19/01/2023
Jacques Moulin, Corbeline : recension
Ne cherchez pas "Corbeline" dans un dictionnaire contemporain, ni même dans le Littré, il faut remonter à l’ancien français pour trouver trace du mot. Sans préciser de quelle herbe il s’agit, le dictionnaire de Frédéric Godefroy (1880-1895, ancien et moyen français), donne un exemple d’emploi : « Les corbeaux, quand il se sentent empoisonnez de la graine de Naples, cherchent l’herbe nommée corbeline pour leur remede et garison ». C’est cet emploi que conserve Jacques Moulin dans le premier quatrain du livre : « La corbeline est herbe de gravité / Corbeau la cueille / À la nuit tombée / Pour la mort déjouer » ; il propose ensuite d’en découvrir la nature qui ne peut être que liée à la mort, ce serait « l’herbe noire qui pousse au pied des gibets », antidote pour l’ensemble des corvidés.
Non, le livre n’est pas une enquête autour d’un remède propre à certains oiseaux, mais, pour commencer, une suite de variations autour de la corbeline et d’un oiseau en général peu apprécié, le corbeau, variations en courtes proses et en vers souvent rimés, parfois comptés et formant strophes. L’ensemble occupe la moitié du livre, l’autre consacrée à d’autres oiseaux, de la grue au martinet, du héron au vautour et à la mésange. Les notations à propos des uns et des autres, toujours précises, prouvent un observateur averti de la nature, même si elles sont souvent données comme en passant, tout comme les tableaux plus larges de l’espace : « C’est encore nuit petite. Avril repose sur l’étang. La lune est ronde. Le taillis inextricable. Les ronces agressives. Premières lueurs du jour. [etc.] » Jacques Moulin, attentif aux oiseaux comme à la faune observable* ne cherche pas à écrire en naturaliste : les oiseaux ne sont pas qu’un prétexte, ils sont bien présents, mais cette présence conduit à des combinaisons de mots des plus variées.
On ne saura pas ce qu’est exactement la corbeline, est repris le discours ancien qui définissait son action, « Herbe qui sauve », qui « lève le poison comme on lève la brûlure d’amour meurtri ». On apprendra l’existence de "corbelinier" et, dans l’une des premières proses, "corbeline" entraîne "cor(beau), "cour(bure), "or(be) , "cou", "(ja bot", à quoi s’ajoutent peu après "cro(assantes) et la proximité de "jabot et "bec" ; à d’autres moments du texte "corbin" (inusité pour "corbeau", et "corbine". Cette herbe aux corbeaux est associée à la jonquille — ce qui inspire une chanson ; elle vivrait au milieu d’autres plantes comme la panprée et le corblet : c’est là le plaisir particulier d’introduire des mots peu communs, ici le nom du panais sauvage et une désignation régionale du pavot cornu ; on lira aussi parmi d’autres "blaude", "tabard", "bollard", "cochoir".
On notera un développement où est imaginée une relation étroite entre l’oiseau et son nom, la séquence phonique K-R-B étant supposée restituer ce qu’est le corvidé, le [B] par exemple « par la saisie du bec braille et clabaude » ; le corbeau a perdu son "i" dans le mot "oiseau" : il est seulement « oseau » dont, remarque Jacques Moulin, on ne connaît « Ni gazouillis ni pépiement ni / Sifflotis ». Mais pour le cri des corvidés la liste des mots est étoffée, « croaillement, coraillement, craillement, [etc.] », et de courts descriptifs complètent une longue série, le cri comparé à « dans la nuit du gravier / le bruit d’évier », et ce cri est répété trois fois, « Trois trois trois / Lez corbeau fait nombre / Tierce / Dans sa voix ».
