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10/09/2018

Isabelle Lévesque, Ni loin ni plus jamais

   

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   Certains de mes contemporains, et non des moindres — Jean-Claude Pinson, Nathalie Quintane —, écrivent qu’ils lisent de moins en moins de recueils de poésie, mais plutôt des essais, « sur la poésie, mais pas que »(1). J’ignore si cet éloignement de la poésie vivante, des livres de poésie édités aujourd’hui est répandu, je sais cependant qu’il n’est pas bon d’être un poète mort : qui lit encore André Frénaud, Jean Follain ou Jean Tortel ? Mais si le poète a eu le mauvais goût de se suicider jeune, il a peu de chances de trouver des lecteurs à notre époque. C’est le cas de Jean-Philippe Salabreuil, né en 1940 et suicidé en 1970, après trois livres publiés par le découvreur que fut Georges Lambrichs dans sa collection Le Chemin, La Liberté des feuilles(1964 ; repris dans la collection Orphée, 1990), Juste retour d’abîme(1965), L’Inespéré(1969). Aucun de ces titres, malheureusement, n’est disponible, et aucun n’a été réédité ou proposé dans la collection Poésie / Gallimard(1).

   On saluera donc la revue en ligne Possiblesqui, dans son n° 35 d’août 2018, reprend trois poèmes de Salabreuil, suivi de l’hommage que Jacques Réda lui a rendu après sa disparition dans Les Cahiers du Chemin(n°9), mettant en valeur un aspect de son écriture : « (…) ainsi se débat dans la douleur, avec ses sursauts baroques, ses maniérismes, ses audaces, ses apaisements insondables, chaque poème de Salabreuil d’une seule foulée qui bouleverse, car elle est du passage d’un être vers l’amour impossible, le retour impossible, l’impossible et pourtant profonde innocence du cœur. » Presque cinquante plus tard, Isabelle Lévesque lui rend à son tour doublement hommage, d’abord avec une brève étude ; un extrait en est cégalement ité dans Possibleset j’en retiens ces lignes : « Toujours en quête d’une identité poétique, Salabreuil n’aura cessé de chercher et d’expérimenter une langue, il fait songer aux poètes baroques soulevés de tempêtes et d’accumulations flamboyantes ».

    L’étude est précédée de poèmes (onze) qui forment une suiteet reprennent quelques éléments de l’œuvre de Salabreuil, outre sa présence (« Il ») liée notamment au personnage de l’Aimée, qui devient l’Absente. Isabelle Lévesque retient dans l’œuvre du poète des traces de sa vie et recompose avec bonheur une figure forte du poète. Par ailleurs, elle  introduit aussi le motif de la neige en ouvrant son livre avec un vers de L’Inespéré, « Il a neigé sur l’aurore » — d’où le soleil blanc, les « nuées pâles », la « nacre (…) de l’aurore », la « craie du ciel », la « rose blanche », etc. Mais, vrai hommage, elle conserve ce qui la caractérise, une écriture parfois elliptique qui cherche la tension entre les mots, elle répond au blanc de Salabreuil par le bleu, ciment des poèmes avec les aspects les plus variés — le bleu des fleurs (dont celui des bleuets et des pervenches), des étoiles, du livre, de l’eau, de l’âme… Reste à souhaiter que ce poème contre l’oubli conduise des lecteurs vers Salabreuil, espérons que « L’ardeur est telle / encore », pour citer la fin de la suite d’Isabelle Lévesque.

_____________________________________--

  1. Un nouveau monde (Yves di Manno & Isabelle Garron) consacre une page à Salabreuil (214) et donne plusieurs poèmes (215-222).

 

Isabelle Lévesque, Ni loin ni plus jamaishuile de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 2018, 36 p., 9 €. Cette note a été publiée sur Sitaudis le 14 août 2018.

 

 

 

 

09/09/2018

Art roman : église bénédictine de Maillezais, Vendée

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08/09/2018

Martin Richet, De l'âme

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Inséparables, indivis.

