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06/09/2016

Vladimir Maïakovski, Lettres à Lili Brik

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Enfant

 

J’ai largement reçu le don d’aimer.

Mais dès l’enfance

les gens

au travail sont dressés.

Moi — je filais sur la berge du Rion,

je traînais

ne fichant rien de rien.

Maman se fâchait : « L’affreux garnement ! »

Comme un fouet papa brandissait sa ceinture.

Et moi,

j’allais, trois faux roubles en poche,

faire avec des troupiers un tour de bonneteau.

Sans le faix des souliers,

sans le faix des chemises,

au four de Koutaïssi bronzé,

je tournais au soleil ou le dos,

ou la panse,

au point d’en avoir la nausée.

Le soleil s’émerveille :

« C’est haut comme trois pommes !

ça possède —

un cœur d’homme.

Il le fait s’échiner.

D’où vient

qu’il soit dans cet archine place

pour moi,

pour la rivière,

pour cent verstes de rochers ? »

 

Vladimir Maïkovski, Lettres à Lili Brik (1919-1930),

traduction André Robel, Gallimard, 1969, p. 90.