20/01/2023
Malcolm Lowry, Pour l'amour de mourir
Le passé
Comme une vieille échelle pourrie
Qu’on a jeté d’une scierie désaffectée
Et qui flotte, émergeant seulement par le haut,
Tandis que, tout imprégné d’eau, le reste baigne,
Rongé par les tarets, encroûté de bernacles
Et de moules accrochées en papillotes bleues ;
Puante, alourdie d’algues et de ces curieux êtres
Qui vivent de la mort et de la marée basse,
Route vermiculée, en proie à l’helminthiase :
Telle est ma conscience.
De temps en temps, je la sèche au soleil,
Je l’appuie (contre rien du tout,
Puisqu’elle ne monte nulle part) ;
Mais je la garde, on ne sait jamais, ça peut servir.
Qui sait si elle n’est pas récupérable,
Si on ne pourrait pas la radouber un peu ?
Et chaque nuit sans raison ma cervelle
Monte et descend les barreaux de l’échelle.
Malcom Lowry, Pour l’amour de mourir, traduction de J.-M. Lucchioni, préface de Bernard Noël, éditions de La Différence, 1976, p. 97.
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19/01/2023
Jacques Moulin, Corbeline : recension
Ne cherchez pas "Corbeline" dans un dictionnaire contemporain, ni même dans le Littré, il faut remonter à l’ancien français pour trouver trace du mot. Sans préciser de quelle herbe il s’agit, le dictionnaire de Frédéric Godefroy (1880-1895, ancien et moyen français), donne un exemple d’emploi : « Les corbeaux, quand il se sentent empoisonnez de la graine de Naples, cherchent l’herbe nommée corbeline pour leur remede et garison ». C’est cet emploi que conserve Jacques Moulin dans le premier quatrain du livre : « La corbeline est herbe de gravité / Corbeau la cueille / À la nuit tombée / Pour la mort déjouer » ; il propose ensuite d’en découvrir la nature qui ne peut être que liée à la mort, ce serait « l’herbe noire qui pousse au pied des gibets », antidote pour l’ensemble des corvidés.
Non, le livre n’est pas une enquête autour d’un remède propre à certains oiseaux, mais, pour commencer, une suite de variations autour de la corbeline et d’un oiseau en général peu apprécié, le corbeau, variations en courtes proses et en vers souvent rimés, parfois comptés et formant strophes. L’ensemble occupe la moitié du livre, l’autre consacrée à d’autres oiseaux, de la grue au martinet, du héron au vautour et à la mésange. Les notations à propos des uns et des autres, toujours précises, prouvent un observateur averti de la nature, même si elles sont souvent données comme en passant, tout comme les tableaux plus larges de l’espace : « C’est encore nuit petite. Avril repose sur l’étang. La lune est ronde. Le taillis inextricable. Les ronces agressives. Premières lueurs du jour. [etc.] » Jacques Moulin, attentif aux oiseaux comme à la faune observable* ne cherche pas à écrire en naturaliste : les oiseaux ne sont pas qu’un prétexte, ils sont bien présents, mais cette présence conduit à des combinaisons de mots des plus variées.
On ne saura pas ce qu’est exactement la corbeline, est repris le discours ancien qui définissait son action, « Herbe qui sauve », qui « lève le poison comme on lève la brûlure d’amour meurtri ». On apprendra l’existence de "corbelinier" et, dans l’une des premières proses, "corbeline" entraîne "cor(beau), "cour(bure), "or(be) , "cou", "(ja bot", à quoi s’ajoutent peu après "cro(assantes) et la proximité de "jabot et "bec" ; à d’autres moments du texte "corbin" (inusité pour "corbeau", et "corbine". Cette herbe aux corbeaux est associée à la jonquille — ce qui inspire une chanson ; elle vivrait au milieu d’autres plantes comme la panprée et le corblet : c’est là le plaisir particulier d’introduire des mots peu communs, ici le nom du panais sauvage et une désignation régionale du pavot cornu ; on lira aussi parmi d’autres "blaude", "tabard", "bollard", "cochoir".
