06/04/2023
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière
Le tout, le rien
C’est la dernière neige de la saison,
La neige de printemps, la plus habile
À recoudre les déchirures du bois mort
Avant qu’on ne l’emporte puis le brûle.
C’est la première neige de ta vie
Puisque, hier, ce n’étaient encore que des taches
De couleur, plaisirs brefs, craintes, chagrins
Inconsistants, faute de la parole.
Et je vois que la joie prend sur la peur
Dans les yeux que dessille la surprise
Une avance, d’un grand bond clair : ce cri, ce rire
Que j’aime, et que je trouve méditable.
Car nous sommes bien proches, et l’enfant
Est le progéniteur, de qui l’a pris
Un matin dans ses mains d’adulte et soulevé
Dans le consentement de la lumière.
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière,
Poésie/Gallimard, 1991 [1987], p. 139.
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05/04/2023
Yves Bonnefoy, Pierre écrite
Une pierre
Je fus assez belle,
Il se peut qu’un jour comme celui-ci e ressemble,
Mais la ronce l’emporte sur mon visage,
La pierre accable mon corps
Approche-toi,
Servante verticale rayée de noir,
Et ton visage court.
Répands le lait ténébreux qui exalte
Ma force simple.
Sois moi fidèle,
Nourrice encor, mais d’immortalité.
Yves Bonnefoy, Pierre écrite, dans Œuvres poétiques,
Pléiade/Gallimard, 2023, p. 130.
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04/04/2023
Yves Bonnefoy, Du mouvement et de l'immobilité de Douve
Derniers gestes VI
Sur un fangeux hiver, Douve, j’étendais
Ta face tumultueuse et basse de forêt.
Tout se défait, pensais-je, tout s’éloigne.
Je te revis violente et riant, sans retour,
De tes cheveux au soir d’opulentes saisons
Dissimuler l’éclat d’un visage livide.
Je te revis furtive. En lisière des arbres
Paraître comme un feu quand l’automne resserre
Tout le bruit de l’orage au cœur des frondaisons.
Ô plus noire et déserte ! enfin je te vis morte,
Inapaisable éclair que le néant supporte,
Vitre sitôt éteinte et d’obscure maison.
Yves Bonnefoy, Du mouvement et de l’immobilité de Douve,
Dans Œuvres poétiques, Pléiade/Gallimard, 2013, p. 67.
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03/04/2023
Gustave Roud, Œuvres complètes
Gustave Roud (1897-1976), écrivain suisse, a publié une dizaine de livres de son vivant ; des rééditions de volumes épuisés et des écrits posthumes ont permis d’approfondir la connaissance de l’œuvre. Cependant, aucun regard sur l’ensemble n’était possible et, en outre, son travail de traducteur n’était plus disponible. On ne lit pas rapidement une telle somme dont l’appareil critique éclaire bien des aspects d’une œuvre protéiforme : pas de recension mais il semble utile de présenter cette belle édition.
Le premier volume réunit les dix recueils de poésie écrits entre 1928 et 1972, auxquels s’ajoutent quantité de textes parus en revue. « Roud a souvent insisté sur ce qui lui apparaissait comme le cœur de son entreprise poétique, la quête des signes et des messages inscrits dans l’univers et le vivant. » Le second volume donne l’ensemble de son travail de traducteur : il a traduit des poèmes de Trakl et a été l’un des premiers à traduire en français Hölderlin (en 1942, mais 1930 en revue), Novalis (1948), Rilke (1945) ; pour lui, la traduction devait être « la restitution d’un climat, d’un rythme, des sonorités ». Rappelons que Philippe Jaccottet a sollicité Roud, qu’il connaissait, quand il a préparé l’édition de Hölderlin dans la Pléiade, publiée en 1967.
