21/03/2017
Bashô Seigneur ermite
Froide, la couverture ouatée
où vous vous glissez —
Nuit de solitude
Dans le vent qui souffle
les poissons sautent —
Ablutions rituelles
Curiosité —
un papillon posé
sur une herbe sans parfum
Le soleil splendide
entre chien et loup —
Soir de printemps
Puces, poux
et un cheval qui pisse
à mon chevet !
Bashô Seigneur ermite, édition bilingue
par Makoto Kemmoku et Dominique Chipot,
La Table ronde, 2012, p. 193, 194, 197, 203, 214.
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06/09/2016
Vladimir Maïakovski, Lettres à Lili Brik
Enfant
J’ai largement reçu le don d’aimer.
Mais dès l’enfance
les gens
au travail sont dressés.
Moi — je filais sur la berge du Rion,
je traînais
ne fichant rien de rien.
Maman se fâchait : « L’affreux garnement ! »
Comme un fouet papa brandissait sa ceinture.
Et moi,
j’allais, trois faux roubles en poche,
faire avec des troupiers un tour de bonneteau.
Sans le faix des souliers,
sans le faix des chemises,
au four de Koutaïssi bronzé,
je tournais au soleil ou le dos,
ou la panse,
au point d’en avoir la nausée.
Le soleil s’émerveille :
« C’est haut comme trois pommes !
ça possède —
un cœur d’homme.
Il le fait s’échiner.
D’où vient
qu’il soit dans cet archine place
pour moi,
pour la rivière,
pour cent verstes de rochers ? »
Vladimir Maïkovski, Lettres à Lili Brik (1919-1930),
traduction André Robel, Gallimard, 1969, p. 90.
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09/02/2016
Jean Genet, Un chant d'amour
Un chant d’amour
Berger descends du ciel où dorment tes brebis !
(Au duvet d’un berger bel Hiver je te livre)
Sous mon haleine encore si ton sexe est de givre
Aurore le défait de ce fragile habit.
Est-il possible d’aimer au lever du soleil ?
Leurs chants dorment encore dans le gosier des pâtres,
Écartons nos rideaux sur ce décor de marbre ;
Ton visage ahuri saupoudré de sommeil.
Ô ta grâce m’accable et je tourne de l’œil
Beau navire habillé pour la noce des Îles
Et du soir. Haute vergue ! Insulte difficile
Ô mon continent noir ma robe de grand deuil !
[...]
Jean Genet, Un chant d’amour, dans Le condamné à mort,
L’Arbalète, 1966, p. 81.
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06/01/2016
Olivier Domerg, Le temps fait rage
© Brigitte Pallagi
pour toute poétique & pour toute morale, ce qui est devant
nous. pont de l’Anchois, un matin d’avril. léger voile malgré
grand soleil, soleil et beau temps. léger voile peut-être du fait
de la petite rivière, là, derrière, en contrebas. tout indique
que ce sentier conduit au refuge qui porte son nom. le plein
d’oiseaux dans les vallons boisés, repousses vert tendre,
crissement des chaussures de marche dans le désert du
sentier. pour toute poétique & pour toute morale, ce qui est
devant nous. je n’ai jamais fini, disait-il, jamais, jamais. elle
est nue, presque unicolore. c’est davantage un éclat lumineux
qu’une couleur. ici, et sur une centaine de mètres, le vacarme
de l’eau domine, prend le dessus sur le ronflement des
voitures qui passent de temps à autre sur la départementale.
petite gorge arborée, cascades, eau claire, remontée de son
amplifié par la caisse de résonance du vallon. pied de la
montagne comme pied du mur ; pareil pour l’écriture. on
entend des rossignols, mais pas que des quantités.
Olivier Domerg, Le temps fait rage, Le bleu du ciel, 2015, p. 25.
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17/09/2015
Virginia Woolf, Les années
C’était un soir d’été ; le soleil se couchait ; le ciel était encore bleu, ais teinté d’or, comme si un fin voile de gaze flottait dans les airs, et ça et là, dans l’immensité bleu doré, un îlot de nuages était suspendu. Dans les champs, les arbres s’élevaient majestueusement caparaçonnés, avec leurs innombrables feuilles dorées. Les moutons et les vaches, blanc perle et bariolées, étaient allongés ou avançaient en broutant dans l’herbe à demi transparente. Une bordure de lumière entourait toutes choses. Une vapeur rouge doré s’élevait de la poussière des routes. Même les petites villas de briques rouges sur les grandes routes étaient devenues poreuses, incandescentes de lumière, et les fleurs dans les jardins des maisons, couleur lilas et rose comme des robes de coton, étaient veinées à leur surface et brillaient comme éclairées de l’intérieur. Les visages des gens qui se tenaient aux portes des maisons ou qui marchaient sur les trottoirs montraient tous le même rougeoiement lorsqu’ils faisaient face au soleil qui se couchait lentement.