On notera un développement où est imaginée une relation étroite entre l’oiseau et son nom, la séquence phonique K-R-B étant supposée restituer ce qu’est le corvidé, le [B] par exemple « par la saisie du bec braille et clabaude » ; le corbeau a perdu son "i" dans le mot "oiseau" : il est seulement « oseau » dont, remarque Jacques Moulin, on ne connaît « Ni gazouillis ni pépiement ni / Sifflotis ». Mais pour le cri des corvidés la liste des mots est étoffée, « croaillement, coraillement, craillement, [etc.] », et de courts descriptifs complètent une longue série, le cri comparé à « dans la nuit du gravier / le bruit d’évier », et ce cri est répété trois fois, « Trois trois trois / Lez corbeau fait nombre / Tierce / Dans sa voix ».
Le lecteur relève que le plaisir des sons guide souvent la construction des textes. À côté du (trop) classique « j’écris – je crie », on peut apprécier « corps vidé » ou « un chant a krâpella », ou encore quand on passe à la grue, « La grue n’est pas greluche ne grignote pas égraine avec soin le plant gobe des grenouilles (etc.] ». Un relevé exhaustif des jeux de mots nécessiterait de donner chaque fois le contexte, signalons-en cependant quelques-uns : « broyé-bruyant », « craille-braille », « graves-craves », « criarde-braillarde-raillarde », « Appeau appelle /appâts de mots » « la magie des oiseaux-la manie des corbeaux », etc. Par ailleurs, Jacques Moulin pratique régulièrement l’énumération — « Tu fais des listes sur ta page », reconnaît-il : liste de noms d’oiseaux chacun suivi d’une caractéristique, « La linotte mélodieuse / La mouette rieuse / Le bruant bruyant / Le martin triste [etc.] »
Les nombreuses remarques sur le cri des oiseaux sont souvent liées à la forme choisie pour l’écriture du poème ; ainsi, pour les grues :
« Se taire pour bien entendre. Effacer forme d’homme. N’être qu’un pavillon. Voir après. Un poème qui donne le son avant la forme. Une forme de cri en vol. Un envol d’onomatopées vivantes. Charivari. Tapagerie. »
Les formes choisies tendent à restituer quelque chose de la vivacité de l’oiseau ou de son cri, qu’il s’agisse du choix des phrases nominales ou de la fréquence de l’usage du rondel — pour le martinet, Jacques Moulin en écrit avec la rime -i- et commente : « Rondel en i / Pour le marti- / Net dans son cri ».
Jacques Moulin aime tous ces oiseaux, y compris le mal aimé corbeau ; couleur de charbon, certes, mais il faut percevoir sa lumière intérieure, comme s’il était peut-être oiseau de Soulages, et l’on comprend alors que « le corbeau est blanc au profond de la nuit ». On trouve cette lumière dans les monotypes d’Ann Loubert qui donne à voir des espaces possibles pour les oiseaux, le noir et blanc parfois subtilement rehaussé d’une couleur pastel.
Jacques Moulin, Corbeline, Monotypes d’Ann Loubert, L’Atelier contemporain, 2022, 176 p. Cette recension a été publiée dans Sitaudis le 27 décembre 2022.
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18/01/2023
Raymond Queneau, Les Ziaux
Averse averse averse averse averse averse
pluie ô pluie ô pluie ô ! ô pluie ô pluie ô pluie !
gouttes d’eau gouttes d’eau gouttes d’eau gouttes d’eau
parapluie ô parapluie ô paraverse ô !
paragouttes d’eau paragouttess d’eau de pluie
capuchons pélerines et imperméables
que la pluie est humide et que la pluie mouille et mouille !
mouille l’eau mouille l’eau mouille l’eau mouille l’eau
et que c’est agréable agréable agréablet de pliue et de gouttes
d’eau de pluie et d’averse
d’avoir les pieds mouillés et les cheveux humides
tout humides d’averse
Raymond Queneau, Les Ziaux, dans Œuvres complètes,I,
Pléiade/Gallimard, 1090, p. 67.
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17/01/2023
Adrienne Rich (1929-2012), dans Olivier Apert, Une anthologie bilingue de la poésie féminine américaine du XXe siècle
D'une vieille maison en Amérique
16.