Le troisième volume contient la totalité du Journal (1916-1976) : « événements du jour, réflexions sur soi, descriptions de paysages, propos sur l’art, poèmes, écriture automatique, récits de rêves, « dictées » ou encore projets liés à des textes ou à des recueils. ». L’œuvre critique occupe le quatrième volume, elle n’avait pas été rassemblée du vivant de Roud. Sa lecture des œuvres prolonge ses réflexions « sur le processus créatif en général » et « nourrit sa démarche de poète ». Chaque volume est présenté et annoté, pour la poésie par un collectif, pour les traductions par Raphaëlle Lacord, pour le Journal par Alexis Christen et pour la critique par Bruno Pellegrino dont le roman Là-bas est un jour d’automne (2018) repose sur la vie de Roud.
Roud a photographié la région où il a passé sa vie dans le Haut-Jorat (région de Vevey) et il est à souhaiter qu’un large choix de ses photographies, parmi les milliers de clichés conservés, soit rassemblé à côté des deux publications existantes.
Il est bon de citer un grand lecteur du XXe siècle, Jean Paulhan, qui écrivait, après la lecture de quelques livres de Roud :
« Gustave Roud regarde le monde à l’œil nu, et la nature ne le distrait pas. On ne sait quel espace amical, et tout à la fois défiant, le sépare des ciels et des moissons dont il nous entretient. Pourtant je vais et je viens à l’aise dans son univers. Je me dis : il se peut que tout ne soit pas mensonge et mythe dans les contes qu’on m’a faits. Il se peut qu’il existe en chacun de nous une langue silencieuse et secrète d’avant le langage bruyant ; et dans le monde à l’abri de notre esprit, un univers premier de coutumes joyeuses, où Gustave Roud s’est une fois pour toutes établi » (Jean Paulhan, Œuvres complètes, V, Critique littéraire II, p. 29). Gustave Roud,
Œuvres complètes, Sous la direction de Claire Jaquier et Daniel Maggetti, éditions Zoé, 2022, 4 vol., 5210 p., sous emboîtage, Cette présentation a été publiée par Sitaudis le 23 février 2023.
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02/04/2023
Jules Supervielle, Gravitations
Tiges
Un peuplier sous les étoiles
Que peut-il ?
Et l’oiseau dans le peuplier
Rêvant, la tête sous l’exil
Tout proche et lointain de ses ailes,
Que peuvent-ils tous les deux
Dans leur alliance confuse
De feuillages et de plumes
Pour gauchir la destinée ?
Le silence les protège
Et le cercle de l’oubli
Jusqu’au moment où se lèvent
Le soleil, les souvenirs.
Alors l’oiseau de son bec
Coupe en lui le fil du songe
Et l’arbre déroule l’ombre
Qui va le garder tout le jour.
Jules Supervielle, Gravitations, dans
Œuvres poétiques complètes,
Pléiade/Gallimard, 1996, p. 179.
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01/04/2023
Jules Supervielle, La Corps tragique
Le don des larmes
Tout est pareil chez l’homme qui se dresse
Pour voir le fond de ce qui le morfond,
Pleurer de joie c’est pleurer de détresse
C’est bien cela qui fait que nous pleurons.
Et cependant les contraires déchirent
Ce qui résiste en nous de nos raisons
Et longuement nous nous ensanglantons
Avec les mots épineux du délire.
Tout bouge en nous et nous continuons
Par le chemin qui n’a pas de repos.
Venez aussi, vous n’êtes pas de trop,
Homme aux yeux secs, aveugle compagnon.
Jules Supervielle, Le Corps tragique, dans Œuvres
poétiques complètes, Pléiade/Gallimard, 1996, p. 596.
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30/03/2023
Jules Supervielle, Les Amis inconnus
Les chevaux du temps
Quand les chevaux du Temps s’arrêtent à ma porte
J’hésite toujours un peu à les regarder boire
Puisque c’est de mon sang qu’ils étanchent leur soif
Ils tournent vers ma face un œil reconnaissant
Pendant que leurs longs traits m’emplissent de faiblesse
Et me laissent si las si seul et décevant
Qu’une nuit passagère envahit mes paupières
Et qu’il me faut soudain refaire en moi des forces
Pour qu’un jour où viendrait l’attelage assoiffé
Je puisse encore vivre et les désaltérer
Jules Supervielle, Les Amis inconnus, dans Œuvres poétiques
complètes, Pléiade/Gallimard, 1996, p. 300.