Virginia Woolf, Les années, traduction André Topia, dans Œuvres romanesques, II, édition Jacques Aubert, Pléiade / Gallimard, 2012, p. 977.
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13/04/2015
Eaux de rivières
Eau et soleil (Dordogne)
Près de la rive (Dordogne)
mouvements de l'eau (Dordogne)
Reflets (Vézère)
Photos Tristan Hordé
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22/03/2015
Guillevic, Relier
Ce nouveau printemps
Ne t’inquiète pas
Du flux de la rivière :
Ce n’est pas lui
Qui te porte à ta fin
*
Ne t’inquiète pas
De l’orage en vue.
Que peut-il bien être
À côté des tiens ?
*
Ne t’inquiète pas
Du soleil ce soir.
Ce n’est pas toi
Qui l’as fatigué.
*
Ne t’inquiète pas
De tes cauchemars.
La nature se venge
De ce qu’elle fait pour toi.
*
Ne t’inquiète pas
Du bec du rapace,
Ce n’est pas à toi
Qu’il doit en vouloir.
*
Ne t’inquiète pas
Pour cette violette,
Elle veut être seule
À se regarder.
*
Ne t’inquiète pas
Du cri du coucou
Si tu sais aimer
Ce nouveau printemps.
Guillevic, Relier, 1938-1996,
Gallimard, 2007, p. 701-702.
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01/09/2014
Pascal Commère, Des laines qui éclairent
Songe du petit cheval déplacé en terre franque
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Qu'odeur surie ! Tous pets ardents en la chambre mobile,
l'abominable braiment de qui croyait
se libérer du monde contraint. Frères de peines — et si la joie
mauvais soleil à partager chaque matin, titubant
balai de feuilles en mains, jour mouillé. Comme d'autres portaient
treillis de bronze rangers délacées,
frappant du sabot le gravier lâche, renâclant
à saluer les néfastes couleurs. Sans fierté
de par la quartier abêti, minaudant en salle des gardes. Et
la relève tarde encore,
pour séduire sur l'autel poisseux déesse Kronenbourg.
Dépenaillé, la gorge au vent — mauvais quart d'heure
pour les mâchoires, tous mots de travers, la partition flottante
contre le buisson d'or gris. Où passait, fanfaronne
l'ombre d'un régiment fantôme : bais et alezans, vieux rouans
rougis sur la sciure défaite — boulets atteints, la gourme
au mors en ses canons d'acier. Et ganaches verdies !
Pascal Commère, Des laines qui éclairent, Obsidiane & Le temps qu'il fait, 2012, p. 305.
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06/07/2014
Roger Gilbert-Lecomte, Œuvres complètes II
Haïkaïs
L'aube — Chante l'alouette. —
Le ciel est un miroir d'argent
Qui reflète des violettes.
Le soleil en feu tombe dans la mer ;
des étincelles :
Les étoiles !!
Oh ! la pleine lune sur le cimetière.—
Noirs les ifs — Blanches les tombes —
Mais en dessous ?...
Les yeux du Chat :
Deux lunes jumelles
Dans la nuit.
La nuit. — L'ombre du grand noyer
est une tache d'encre aplatie
au velours bleu du ciel.
Vie d'un instant...
J'ai vu s'éteindre dans la nuit
L'éternité d'une étoile.
La cathédrale dans les brumes :
Un sphinx à deux têtes, accroupi
dans une jungle de rêve.
J'ai vu en songe
Des splendeurs exotiques de soleil
Matin gris. — Le ciel est une chape de plomb.
Morte la Déesse,
dansons en rond !!
Mais, mes rêves aussi sont morts...
Roger Gilbert-Lecomte, Œuvres complètes II,
édition établie par Jean Bollery, avant-propos
de Pierre Minet, Gallimard, 1977, p. 127-128.