« De telles femmes sont dangereuses
pour l'ordre des choses »
et bien oui nous serons dangereuses
à nous-mêmes
avançant à tâtons parmi les épines du cauchemar
(datura s'enchevêtrant à une herbe simple)
car la ligne séparant
la lucidité des ténèbres
st encore à tracer
Isolement, le rêve
de la femme de la frontière
mettant en joue sa carabine derrière
la clôture de la ferme
piège encore notre vanité
- Une feuille suicidaire
s'étend sous le verre brûlant
de l'œil du soleil
La mort de toute femme me diminue.
From an old house in America
"Such women are dangerous
in the order of things"
and yes, we wille be dangerous
to ourselves
groping through spines of nightmare
(datura tangling with a simple herb)
because the line dividing
lucidity from darkness
is yet to be marked out
Isolation, the dream
of the frontier woman
levelling her rifle along
the homestead fence
still snares our pride
—a suicidal leaf
laid under the burning-glass
in the sun eye
Any woman death diminishes me.
Adrienne Rich (1929-2012), dans Olivier Apert, Une anthologie bilingue de la poésie féminine américaine du XXe siècle, Le Temps des Cerises, 2014, p. 183 et 182.
16/01/2023
Victor Hugo, Choses vues
9 septembre 1845
Les maraîchers fruitiers de Paris, marchands de primeurs femmes de la halle ne veulent envelopper ce qu’ils vendent, fruits, poissons, etc., que dans du papier imprimé. On leur a fait et offert du papier blanc au même prix que le papier maculé ; ils n’en ont pas voulu, ils disent que le papier imprimé pare la marchandise.
27 octobre 1846
Les élégants de Paris copient en ce moment de hideuses modes anglaises. Ils n’ont jamis été plus laids et n’ont jamais eu l’air plus bête qu’aujourd’hui.
2 novembre 1846
Un barbare contemplait le Capitole tout rêveur.
Un Romain l’aborde : « Sue fais-tu là, barbare ? »
« Je regarde, dit le barbare, le lieu où est le joug de l’univers. »
19 novembre 1846
La police autrichienne vient de saisir Le Dante dans la poche d’un voyageur français entrant en Lombardie, comme œuvre pestilentielle de l’esprit français contemporain.
Victor Hugo, Choses vues, Quarto/Gallimard, 2002, p. 241, 276, 278, 281.
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15/01/2023
Selima Hill, Portrait de mon amant en animal étrange
Portrait de mon amant en animal étrange
Ne me demandez pas pourquoi
mais je me suis bientôt mise à nourrir l’animal,
de chenilles, de crottes en chocolat, de baies sucrées —
ou autre, tant que c’était petit.
Sa bouche était aussi petite et serrée qu’une alliance.
Les nuits de clair de lune il aimait regarder les étoiles
et se blottir contre moi comme un flan géant.
Puis vint la nuit où il m’a semblé l’entendre parler.
Il prononçait mon nom !
Mon Dieu, comme c’était beau !
Mais il est vrai qu’alors l’épuisement m’avait fait perdre la tête.
Je m’étais laissée tomber à genoux sur le sable tant j’étais épuisée.
Et les sacs que j’avais portés ne contenaient sue des racines.
Quant à mon nom —
ce n’était que le bruit de ses mâchoires
broyant le corps
de son dernier roitelet.
Selima Hill, dans L’Île rebelle, Anthologie de poésie britannique au tournant du XXIe siècle,
Édition bilingue, choix de Martine De Clerq, Préface de Jacques Darras,
tous deux traducteurs, Poésie/Gallimard, 2022, p. 237.
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14/01/2023
Carol Ann Duffy, Eurydice
Eurydice
Oh les filles, j’étais morte et au fond
de l’Enfer, un fantôme,
l’ombre de moi-même, un néant.
Cet endroit était le terminus du langage,
un sombre point final, un trou noir
où les mots devaient prendre fin.
Et c’est bien là qu’ils finissaient,
les derniers mots,
célèbres ou pas.
Ça m’allait à merveille.
Alors imaginez moi là,
indisponible,
hors du monde,
puis figurez-vous mon visage dans ce lieu
de Repos Éternel,
le seul où une fille se croit délivrée
du type d’homme
qui la suit à la trace
en écrivant des poèmes,
qui rôde partout quand elle les lit,
l’appelle Sa Muse
et qui a une fois boudé tout un jour et une nuit parce qu’elle avait critiqué son penchant pour les noms abstraits.