Répétition, dualité,

renversement et récurrence.

L’autre suit la lune, voit l’herbe,

prend peur, détourne le regard.

Nous voulions avoir le temps.

« Nous voulions avoir le temps » :

le moi, l’idée du moi, le temps

(virgule marquant glissement).

Ainsi paraît ton paragraphe :

les jours sont longs même en hiver.

 

Martin Richet, De l’âme, Éric Pesty éditeur,

2016, p. 25.

07/09/2018

Anne Malaprade, notre corps qui êtes en mots

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Blonde. Il y a le miel et la confiture, l’acacia et les mûres, les mirabelles et les framboises, le théâtre et le cinéma, l’ordre de l’esprit et celui du cœur, géométries et finesses conjointes. Les pépins frottent et grattent : cachés, semés, recouverts, les noyaux déclinant renaissance. Je dors encore contre toi, mère-sœur, comme les premiers jours dans ce berceau transparent. L’une coule, l’autre pique. Je donne ma main, tu la retires. Mon père est ce héros lointain avec lequel se joue une première séduction. Voitures, ballons, coiffures, vernis. Tout ce qui entoure, cache, aimante. Je pense aux morts de la Méditerranée. Je pleure avec les enfants qui jouent sur les ordures. Celui qui a le bras cassé parle déjà de vengeance armée.

 

Anne Malaprade, notre corps qui êtes en mots, isabelle sauvage, 2016, p. 51.

05/09/2018

Ruth Weiss, De moi à toi

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photo Ingeborg Gerdes

De moi à toi

 

si tu as de l’amour pour moi

ne dis pas je t’aime

et ainsi je garderai ma liberté

si j’ai de l’amour pour toi

je ne dirai pas je t’aime

et ainsi tu garderas ta liberté

 

le vieux diction

« les actes pèsent plus que les mots »

est toujours d’actualité

 

ces trois petits mots

ont piétiné des cœurs

ont paralysé des vies

ils baignent dans le sang

 

alors laisse-moi juste te dire

j’ai de l’amour pour toi

 

il faut donner

sans vouloir recevoir

pour apprendre à recevoir

 

qu’aujourd’hui demeure aujourd’hui

 

Ruth Weiss, dans Action Poétique, n° 200,

"Six femmes de la Beat Generation", p. 25.

04/09/2018

Yari Bernasconi, Nouveaux jours de poussière

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                Ce qu’il reste

 

Le jardin est un périmètre de cendres et de pierres.

Il y a du métal froissé, fuligineux ;

un récipient vidé ; à côté un tricycle

recouvert d’une croûte noire, les roues retorses

par-dessus la trace des pneus fondus.

Au milieu la carcasse d’un bœuf :

les os et la chair brûlée, la gueule défigurée

comme un bloc de charbon. Puis la poussière

toute autour, toute noire. Bois calcinés et lieux

à découvert, sans murs et sans vie.

 

Yari Bernasconi, Nouveaux jours de poussière, traduit

de l’italien par Anita Rochedy, éditions d’en-bas, 2018, p. 85.

03/09/2018

Reflets dans la rivière (le Coly, Dordogne)

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02/09/2018

Samuel Beckett, Le monde et le pantalon

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                     Le client : Dieu a fait le monde en six jours, et                                 vous, vous n'êtes pas foutu de me faire un pantalon en six mois.

                      Le tailleur : Mais monsieur, regardez le monde, et                                     regardez mon pantalon.

 

 

     Pour commencer, parlons d'autre chose, parlons de doutes anciens, tombés dans l'oubli, ou résorbés dans des choix qui n'en ont cure, dans ce qu'il est convenu d'appeler des chefs-d'œuvre, des navets et des œuvres de mérite.