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29/03/2023
Jules Supervielle, Le Forçat innocent
Réveil
Le jour auprès de moi se fixe
Mais il m’ajourne dans l’oubli
Si je m’approche du miroir
Je n’y découvre rien de moi.
Hier encore j’eusse dit : « Mes mains »
Et aussi : « Mes jours et mes nuits »
Aujourd’hui je ne sais que dire,
Tous les mots sont restés au loin,
Saisis par leur propre délire.
Jules Supervielle, Le Forçat innocent, dans
Œuvres poétiques complètes, Pléiade /Gallimard,
1996, p. 271.
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28/03/2023
Philippe Beck, Ryrkaïpii
Tout ce qui se meut se meut
pour atteindre ce qu’il n’a pas.
Il manque de quelque chose
et n’a pas son être entier.
Il y a dans le travail de l’artiste
la tristesse d’un cheval
qui porte des œillères et piétine
l’ère de l’engrenage.
Morsure du nom versé dans s’oreille
comme le ver entêtant,
l’orgue de Barbarie consentant,
l’automatophone qui déroule
un plan-rouleau ou la Toile de la Terre.
Philippe Beck, Ryïkaïpii, Flammarion,
2023, p. 263.
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27/03/2023
Rehauts, 2022, n° 49 : recension
Le mythe d’Orphée est probablement l’un de ceux qui ont le plus fasciné les humains : le retour possible à la vie terrestre après la mort touche quelque chose de profond dans l’imaginaire. Les créateurs se sont attachés à ce thème dans tous les domaines, dès Ovide. L’opéra a très régulièrement repris le thème ; depuis 1600 (L'Euridice, favola drammatica de Giulio Caccini et Jacopo Peri) et, surtout, l’Orfeo de Monteverdi (1607), le drame a inspiré de nombreux compositeurs jusqu’à Philip Glass (Orphée, 1991, à partir du film de Cocteau) ou Pascal Dusapin (Passion, 2008) ; le théâtre, la peinture et le cinéma ont aussi illustré le mythe tout comme la poésie, de Tristan L’Hermitte et Apollinaire aux Sonnets à Orphée de Rilke. Ouvrant cette livraison de Rehauts, Patrick Beurard-Valdoye a choisi de traduire un poème de Rilke, un autre de H. D. ; cette fois, c’est le regard d’Eurydice qui occupe les poèmes à propos de la tentative d’Orphée de la sortir des Enfers. Chez Rilke c’est un narrateur qui rapporte la remontée des Enfers et le comportement d’Eurydice : « son état de morte / la satisfaisait », elle semble ne rien attendre, elle marche sur le « chemin qui remontait à la vie » sans penser à qui l’attend, elle avance « le pas contraint par de longs bandeaux de corps / incertaine, placide et sans nulle impatience » ; quand Orphée se retourne et qu’Eurydice doit redescendre vers les Enfers, ces deux vers, repris, terminent le poème. Dans le poème de H. D. (Hilda Doolittle), c’est Eurydice qui raconte l’épisode en s’adressant à Orphée ; il lui aurait ôté la possibilité de regagner la terre « à cause de son arrogance », et c’est ce thème qu’annonce le premier vers du poème, « Donc tu m’as rejetée en arrière / moi qui aurais pu marcher parmi les âmes vives ». Le tort d’Orphée, puisqu’il a perdu Eurydice en se retournant, c’est justement de ne pas l’avoir laissée où elle était (« je t’aurais oublié / et le passé aussi ») puisque, répète-t-elle comme s’il était présent, « l’enfer n’est pas pire que ta terre ». Grand chant lyrique entre nostalgie des fleurs et acceptation du destin, « Au moins ai-je mes fleurs à moi, / et mes pensées aucun dieu / ne peut prendre ça ». On souhaiterait lire les textes originaux avec les deux traductions pour mieux apprécier le passage d’une langue à l’autre, dans le poème de Rilke quand on lit la restitution de tels vers (« sylve et val / et voie et ville, fleuve et pré et bête ») ou l’emploi d’un mot rare (« nastié ») à propos du sexe d’Eurydice, dans le poème de H. D. pour la restitution du ton véhément et familier d’Eurydice. Les poèmes sont suivis de deux dessins de John Blee, figures abstraites d’Orphée, Eurydice et Hermès.
