07/09/2024
Eugenio de Signoribus, Isthmes & écluses
(le château)
le reclus n’apparaît pas aujourd’hui
le dignitaire ne parle pas aujourd’hui
peut-être que dans le reflet de la vitre
il rend visite à lui-même, déçu…
(il n’aime plus ni visite, ni parole
mais son journal peut le dire)
dans la cour et devant le lapidaire
ricochent piétinements et babillages…
aujourd’hui on refuse les pourboires
et on écoute les pleurs des chaussures…
Eugenio de Signoribus, Isthmes et écluses,
traduction Thierry Gillybœuf, Rehauts,
2024, p. 69.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eugenio de signoribus, isthmes et écluses, château | Facebook |
27/06/2020
Hebri Michaux, L'étang (texte inédit dans Œuvres complètes)
L'étang
Donne-lui un homme et du temps, il en fait un cadavre, puis il le rejette sur ses bords.
Il le gonfle puis il le rejette.
Lui demeure.
On avait établi des bancs aux alentours où l'on peut s'asseoir.
Ceux qui étaient fatigués venaient auprès de lui fumer de longues pipes.
Un château fut bâti en face.
Ceux qui désormais sont seuls aussi et orphelins et les oisifs volontiers s'approchent de lui qui ne fait rien et les mécontents l'entretiennent des causes de leur spleen, certains disaient, si j'étais noyé, si j'étais cadavre, je serais peut-être plus heureux, et ils réfléchissaient.
D'autres lui jetaient des mottes, des mottes de terre pour colorer sa face.
Il pourrissait les feuilles tombées petit à petit, mais ne sollicitait pas les feuilles encore à l'arbre.
De peu d'utilité à cause de son éloignement, on eût voulu l'approcher plus du village.
Mais voilà, quel charretier s'en serait chargé ?
Et il demeurait.
Il était là et ne venait à personne, ne cherchait point à courir, à souffler, psy, bschu, bschu...
comme l'eau de la rivière qui progresse sur les cailloux, ne recherche pas d'autres poissons que les siens.
Il demeurait.
Henri Michaux, Textes restés inédits du vivant de Michaux, dans Œuvres complètes, III, édition établie par Raymond Bellour avec Ysé Tran, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2004, p. 1417.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Michaux Henri | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : henri michaux, l'étnd, château, fiction | Facebook |
19/11/2018
Basho, seigneur ermite
Cette eau de source,
est-ce la pluie printanière
s’égouttant des cimes des arbres ?
Séparons-nous maintenant
comme un bois de cerf se ramifie
au premier nœud
Pieds lavés,
je m’endors pour une courte nuit
tout habillé
À l’extrémité de la feuille
au lieu de tomber
la luciole s’envole
Ruines d’un château —
je visite en premier
l’eau limpide de l’ancien puits
Basho, seigneur ermite, l’intégrale des haïkus,
édition bilingue Makoro Kemmoku et
Dominique Chipot, La Table ronde,
2012, p. 168, 172, 175, 177, 180.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : basho, seigneur ermite, pluie, séparation, luciole, château | Facebook |
05/12/2017
Images du Bergeracois (Périgord)
Publié dans MARGINALIA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : images du bergeracois (périgord), chemin, château, vignes | Facebook |
06/11/2016
Jean-Pierre Chambon, Matières de coma
Photo Denis Svartz
Dans la clôture du compact
Dans l’étroit séjour des pierres. Dans cette impossibilité du séjour dans la pierre. Prisonnier des rhombes, des cercles.
Sous le calice renversé du ciel.
À l’intérieur, dans les replis des cristaux, derrière les angles distordants. Il y a assez d’eau, ici, pour nager, assez d’air pour s’envoler. La nage et le vol dans le volume étouffant. Parmi la tempête moléculaire. Dans la vague et le vent.
Assez d’infime espace pour vivre, en abîme. Fantôme atomisé dans les ruines miniaturisées d’un château. Contemplant, en réduction, le monde et sur l’eau boueuse des douves, le reflet disloqué du donjon où se penche une ombre.
Matière de la nuit, forme solide et close dans laquelle nul œil ne peut s’introduire. De cette extrême solitude, de l’étreinte de ce cachot, la lumière un jour jaillira et brûlera tous les regards.
[…]
Jean-Pierre Chambon, Matières de coma, suivi de Bernard Noël, L’histoire mentale, Faï fioc, 2016, p. 105.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-pierre chambon, matières de coma, pierre, eau, vague, vent, espace, château, lumière | Facebook |
04/12/2014
Robert Coover, Rose (L'Aubépine)
Depuis son siège sur l'estrade de la table seigneuriale il a annoncé à tous ceux qui se trouvaient dans le grand hall qu'il a entendu parler d'une autre princesse enchantée, à quelques lieues de là, qui dort depuis cent ans, et qu'il a l'intention de monter immédiatement à cheval afin de la trouver et, si possible, de rompre l'enchantement. En tant que prince royal, voué à des exploits vertueux de cette nature, c'est le moins qu'il puisse faire, autant pour sauver le royaume accablé que pour la jeune fille. De sorte que, stimulé par l'amour et l'honneur, il a embrassé son épouse (ou l'aurait fait si elle le lui avait permis) et s'est mis en route pour affronter les puissances du mal, dompter le mystère, se faire un nom. Aux portes du château, il rencontre une vieille femme aux pieds palmés qui lui accorde un don et lui donne un avertissement prophétique. Son don est un onguent magique qui fera fuir les mauvaises sorcières et rendra ses cheveux plus souples, cicatrisera les blessures contre nature et lui redonnera toute sa vigueur masculine. L'avertissement est le suivant : prends avec toi la tête de la vieille folle, quand tu t'approcheras du lieu enchanté. Et on dirait qu'elle enlève sa propre tête pour la lui offrir. Il rit, plein de confiance envers ses propres pouvoirs princiers, et la commère gloussant en même temps que lui, disparaît comme si elle s'était tout à coup transformée en poussière. Il voyage pendant de nombreuses années, suivant les conseils contradictoires de paysans qu'il rencontre en chemin, jusqu'au jour où il arrive dans une forêt enchantée près des limites du monde, et là on le dirige vers un château sombre et lugubre qu'on dit hanté par les esprits et les ogres et dont on prétend qu'il abrite dans ses profondeurs une princesse endormie qui est étendue là, comme morte, depuis cent ans.
Robert Coover, Rose (L'Aubépine), traduit de l'américain par Bernard Hœpffner, avec la collaboration de Catherine Goffaux, Seuil, 1998, p. 85-86.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert coover, rose (l'aubépine), conte, variation, la belle endormie, château, épreuve, sorcière | Facebook |