Le lecteur relève que le plaisir des sons guide souvent la construction des textes. À côté du (trop) classique « j’écris – je crie », on peut apprécier « corps vidé » ou « un chant a krâpella », ou encore quand on passe à la grue, « La grue n’est pas greluche ne grignote pas égraine avec soin le plant gobe des grenouilles (etc.] ». Un relevé exhaustif des jeux de mots nécessiterait de donner chaque fois le contexte, signalons-en cependant quelques-uns : « broyé-bruyant », « craille-braille », « graves-craves », « criarde-braillarde-raillarde », « Appeau appelle /appâts de mots » « la magie des oiseaux-la manie des corbeaux », etc. Par ailleurs, Jacques Moulin pratique régulièrement l’énumération — « Tu fais des listes sur ta page », reconnaît-il : liste de noms d’oiseaux chacun suivi d’une caractéristique, « La linotte mélodieuse / La mouette rieuse / Le bruant bruyant / Le martin triste [etc.] »
Les nombreuses remarques sur le cri des oiseaux sont souvent liées à la forme choisie pour l’écriture du poème ; ainsi, pour les grues :
« Se taire pour bien entendre. Effacer forme d’homme. N’être qu’un pavillon. Voir après. Un poème qui donne le son avant la forme. Une forme de cri en vol. Un envol d’onomatopées vivantes. Charivari. Tapagerie. »
Les formes choisies tendent à restituer quelque chose de la vivacité de l’oiseau ou de son cri, qu’il s’agisse du choix des phrases nominales ou de la fréquence de l’usage du rondel — pour le martinet, Jacques Moulin en écrit avec la rime -i- et commente : « Rondel en i / Pour le marti- / Net dans son cri ».
Jacques Moulin aime tous ces oiseaux, y compris le mal aimé corbeau ; couleur de charbon, certes, mais il faut percevoir sa lumière intérieure, comme s’il était peut-être oiseau de Soulages, et l’on comprend alors que « le corbeau est blanc au profond de la nuit ». On trouve cette lumière dans les monotypes d’Ann Loubert qui donne à voir des espaces possibles pour les oiseaux, le noir et blanc parfois subtilement rehaussé d’une couleur pastel.
Jacques Moulin, Corbeline, Monotypes d’Ann Loubert, L’Atelier contemporain, 2022, 176 p. Cette recension a été publiée dans Sitaudis le 27 décembre 2022.
Publié dans RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques moulin, corbeau, oiseau, humour, corbeline | Facebook |
09/10/2022
Jacques Moulin, Corbeline
Corbeau
Encore haut
Pousse au noir
Son cri fort
Chaque soir
Proie du noir
Sous le ciel
Toujours haut
Du corbeau
Qui repasse
Tu rebrasses
Un corps lourd
Jacques Moulin, Corbeline,
L’Atelier contemporain,
2022, p. 53.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques moulin, corbeline, rimes | Facebook |
08/10/2022
Jacques Moulin, Corbeline
Corbeaux en fragments
Le cri du corbeau
De quoi est-il le bruit
Le bruit du bois
Le bruit du toit
qui se dérobe
charpente incluse
Le bruit qui croît
au-delà de sa voix
Le bruit du groin
qui court aux lointains
Le bruit du cri
dans la nuit du gravier
Le bruit d’évier
quand la bonde est lâchée
Le bruit déchiré
de la bâche sous tempête
Le bruit de trompette
rouillée mal embouchée
Le bruit qui verrouille
Le bruit de moraine
dans l’absence des glaciers
Le bruit de la grêle
qui cogne sur les rails
Le cri qui déraille
Le bruit du moulin à chanvre
quand le lien freine la meule
Un corbeau
Fait un bruit de corbeau
Vrocalise
Jacques Moulin, Corbeline, L’Atelier
contemporain, 2022, p. 39.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques moulin, corbeline, corbeaux en fragments | Facebook |
23/11/2018
Jacques Moulin, Sauvagines
Regard de clairière
Paupières feuillues
Œil de lynx
Oreilles sylvestres
Nez en l’air jusqu’à terre
Nez en flair avec
L’humus l’humeur des vents
L’ardeur des fumées
L’honneur du poil ou de la plume
Mains moussues
Corps tendu vers l’attente l’accueil
Il avance sans appareil photo
— l’appareil ne l’appareille jamais
Il avance toutes antennes offertes
Live sauvagement live
Il ne vient pas faire photo
Gonfler l’album thésauriser le cliché
Jouer la montre la démonstration
Il vient comprendre attendre entendre