Il s’agit d’une toute autre mort dans les proses de Jean-Pascal Dubost, "Animaleries, Un bestiaire de la souffrance", la destruction des espèces animales sans même l’"excuse" d’une raison économique, il s’agit aussi de souffrances gratuites pour le plaisir (?) de spectateurs, de leur disparition provoquée par le "progrès" (automobiles, agriculture intensive). Dubost change d’approche dans chacune des dix proses, ce qui fait l’intérêt de la lecture. La première, non ponctuée, comme les suivantes, cite au début un texte du moyen français et, dans la dernière partie, la pratique des sauniers — clouer un goéland mort sur un piquet pour éloigner les oiseaux de leur saline — se justifie selon eux par son ancienneté : « pourquoi croyez-vous que c’est une pratique ancestrale ? » ; on n’oublie pas quelques mots archaïques, les assonances et allitérations « ça (= les déjections) cause trop de gros dégâts graves dégradant les parcelles et le sel de leurs sales selles ».Dans la cinquième prose, les huit courtes séquences s’ouvrent par « Pensée pour », suivi d’une brève description de la violence faite à tel animal : « Pensée pour el toro aux cornes goudronnées paniquant dans les rues d’Espagne c’est un spectacle pyrotechnique dit sanglant wiki ». La huitième prose retient des "performances" fondées sur la souffrance animale ou leur destruction ; après leur description, l’adjectif « heureux » est repris, précédé d’un intensif (« très, plus que, super », etc.) : « (…) follement heureux le chien errant maigre et décharné exposé en galerie jusqu’à sa mort de faim par Habacue (…) ». La prose s’achève avec une allusion à un sonnet de du Bellay (« Heureux qui comme Ulysse… »). Pas de sensiblerie : des variations de la forme pour refuser que « des discours conceptuels objectifient [la mort] c’est de l’art ».
On souhaite, à en lire des extraits, la publication du récit d’Isabelle Sbrissa, "Jmanvè" (= Je m’en vais ; transcription des échanges entre les deux personnages). Il met en scène Lucile, jeune fille qui ramasse sur les chemins des fossiles et des pierres avec selon elle une forme particulière ; elle rencontre Enzel qui voudrait comme elle chercher de petits trésors, « le monde des cailloux forme petit à petit un double au monde des humains ». Enzel part au village voisin pour une fête foraine, prise en route dans le pickup d’un groupe qui acheté une maison pour la rénover avec « la certitude d’inventer un monde nouveau » ; elle a choisi d’être seule, avec le « besoin d’un retrait pour exister avec les autres (…), pour regarder au-dedans d’elle-même. » Le lecteur est curieux de la suivre, qui garde dans sa poche un caillou en forme de cœur, petit cadeau de Lucile, autre personnage énigmatique.
Marie de Quatrebarbes propose plus de jeux avec les formes que de détails météorologiques avec ses "Poèmes de pluie" : 12 strophes de 3 vers pour "Traversée", 8 ensembles de 3+3 vers, "Suite", qui débutent tous par « Débris de cœur sur la plage », 9, 7 et 8 distiques pour "Première giboulée", "Seconde…" et "Troisième…".Il est question dans le premier poème du passé, de l’enfance, de l’absence et d’une disparition — thèmes récurrents de l’auteure —, mais aussi de la mer, présente également dans le second poème avec des goémoniers une plage, des mouettes. Les giboulées sont liées à la venue du printemps (« mars », « forsythia ») ; la présence de la neige, affirmée dans le premier ensemble, ne l’est plus ensuite (« je ne sais dire au juste / s’il neige ou quoi… », « est-ce que dehors il neige véritablement »). On est dans un monde sans véritable assise, sans rien qui puisse être tenu pour stable, et même réel avec une « lumière grise », le « silence », qui ne semble habité que par des tourterelles, des chenilles et des fleurs.
