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05/09/2023

Olivier Domerg, La Verte traVersée

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VERT, la rassérénante vibration !

VERT, l’apaisante ivresse du regard !

VERT, la puissance des commencements ;

Champ des possibles et des rénovations,

Virginité toujours réactivée !

VERT pur de l’herbe pure dans l’air pur :

Fraîcheur. Espace un brin velouté,

Le Cantal aura pour nous cet égard !

La peau du monde est la peau du mont,

Douce, et caressante au toucher, bien sûr !

 

Les sensations sont celles du dehors :

VERT, le vif surgissement de la flore !

Les vagues, nous viennent, plus lumineuses,

VERT, l’émotion de l’émulsion herbeuse !

Aucun mot ne rend grâce à la prairie,

À son assomption, son événement.

C’est une ouverture, une épiphanie ;

N’y cherchez pas l’ombre d’un sentiment :

Elle exprime le besoin nécessaire

Que nous avons du VERT, parfois du VERS.

 

Olivier Domerg, La Verte traVersée,

L’Atelier contemporain, 2022, p. 278-279.

04/09/2023

Olivier Domerg, La Verte traVersée

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Haut-plateau herbu, sitôt quittées les

Zones qui le gangrènent — cancer des

ZI et des ZAC, dépeçant le "PARC" ;

Ce mol foisonnement de la prairie

D’habitude de part en part fleurie,

Et vaguement compartimentée par

Des restes de haies / murets / barbeLAIDS —

Et bientôt relief des monts en pâture,

Cette « douce et odorante vêture »

Occultant l’ancien volcan(TAL ?),

                                                     dessous,

 

Par-ci ou par-là des vaches paissent,

Prés cloisonnés de murets (pierre sèche)

À demi-écroulés et de clôtures.
Gazouillis d’oiseaux malgré la rature

Sonore des camions et des voitures,

Sur la route bientôt paysagère,

Même lorsqu’elle suit une rivière

Qui court, coupant l’épais tapis herbu,

Au fond d’une vallée lovée en « U » :

Trait vif et tortueux que l’eau éclaire !

 

Olivier Domerg, La Verte traVersée,

L’atelier contemporain, 2022, p. 7.

02/06/2021

Olivier Domerg, Le Manscrit

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Curieusement, repartant de mes notes, que je mets au propre dans l’ordre où elles ont été prises, je revois et revis nos différents séjours ici et aux alentours du Puy. C’est une sensation curieuse, quelques années ou mois après, de se replonger dans le quotidien, les menus faits et gestes, les questionnements, les déplacements, les découvertes, de remettre ses pas dans ses pas ; de voir comment les éléments, presque fortuitement et parfois instinctivement, se mettent en place et se complètent ; d’assister aux avancées et reculs de ce qui prend souvent la forme d’un parcours ou d’une enquête.

 

Olivier Domerg, Le Manscrit, le corridor bleu, 2021, p. 99.

10/11/2018

Olivier Domerg, La méthode Vassivière : recension

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   Vassivière ? On rapporte volontiers, depuis un siècle, que les Français ne connaissent pas la géographie et, en particulier, celle de leur pays, plus familiers des paysages du Maroc ou du Cambodge que du Limousin. Le grand  lac artificiel de Vassivière, en Haute-Vienne, porte une île où est construit le Centre international d’art et du paysage, lieu de résidence qui a accueilli Olivier Domerg. Quant à la "méthode", elle résulte de l’association « de la lecture du paysage » et de la lecture des poésies du poète américain George Oppen (1908-1984), régulièrement cité dans le livre. Il y a bien une proximité de projet entre Oppen et Domerg, qu’un vers de ce dernier résume, « Impossible de douter du monde : il est visible », et la tâche du poète consiste à parcourir cette visibilité inépuisable : « Tout poème débute avec le monde ».

   Le livre explore en effet le lieu "Vassivière" — le lac, l’île, la colline, la forêt, les prés —, sous forme de vers brefs, touches minuscules, variations à propos du paysage qui pourraient se poursuivre puisque tout ce qui est vu demeure toujours d’une certaine manière dans l’étrangeté. Certes, « ce que nous voyons est là », mais il faut comprendre que « regarder les choses, c’est ouvrir un abîme ». L’entreprise du regard est difficile ; le fait d’ignorer le nom des plantes ou à quel oiseau attribuer tel chant n’est pas ce qui pourrait gêner : qui regarde les choses du monde chaque jour (arbres, eaux, etc.) éprouve un sentiment d’impuissance analogue à celui de Domerg, ce qui est vu, « comment le dire / dans le langage ordinaire ? ». Le regard peine souvent à distinguer et isoler la variété des formes et des couleurs (l’abondance des verts, par exemple), saisi par la « sensualité » des formes, des « ondulations du relief ». Domerg exclut, comme Oppen, la métaphore, essayant ici et là l’allitération et l’assonance pour restituer le « plénitude saturée » avec, par exemple, « frondeuses frondaisons », « buissons (…) bruissant », « fouillis de fougères et de feuilles ». Le plus souvent, il emploie les mots les plus courants pour "donner à voir", « Troupeaux dispersés / sur les pentes ou // au creux des combes // ou soudain rassemblés / sous l’arbre unique / ou bien à l’orée du bois,  / du bosquet, // pour s’abriter / de la pluie. » On suit dans ces vers la lenteur du regard, la tentative de s’imprégner de tout le visible.