     Doutez d'amateur, bien entendu, d'amateur bien sage, tel que les peintres le rêvent, qui arrive les bras ballants et les bras ballants s'en va, la tête lourde de ce qu'il a cru entrevoir. Quelle rigolade les soucis de l'exécutant, à côté des affres de l'amateur, que notre iconographie de quatre sous a gavé de dates, des périodes, d'écoles, d'influences, et qui sait distinguer, tellement il est sage, entre une gouache et une aquarelle, et qui de temps en temps croit deviner ce qu'il aime, tout en gardant l'esprit ouvert. Car il s'imagine e pauvre, que rien de ce qui ets peinture ne doit lui rester étranger.

     Ne parlons pas de la critique proprement dite. La meilleure, celle d'un Fromentin, d'un Grohmann, d'u MacGreevy, d'un Sauerlandt, c'est de l'Amiel. Des hystérotomies à la truelle. Et comment en serait-il autrement ? Peuvent-ils seulement citer ? [...]

     Avec les mots on ne fait que se raconter. Eux-mêmes les lexicographes se déboutonnent. Rt jusque dans le confessionnal on se trahit.

     Ne pourrait-on attenter à la pudeur ailleurs que sur ces surfaces peintes presque toujours avec amour et souvent avec soin, et qui elles-mêmes sont des aveux ? Il semble que non. Les copulations contre nature sont très cotées, parmi les amateurs du beau et du rare. Il n'y a qu'à s'incliner devant le savoir-vivre.

     Achevé, tout neuf, le tableau est là, un non-sens. Car ce n'est encore qu'un tableau, il ne vit encore que de la vie des lignes et des couleurs, ne s'est offert qu'à son auteur. Rendez-vous compte de sa situation. Il attend, qu'on le sorte de là. Il attend les yeux, les yeux qui, pendant des siècles, car c'est un tableau d'avenir, vont le charger, le noircir, de la seule vie qui compte, celle des bipèdes sans plumes. Il finira par en crever. Peu importe. On le rafistolera. On le rabibochera. On lui cachera le sexe et on lui soutiendra la gorge. On lui foutra un gigot à la place de la fesse, comme on l'a fait pour la Vénus de Giorgione à Dresde. Il connaîtra les caves et les plafonds. On li tombera dessus avec des parapluies et des crachats, comme on l'a fait pour le Lurçat à Dublin. Si c'est une fresque de cinq mètres de haut sur vingt-cinq de large, on l'enfermera dans une serre à tomates, ayant préalablement eu le soin d'en aviser les couleurs avec de l'acide azotique, comme on l'a fait pour le Triomphe de César de Mantegna à Hampton Court. Chaque fois que les Allemands n'auront pas le temps de le déménager, il se transformera en champignon dans un garage abandonné. Si c'est un Judith Leyster, on le donnera à Hals. Si c'est un Giorgione et qu'il soit trop tôt pour le donner encore au Titien, on le donnera à Dosso Dossi (Hanovre). Monsieur Berenson s'expliquera dessus. Il aura vécu, et répandu de la joie.

 

 

Samuel Beckett, Le monde et le pantalon, éditions de Minuit, 1989, p.7-8 et 9-11.

01/09/2018

Antoine Emaz, D'écrire un peu

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On a pu lire au fil des ans de nombreuses observations d’Antoine Emaz à propos de son écriture, plus généralement de ce qu’était pour lui la poésie, dans des recueils de notes — le dernier en date, en 2016 : Planche(éditions Rehauts) ; ces textes, souvent brefs, appartenaient à des regroupements qui comptaient des remarques et observations autour d’un jardin, d’une lecture, de la couleur du ciel, de la préparation d’un repas, etc. D’écrire un peuréunit cette fois des réflexions qui forment, sans du tout qu’il y ait fermeture, un ensemble continu à propos de sa pratique. Ce ne sont pas des retours sur tel livre publié, ni en rien des "conseils" (cf les Conseils à un jeune poètede Max Jacob), il s’agit bien d’une poétique qui prend l’allure d’un manifeste dans la mesure où, contrairement à beaucoup de poètes aujourd’hui, il place au centre de son travail l’émotion, le sensible, c’est-à-dire le réel.