Il faut reprendre la lecture de Rehauts, pour les poèmes et proses de N. Cendo, B. Dranty et H. Moutrais, aussi pour les longues recensions de Guennadi Aïgui et Muriel Pic par Jacques Lèbre. C’est une des caractéristiques d’une revue d’exclure une lecture continue, on l’abandonne un temps, nourri par un texte, pour y revenir et, à nouveau, y trouver matière à plaisir. Rehauts, 2022, 96 p., 14 € ; Cette recension a été publiée dans Sitaudis le 15 février 2023.
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26/03/2023
Judith Chavanne, De mémoire et de vent
Un corps navré ; à terre les feuilles ternes.
Jours de défaite ? Ou est-ce
que l’on a simplement désarmé ?
D’autres feuilles dans la dernière lumière
sur le bouleau orange illuminées.
Une rose pâle, comme décolorée.
Faut-il être jusque dans sa chair la tristesse,
le champ piétiné d’insondables batailles ?
Au-dessus, rose et or, le ciel
éblouissant avant l’obscurité.
Judith Chavanne, De mémoire et de vent,
L’herbe qui tremble, 2023, p. 27.
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25/03/2023
Judith Chavanne, De mémoire et de vent
On aurait pu se dire soustraits au temps
dans la cuisine à l’abri des intempéries d’avril :
il avait neigé sur les plateaux, il faisait humide,
et la vapeur du thé ajoutaitp à la brume.
On avait dérobé un jour au calendrier
des jours ouvrables et dûment remplis
par on ne savait quoi au juste
mais ce furent : quelques mots,
comme s’égoutte au long des heures
la pluie depuis les branches,
le verre de vin improvisé,
puis, ayant marché par des chemins trempés,
aux chaussures la boue agglutinée.
Et aussi l’oiseau, gorge rouge et léger
par intermittences,
plus vif peut-être qu’on ne le vit jamais.
Judith Chavanne, De mémoire et de vent,
L’herbe qui tremble, 2023, p. 65.
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24/03/2023
James Sacré, De la matière autant que du sens
Mémoire
Ce qui reste dans la mémoire
N’est-il pas comme un support gravé
Qu’il faut remettre à l’endroit ?
Et pour y voir
On se demande souvent quoi.
James Sacré, De la matière autant que
du sens, Al Manar, 2023, p. 35.
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23/03/2023
Judith Chavanne, De mémoire et de vent
Rêves et projets que l’on forma
à notre insu parfois
sont comme fantômes ou brumes d’automne
quand le soleil est trop incertain,
trop faible pour les dissiper.
Ce sont présences qui nous environnent
marchent à nos côtés ;
on en conçoit de l’inquiétude,
loin de se sentir épaulés.
on sent qu’elles ont part à notre existence,
qu’il faudrait vivre la vie
à leur ressemblance, mais
d’elles à ce qu’aujourd’hui nous sommes,
ce sont promesses perdues.
Judith Chavanne, De mémoire et de vent,
L’herbe qui tremble, 2023, p. 41.
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22/03/2023
Jean Tardieu, Da capo
Litanie du « sans »
Et sans visage
et sans image
et sans entendre
sans rien attendre
Partout en rien
partout ce seuil
et sans recours
Mais la splendeur
jamais perdue
qui la retrouve ?
Sans les merveilles
sans les désastres
plus rien qui vaille
Et sans parler
et sans se taire
et la fureur ?
et les délices ?
Et sans rien d’autre
que le même
et qui s’en va
et qui revient
et qui s’en va
Jean Tardieu, Da capo,
Gallimard, 1995, p. 27.
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