   « Ne cours pas », écrit Domerg, et si l’on prend le temps de regarder, on sera autour de Vassivière surpris par la présence partout de la lumière ; les notations à ce sujet sont si abondantes qu’elles contribuent à donner au texte son unité. La lumière est étroitement liée à l’air (« l’air / est la lumière nue / du soleil » ; « Dans la clarté/ lumineuse de l’air »), également à la couleur verte visible partout (« la lumière semble sourdre du vert », « le vert est le fruit de la lumière »). Lumière du lac, lumière qui « soude les choses entre elles » — ce qui ne signifie pas une transparence du monde. Il y a une « merveille de l’évidence », dont le regard s’emplit, mais bien que l’on devine la présence animale, on ne voit rien autre que les familiers — le héron, l’écureuil ; pour les autres, « ils sont là, quelque part ! ». Rien de transparent non plus dans la pourriture des troncs ; pas de lumière alors, mais le sombre que l’on évite de mettre en relation avec notre vie pour ne pas y voir une image de ce qu’elle deviendra.

   Dans La méthode Vassivière comme dans d’autres livres d’Olivier Domerg, le lecteur reconnaît le « désir / de saisir / (…) / Ce qu’il y a ». La poésie aurait d’abord pour tâche de trouver une forme « pour dire qu’il y a quelque chose / à nommer », et en même temps le monde est « impénétrable » ; c’est cette difficulté qui est sans cesse affrontée avec la volonté d’épuiser le « besoin de voir », d’aller au-delà de l’apparence, sachant bien qu’il faudra sans cesse recommencer à ouvrir les yeux. 

 

Olivier Domerg, La méthode Vassivière, Dernier Télégramme, 2018, 208 p., 15 €.Cette note a été publiée sur Sitaudisle 17 octobre 2018. 

 

 

02/10/2018

Olivier Domerg, En lieu et place

 

                           olivier domerg,en lieu et place,chant,inachevé

Doit-on et peut-on composer un chant avec les manquements, les corrosions, les destructions, les vétustés, avec ce qui fut négligé, brisé ou abîmé ? Avec les entorses, les substitutions, les détails malheureux ou malencontreux ? Doit-on et peut-on composer un chant avec tous ces éléments disparates ?

 

Peut-on chanter l’inachevé ? La fuite sans retour ? L’abandon du chantier ?

 

Peut-on distinguer ce qui aurait dû être de ce qui est ? Voir la trame du projet initial à travers la réalisation finale ? Et doit-on regretter ce qui ne vit pas le jour ? Ce qui reste à l’état de maquette et de croquis ?

 

La volonté défaite. L’incomplétude de l’œuvre. Le gouffre du temps long. La difficulté du ex nihilo. Le naufrage d’une telle entreprise dans la durée.

[…]

 Olivier Domerg, En lieu et place, L’Atelier contemporain, 2018, p. 79.

06/01/2016

Olivier Domerg, Le temps fait rage

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                               © Brigitte Pallagi

 

 

pour toute poétique & pour toute morale, ce qui est devant

nous. pont de l’Anchois, un matin d’avril. léger voile malgré

grand soleil, soleil et beau temps. léger voile peut-être du fait

de la petite rivière, là, derrière, en contrebas. tout indique

que ce sentier conduit au refuge qui porte son nom. le plein

d’oiseaux dans les vallons boisés, repousses vert tendre,

crissement des chaussures de marche dans le désert du

sentier. pour toute poétique & pour toute morale, ce qui est

devant nous. je n’ai jamais fini, disait-il, jamais, jamais. elle

est nue, presque unicolore. c’est davantage un éclat lumineux

qu’une couleur. ici, et sur une centaine de mètres, le vacarme

de l’eau domine, prend le dessus sur le ronflement des

voitures qui passent de temps à autre sur la départementale.

petite gorge arborée, cascades, eau claire, remontée de son

amplifié par la caisse de résonance du vallon. pied de la

montagne comme pied du mur ; pareil pour l’écriture. on

entend des rossignols, mais pas que des quantités.

 

Olivier Domerg, Le temps fait rage, Le bleu du ciel, 2015, p. 25.