   Pour Antoine Emaz, l’écriture n’existe que dans une relation forte à la réalité, réalité de celui qui prend la plume, qui engage ce qu’il est. Le poème s’écrit à partir d’une émotion, soit littéralement de ce qui met en mouvement ; selon sa force, le corps réagit et «  parle son langage de corps » (avec les larmes, par exemple) ou l’on entreprend de modifier ce qui a provoqué ce mouvement. Si l’on pose que le poème a pour source l’émotion, alors s’accomplit un parcours, du « choc de la vie et du réel jusqu’à un choc d’ordre poétique ». Il y a alors une mise à distance pour « se retrouver et retrouver l’autre, les autres » ; le poème, dans cette perspective, quel que soit son point de départ, est donc toujours du côté de la vie, de l’avenir.

   Placer l’émotion, le sensible à l’origine du poème n’est évidemment pas nier l’importance de la culture antérieure de celui qui écrit, des lectures et des influences, de la connaissance de la langue, de la manière de penser le monde, de la mémoire, mais ces éléments qui forment un « sol » ne sont pas l’impulsion qui conduit au poème, ils n’interviennent qu’en second lieu. Quelle émotion plutôt qu’une autre suscitera le poème ? « On ne sait pas » et l’on n’écrit pas parce qu’on a décidé de le faire, « Attendre : aucun poème n’est nécessaire, sauf celui qui s’écrit de lui-même, dans l’élan d’un moment, maintenant, souvent préparé par une longue patience. »

   Ce n’est pas dire que la question de la forme est évacuée, bien au contraire. On pourrait lire une provocation dans des affirmations comme « il s’agit d’enregistrer, rien d’autre », si l’on oubliait que c’est l’émotion qui suscite les mots et, donc, que la forme « naît en même temps qu’elle s’écrit ». Dans cette perspective, le premier temps de l’écriture implique jusqu’à un certain point le retrait du sujet ; comme le précise Antoine Emaz, « Ne pas résister [à la venue des mots], juger ou intervenir », « S’effacer », tant que l’émotion dicte les mots. Une distinction nette est introduite entre le moment où seule compte « la force-forme primitive » et le temps plus long de la reprise ; interviennent alors les connaissances — et aussi « doute, autocritique » — pour parvenir à la « justesse » de l’écriture, soit la restitution au plus près de ce qui a ébranlé le sujet. C’est là qu’il faut « brouillonner » longtemps, que la « menuiserie » patiente vise à trouver la forme juste, qui permet d’articuler le vivre et l’écrire : mettre au point pour qu’il y ait « vibration exacte des mots, son et sens. »

   Il est clair que les expériences fortes d’une vie sont rares, celles de l’enfance revenues par la mémoire peuvent d’ailleurs redevenir présentes, et tenter de les recréer dans un poème ne sera jamais seulement un arrangement de mots. C’est dire, il faut y insister, que pour Antoine Emaz, le poème n’est pas une recherche du "beau" (que l’on aurait bien des difficultés à définir), il s’agit toujours d’« Atteindre en mots une certaine intensité de vivre, voilà ce que je demande à un poème, un livre. »

 

Antoine Emaz, D’écrire un peu, Æncrages & Co, 2018, np, 15 €.

 

 

31/08/2018

Max Jacob, Les pénitents en maillots roses

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Sculpture, Douarnenez

 

Nocturne

 

Sifflet humide des crapauds

bruit des barques la nuit, des rames...

bruit d’un serpent dans les roseaux,

d’un rire étouffé par les mains,

bruit d’un corps lourd qui tombe à l’eau

bruit des pas discrets de la foule,

sous les arbres un bruit de sanglots,

le bruit au loin des saltimbanques.

Max Jacob, Les Pénitents en maillots roses (1925),

dans Ballades, Gallimard, 1970, p. 217.