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30/05/2014
Norge, La Langue verte (charabias et verdures)
Zoziaux
Amez bin li tortorelle,
Ce sont di zoziaux
Qui rocoulent por l'orelle
Di ronrons si biaux.
Tout zouliq de la purnelle,
Ce sont di zoziaux
Amoreux du bec, de l'aile,
Du flanc, du mousiau.
Rouketou, rouketoukou
Tourtourou torelle
Amez bin li roucoulou
De la tortorelle
On dirou quand on l'ascoute
Au soulel d'aoûte
Que le bonhor, que l'amor
Vont dorer tozor.
Norge, La Langue verte (charabias et
verdures), Gallimard, 1954, p. 53-54.
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01/04/2013
Johannes Bobrowski, Terres d'ombres Fleuves
Routes d'oiseaux 1957
I
Dans la pluie je dormais
dans les roseaux de la pluie je me réveillais.
Avant que tout se feuille, je vois la lune proche,
j'entends le cri des migrations d'oiseaux,
l'émouveur d'air, le cri
blanc qui met l'air en pièces.
Vite et vif
comme les loups prennent le vent,
sœur, écoute ! Wäinämöinen
chante à travers le vent,
jette l'aile de neige
sur ton épaule, nous dérivons
sur les pennes dans le vent du chant —
II
mais sous de vastes
ciels, seuls, routes
délaissées des légions
à plumes, qui s'en allaient —
dormant sur les vents
elles passaient, un soleil
neuf incendiait, la flamme
a jailli, elles ont brûlé
dans l'arbre de cendres.
C'est là-bas que se sont envolés
aussi nos chants.
Sœur, tes mains
blêmissent, tu continues dans mon obscurité
à dormir — quand aurai-je
à chanter la peur des oiseaux ?
Vogelstrassen 1957
I
Im Regen schlief ich,
im Regenröhricht erwacht ich.
Eh es blättert, seh ich den nahen Mond,
hör ich den Zugvogelschrei,
den Lufterschüttrer, den weißen
Schrei, der die Luft zerschlägt.
Schnell und scharf
wie die Wölfe wittern,
Schwester,lausch! Wäinemöinen
singt durch den Wind.
wirft aus Schnee den Fittich
auf deine Schulter, wir treiben
flügelnd im Liederwind —
II
aber unter großen
Himmeln allein, verlassne
Straßen der gefiederten
Heere, die vergingen —
schlafend auf den Winden
fuhren sie, eine neue
Sonne flammte, die Lohe
schlug herauf, sie brannten
im Aschenbaum.
Dort sind aufgeflogen
unsere Lieder auch.
Schwester, deine Hände
bleichen, du schläfst mir im Dunkel
fort — wann soll ich
singen der Vögel Angst ?
Johannes Bobrowski, Terres d'ombres Fleuves, L'Atelier la Feugraie, traduit de l'allemand par Jean-Claude Schneider, 2005, p. 97 et 99, 96 et 98.
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23/04/2012
Jean-Luc Parant, Dix chants pour tourner en rond
Le chant du jour et de la nuit
Et s'il fait jour sur chacun de nous
C'est parce que nous nous sommes détachés les uns des autres
C'est parce que nous nous sommes éloignés de tout ce qui nous entoure
et que nous avons été expulsés de notre nuit
et nous sommes chacun l'infime éclat
l'infime éclat de l'explosion d'une immense nuit
et nous brillons
et depuis nous brillons dans le soleil
Et il y a ces vides entre nos images
ces vides qui sont les cassures de notre nuit
ces vides qui sont les cassures de notre nuit
les brisures de notre amour
les brisures de notre amour
et il y a cette lumière entre nous qui nous sépare
qui nous décolle les uns des autres
ce jour qui nous a laissés seuls sur la terre
ce jour qui nous a laissés seuls sur la terre
Et les rayons du soleil sont les fêlures qui ont ébranlé notre nuit
nous nous sommes aimés mais le feu a tout brûlé
nous sommes nés par cette blessure dans le ciel tout bleu :
le soleil recouvrit tout
les étoiles disparurent
l'infini n'exista plus
la lumière fut le sang qui nous fit naître
la lumière fut le sang qui nous fit naître
[...]
Jean-Luc Parant, Dix chants pour tourner en rond, éditions
de la Différence, 1994, p. 35-36.
© Photo Jacqueline Salmon.
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