Imaginez ma figure
quand j’ai entendu —
Ô Dieux —
un toc-toc-toc familier à la porte de la Mort.
Lui en personne.
(...)
Carol Ann Duffy, Eurydice, dans L’Île rebelle, Anthologie de poésie britannique au tournant du XXIe siècle, édition bilingue, Choix de Martine De Clerq, préface de Jacques Darras, tous deux traducteurs, Poésie/Gallimard, 2022, p. 333 et 335.
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13/01/2023
Jules Renard, Histoires naturelles
Dindes
Sur la route voici encore le pensionnant des dindes.
Chaque jour, quelque temps qu’il fasse, elles se promènent.
Elles ne craignant ni la pluie, personne ne se retrouve mieux qu’une dinde, ni le soleil, une dinde ne sort jamais sans son ombrelle.
Le chat
On lui dit : « Prends les souris et laisse les oiseaux ! »
C’est bien subtil, et le chat le plus fin quelquefois se trompe.
L’escargot
Casanier dans la saison des rhumes, son cou de girafe rentré, l’escargot bout comme un nez plein.
Il se promène dès les beaux jours, mais il ne sait marcher que sur la langue.
L’écureuil
Leste allumeur de l’automne, il passe et repasse sous les feuilles la petite torche de sa queue.
Jules Renard, Histoires naturelles, GF/Flammarion, 1967, p. 35, 55, 113, 121.
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12/01/2023
Stephen Romer, Ermenonville
Ermenonville
Ce fut ainsi jadis, ça l’est encore aujourd’hui,
le temps d’un après-midi,
à bicyclette, roues ensablées
dans le désert d’Ermenonville
où les filles du feu font flotter leurs spectres
au fond vague des avenues.
C’étaient elles les démons de la mélancolie
là parmi les fougères,
elles les sirènes qui m’ont rendu fou.
Pour garder la tête froide cette fois-ci, j’ai ramassé
une pomme de pin que j’ai mise dans ma poche
tandis que tu pédalais devant moi
sur le chemin qui va à Mortefontaine
où Corot a peint en taches argentées,
au-delà du puits sur la route
à l’eau calme et claire.
Cette fois-ci les yeux étaient les tiens
seuls, doux et baissés,
croisant les miens par-delà les années
avec tes cheveux en chignon, ton dos bien droit,
un port de reine,
comme ce jour d’antan où je t’aperçus,
sur ton vélo, papoose sanglé derrière toi,
sortant résolument de ma vie.
Stephen Romer (né en 1957), Ermenonville, dans Anthologie de poésie britannique au tournant du XXIe siècle,édition bilingue, traduction Martine De Clercq et Jacques Darras, Poésie/Gallimard, 2022, 560, p.351 et 353.
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11/01/2023
Simon Armitage, Grimpe,Dennis
Grimpe, Dennis
Un homme faisait du stop sur la bretelle de l’A16 juste à la sortie de Caias. Malgré ses traits taillés au couteau et sa gestuelle quasi désespérée, je me suis senti obligé de le prendre, alors j’ai fait un crochet vers lui et j’ai baissé la
vitre. Il a collé sa sa figure à l’intérieur de l’auto et dit : Je suis
Dennis Bergkamp, joueur de foot d3Arsenal.Ce soir on a un match au Luxembourg mais par frousse de l’avion, j’ai pris lavoie terrestre. J’ai fini par me disputer grave avec
le chauffeur et il m’aplanté là.Vous pouvez m’aider ?
— Grimpe
Dennis » ai-je dit. Il a jeté son barda à l’arrière, bouclé sa ceinture à mes côtés. « Alors c’était quoi l’embrouille ? » ai-je
demandé. Dennis a soupiré, secouant sa tête d’aspect classique.
« Le type était ignare. Il a débiné le grand maître
hollandais Vermeer et traité Rembrandt d’homosexuel. »
(...)
Simon Armitage (né en 1963), Grimpe, Dennis, dans Anthologie de poésie britannique au tournant du XXIe siècle,édition bilingue, traduction Martine De Clercq et Jacques Darras, p. 379 et 381,Poésie/Gallimard, 2022, 560 p.