 

30/08/2018

Yosa Buson, Haïku (traduction Joan Titus-Carmel)

 

 

    La pauvreté

m'a saisi à l'improviste

  ce matin d'automne

 

    Près d'un poirier

je suis venu solitaire

  contempler la lune

 

    Le batelier —

sa perche arrachée des mains

  tempête d'automne

 

    Il brama trois fois

puis on ne l'entendit plus

   le cerf sous la pluie

 

      Une solitude

plus grande que l'an dernier

    fin d'un jour d'automne

 

      Le mont s'assombrit

éteignant le vermillon

des feuilles d'érables

 

Yosa Buson, Haiku, traduits du japonais et

présentés par Joan Titus-Carmel, Orphée/

La Différence, 1990, n.p.

29/08/2018

Ruines du château de Saint-Paul Roux (Camaret-sur-Mer)

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Saint-Paul Roux (1861-1940)

01/08/2018

Joël Bastard, Des lézards, des liqueurs

 

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Il devra pleuvoir dans les bibliothèques pour noyer les mots, les psoques et les lépismes, les dévoreurs d’imprimerie. Que les meilleurs, les plus solides d’entre eux surnagent aux intempéries.  Nous verrons bien ce qu’ils deviennent ! Que le vent tourne et retourne bruyamment les manuscrits, les pages effrayées. Détruise la narration. Ainsi, nous tenterons l’édification d’un poème sanglant, nerveux, accompli dans son registre d’évidences et de dangers. Seuls les insectes volants planeront sur de désert de fontaines.

 

Joël Bastard, Des lézards, des liqueurs, Gallimard, 2018, p. 77.

 

Littérature de partout rouvrira son anthologie à la fin du mois d’août.

31/07/2018

Anna Akhmatova, L'églantier fleurit

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Une rumeur d'épouvante rôde en ville,

Se glisse dans les maisons comme un voleur.

Pourquoi ne pas relire, avant de s'endormir,

Le conte de Barbe Bleue ?

 

Comment la septième monta l'escalier,

Comment elle appela sa sœur cadette,

Et guetta, retenant son souffle,

Ses frères bien-aimés, ou la terrible messagère.

 

Une poussière s'élève comme un nuage de neige,

Les frères vont entrer au galop dans la cour du château,

Et sur la nuque innocente et gracile,

Le tranchant de la hache ne se lèvera pas.

 

Consolée à présent par cette cavalcade,

Je devrais m'endormir tranquille

Mais qu'a-t-il, ce cœur, à battre comme un enragé,

Et le sommeil, pourquoi ne vient-il pas ?

 

                 Hiver 1922

 

Anna Akhmatova, L'églantier fleurit et autres poèmes, édition

bilingue, traduction par Marion Graf et José-Flore Tappy,

La Dogana, 2010, p. 85.

30/07/2018

René de Obaldia, Exobiographie

 

                                             

                                          rené de obaldia,exobiographie,mémoires,pensées aléatoires

Photo RFI                                

                         Pensées aléatoires

 

La nuit, l'aveugle descendait dans le jardin et caressait les vers luisants.

 

Patience ! Patience ! Il arrive un moment où même nos ennemis sont devenus vieux.

 

Je suis plus riche de ce que j'ignore que de ce que je sais.

 

Faire un film où il n'y aurait ni voiture, ni téléphone, ni coups de feu : un film oulipo.

 

Je ne me donne pas mon âge.

 

Même le plus grand comédien n'est qu'un comédien.

 

Vivants, paumes des morts.

 

Du désagrément de vieillir : ou bien mes amis meurent, ou bien ils se font décorer.

 

Si, passant devant une glace, il vous arrive de voir un étranger à votre place, évitez de faire des grimaces ; baissez simplement les épaules et continuez votre chemin.

 

Horreur des nouveaux-nés, des nourrissons : ils ne songent qu'à eux-mêmes.

 

La « bêtise galopante », comme, lorsque j'étais jeune, la phtisie.

 

Il faut voler du temps au temps.

 

René de Obaldia,  Exobiographie, Mémoires [1991], édition augmentée, "Les Cahiers rouges", Grasset, 2011, p. 321, 321, 322, 322, 322, 322, 323, 323, 324, 324, 324, 325, 325.