te dire qui tu es. Viens ici, dans ce passage secret, par cette porte qui n’est pas une porte. Tu es une porte comme celle-ci, accessible seulement aux initiés, tu es un passage secret comme celui-ci, qui ne mène qu’à lui-même. Bien, tu vois cette fente étroite dans le mur, d’où les archers défendent le château ? On lui donne, comme à toi, le nom de meurtrière. Si tu regardes par là, peut-être verras-tu les os de tes victimes, cliquetant dans les ronces en contrebas. Comme toi, cette fente est depuis longtemps à l’abandon, et, regarde, une jolie araignée noire y a tendu sa toile. Tu es cette créature immobile, attendant silencieusement ta malheureuse proie. Tu es cette fenêtre, tissée d’envoûtement mortel, ce corridor jamais emprunté, cet escalier dérobé en colimaçon qui mène à la tour interdite. Tu es celle qui a renoncé aux fonctions naturelles, celle qui envahit les rêves des innocents, celle qui héberge les forces sauvages et ainsi définit et provoque l’héroïsme, et pourtant tu es l’épouse magique, de tout ce qui est bon le calice et la fleur, celle au travers de laquelle toute gloire s’acquiert, tout amour se découvre, la racine par laquelle tout besoin peut germer. Tu es celle à propos de qui les poètes ont écrit : La rose et l’épine, le sourire et la larme. C’est là la rengaine du chant de toute vie.
Robert Coover, Rose (L’Aubépine), traduit de l’américain par Bernard Hœpffner, avec la collaboration de Catherine Goffaus, Fictions & Cie, éditions du Seuil, 1998, p. 19-21.
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01/09/2021
Judith Chavanne, l'empreinte d'un instant
À la table pauvre d’un café
installée sur l’étroit trottoir de la grande ville,
l’homme un instant a quitté le dialogue
et l’ami ; il a posé les yeux
(comme le martinet en suspens
Avise le lieu enfin où s’arrêter)
Sur l’enfant pas plus haute que la table,
Qui passait ; il l’a vue, a souri.
Quelque chose alors s’est attendri
dans la chair de l’homme, son âme, l’air même,
et le temps s’est un peu alangui ;
un instant dans ce regard
avait trouvé son nid la chance de s’y épanouir.
Judith Chavanne, l'empreinte d'un instant, Potentille,
2021, p. 5.
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01/08/2021
Littérature de partout prend un peu de vacances, jusqu'au 1er septembre
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31/07/2021
Dans le marais poitevin et autour
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30/07/2021
Paysages du marais poitevin
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29/07/2021
Pierre Chappuis, La rumeur de toutes choses
Lacunes
Fascinant, le rêve l'est par ses lacunes bien plus que par son contenu souvent, examiné a posteriori, d'une consternante banalité.
Illusoire ?
La mémoire (n'est-elle fonction que de lanterne sourde ?), le paysage (la réalité faussement dite extérieure), les mots (leur charge affective en jeu) : autant, je le voudrais, de vases communicants, gages d'intimité.
Désarroi de la lecture
Lire : triturer, malaxer, tordre et détordre au plus près d'une vérité qui échappe.
Des notes de lecture éparses sur la table, réduites au strict minimum, parfois plus développées, des phrases ou bribes de phrases recopiées, des réflexions adjacentes, d'inattendus croisements de chemins, une errance sans but, inquiète et captivante : le livre lu et relu se défait, soumis à une véritable mise en pièces — en vue de quelque remise en état pour l'instant douteuse, quelle reconstitution toujours à remettre en cause ?
Cependant — n'est-ce pas là l'essentiel ? — il ne cesse de former un tout, de se régénérer ou métamorphoser en nous dans les moments de répit où notre volonté n'agit plus sur lui de même que, dans le reste de l'existence, chahutés par les émotions, la fatigue, la bousculade de nos journées, nous avons besoin, pour nous retrouver, d'un sommeil réparateur.
Savoir, quand un livre nous tient à cœur, si ce n'est pas plutôt lui qui poursuit en nous son exploration et, tirant à lui une part de nous-même, restaure ainsi son unité en même temps que la nôtre.
Sans ce travail sous-jacent, tout effort demeurant vain et désordonné, notre désir de comprendre, d'entrer en sympathie ne pourrait sans doute que se briser ; telle une vague venue se jeter contre des rochers, nous-même, provisoirement, nous ne serions qu'éclaboussures.
Pierre Chappuis, La rumeur de toutes choses, "en lisant en écrivant", José Corti, 2007, p. 74, 83, 84-85.
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28/07/2021
Wang Wen-hsing, Pensées libres à Pluie d’étoiles
Pensées libres à Pluie d’étoiles
Dans la rue, j’ai vu quelqu’un qui me ressemblait. Mais je ne sais pas comment je me suis rendu compte qu’il me ressemblait. Me serais-je déjà vu ? Je me suis vu de fac e. Mais c’est son dos que j’ai vu et reconnu comme semblable au mien. Il se penchait pour ouvrir la portière de sa voiture. Le plus étrange est que je ne fus pas du tout surpris, exactement comme André Gide l’a écrit : s’il ouvrait la porte de sa chambre et que derrière se trouvait la mer, il ne serait pas du tout étonné.
Tout plaisir prend naissance dans la curiosité.
Les hommes sont des tigres ou des loups. Ils ne peuvent se débarrasser de leur nature de loup. Méchanceté de la nature humaine.
Wang Wen-hsing, Pensées libres à Pluie d’étoiles et autres aphorismes, traduction Camille Loivier (chinois de Taïwan), dans la revue de belles-lettres, 2021-I, p. 9, 11, 15.
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27/07/2021
Francesco Scarabicchi, Par la mémoire ressaisi
La vitrine
Parfois nous revient
un nom, un visage
par la mémoire ressaisi
en un déclic d’interrupteur,
lui qui enfant
joue aux indiens
et seulement par erreur
brise avec le coude
la vitrine dans l’angle.
À genoux il recueille
les débris de verre
et qui l’observe avise
ce qu’il chuchote à peine
comment revenir en arrière ?
Francesco Scarabicchi, Par la mémoire
ressaisi, traduction Laurent Cennamo,
dans revue de belles lettres, 2021-1, p.129.
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