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10/01/2023
Kathleen Jamie, Reine des prés
Reine des prés
Selon la tradition, certaines poétesses
gaéliques étaient enterrées face contre terre
Alors ils l’ont enterrée et sont rentrés chez eux,
au morne psaume
les voilant d’un voile de brume,
sans savoir que le liquide
s’égouttant de ses lèvres
allait d’infiltrer dans le sol,
et que prise dans sa tresse de cheveux gris
qui lentement se déroulait
‘’il y avait des graines d’été :
reine des prés, mélisse,
symboles d’honnêteté et déjà
se mettaient à ramper
vers la lumière, lui montrant ainsi
comment, le moment venu,
sortir de terre et remonter
à la surface afin de les saluer
d’une bouche jeune et encore pleine
de crasse, de crachats et de poésie.
Kathleen Jamie (née en 1962), dans
Anthologie de poésie britannique au tournant du
XXIe siècle, édition bilingue, traduction Martine de
Clercq et Jacques Darras, Poésie / Gallimard,
2022, p. 507 et 509.
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08/01/2023
Michel Leiris, Le ruban au cou d'Olympia
Lumière chaude,
Frôlement trouble
Baiser de miel,
Bruit percutant.
Contour mou,
Alcool dur.
Mélodie plate,
Accords chatoyants.
Parfum pimenté,
Harmonie fade.
Vue insipide,
Peinture savoureuse.
Goût râpeux,
Musique caressante.
Parler rocailleux,
Sonorité brillante.
Ton aigre,
Voix veloutée.
Couleur acide,
Chant sirupeux.
Michel Leiris, Le ruban
au cou d’Olympia, Gallimard,
1981, p. 119-120.
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07/01/2023
Michel Leiris, Mots sans mémoire
Feinte
Les franges du vent lancent leur fronde
sous les herbages anciens,
transperçant la cible sans entrave,
captent le suaire des voix.
Le sillage maudit de sable rêche,
axe noirci, riposte,
décoche les fanges nulles.
Sèche le souffle d’extase sur les langues impétueuses,
au désert de similitude anéantie qui couve l’outrage béant des fleuves
et des constellations.
Michel Leiris, Mots sans mémoire, Gallimard, 1970, p. 15.
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06/01/2023
Serge Essenine, La confession d'un voyou
La confession d’un voyou
Ce n’est pas tout un chacun qui peut chanter
Ce n’est pas à tout homme qu’est donné d’être pomme
Tombant aux pieds d’autrui.
Ci-après la toute ultime confession,
Confession dont un voyou vous fait profession.
C’est exprès que je circule, non peigné,
Ma tête comme une lampe à pétrole sur mes épaules.
Dans les ténèbres il me plaît d’illuminer
L’automne sans feuillage de vos âmes.
C’est un plaisir pour moi quand les pierres de l’insulte
Vers moi volent, grêlons d’un orage pétant.
Je me contente alors de serrer plus fortement
De mes mains la vessie oscillante de mes cheveux,
C’est alors qu’il fait si bon se souvenir
D’un étang couvert d’herbes et du rauque son de l’aulne
Et d’un père, d’une mère à moi qui vivent quelque part,
Qui se fichent pas mal de tous mes poèmes,
Qui m’aiment comme un champ, comme de la chair,
Comme la fluette pluie printanière qui mollit le sol vert.
Ils viendraient avec leurs fourches vous égorger
Pour chaque injure de vous contre moi lancée.
Pauvres, pauvres paysans !
Sans doute vous êtes devenus pas jolis
Et toujours vous craignez Dieu et les poitrines des marécages.
Oh ! si seulement
Vous pouviez comprendre qu’en Russie votre enfant
Est le meilleur poète.
Craignant pour sa vie, n’aviez-vous pas du givre au cœur
Lorsqu’il trempait ses pieds nus dans les flaques d’automne ?
Il se promène en haut de forme aujourd’hui
Et en souliers vernis.
[...]
Serge Essénine, dans Quatre poètes russes, V. Maïakovsky, B. Pasternak, A. Blok, S. Essénine, traduction Armand Robin, éditions du Seuil, 1949, p. 59-61.
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05/01/2023
Oiseaux des jardins, été hiver
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