Goûter à l’espace apprécier les lieux
Se dissoudre en eux
Garantir sa communion avec le vivant
Il est vivant au sein du vivant
Comme la pierre il est posé là
Dans le mitan du monde
Un coup de sécateur — sa dentition sauvage
Et il attend il observe il écoute il respecte
Il est à l’affût il s’affûte corps et esprit
[…]
Jacques Moulin, Sauvagines, éditions la clé à molette, 2018, p. 27-28.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques moulin, sauvagines, image, jeu de mots | Facebook |
04/10/2018
Jacques Moulin, L'Épine blanche
Un mois sans toi
Sans feu ni lieu de toi
Sans mère ni voie
Cheval perdu
Sans voix sans toi
Corne de brume
Mouillure aux yeux
L’humeur des vitres après l’embrun
Du brou en gorge
L’automne des noix
Et coque vide
Jacques Moulin, L’Épine blanche, L’Atelier
contemporain, 2018, p. 37.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques moulin, l’Épine blanche, disparition, automne | Facebook |
27/07/2015
Jacques Moulin, Journal de campagne : recension
Un journal de campagne, on sait bien que cela évoque les opérations militaires plus que la nature, même si elle est présente : la guerre, quand elle est évoquée, c’est la Grande, celle de 14-18, et sont précisément rappelés des lieux bien champêtres qui furent des lieux de mort, tel le Hartmannswillerkopf, souvent désigné par ses initiales HWK (conservées ici pour titrer 4 poèmes) ou nommé "la montagne de la mort" : éperon rocheux au-dessus de la plaine d’Alsace — « Hécatombe et massacre / Double V pas de veine est ma vie ». Cependant, à travers les souvenirs discrets des combats, l’évocation de paysages de vignobles et de réunions autour d’un verre de Sylvaner, le lecteur est surtout attentif au motif lyrique de la mémoire et, comme à la lecture des recueils précédents, à la manière qu’a Jacques Moulin d’exploiter les ambiguïtés de la langue — c’est-à-dire les ressources avec lesquelles on peut écrire.
Tout d’abord la construction du livre est rigoureuse, ce que l’on ne comprend qu’après la lecture du premier ensemble titré "Cheminement" qui réunit deux poèmes ("Avancée" et "Abri") : le second ensemble, titré "Approches", s’ouvre avec "Place forte" où sont rassemblés une série de termes utilisés pour décrire une forteresse dont quelques-uns, en caractères gras, sont retenus comme titres des poèmes du livre, par exemple ceux que j’ai cités. La variation autour de quelques mots est signalée dans les vers d’un rondel — « On tombe sur des mots qu’on peut envisager / L’alexandrin revient pour chacun les nommer / Canon bastion redoute archère et contrefort / Barbacane bonnette [...] — et, à nouveau, avec humour, dans un « Lexique des titres fortifiés » qui clôt le livre.
On pourrait craindre que des poèmes écrits à partir d’un vocabulaire militaire soient bien peu séduisants, suite de poèmes en vers libres prenant pour prétexte des mots dont le sens, pour la plupart d’entre eux, n’est plus compréhensible à cause de leur technicité, comme "réduit" ou "banquette", mais on voit bien que l’on peut jouer sur leur polysémie. Quand il est difficile d’emprunter des voies de traverse avec un mot, il est toujours possible de s’attacher à la forme même ; ainsi du nom commun "fort" : « F.O.R.T. avec un T qui ne se lie pas. T en tourelle on dit gabion et c’est du guet. Que veut-il prendre aux rets des langues ? », etc. ; « lie » ici se prendra en même temps pour « lit ». Et "fort" appelle évidemment "for", mais Jacques Moulin dans le poème titré "For intérieur" multiplie l’emploi de termes relatifs à la forteresse (fort, fossé, barbelés, ronde, courtines, etc.), y compris à la fin du poème dans la synthèse de ce qu’est ce jugement de la conscience : « Tout est fragile. Vigilance encore mais en fort détaché. »
Dans la série se glisse un rondel, signalé comme tel (« Le rondel bat la brèche et se joue des rebords / Sur le chemin de ronde au plus près des fossés ») ; construit en alexandrins et sur deux rimes selon la règle, son refrain ne comporte cependant qu’un vers et n’est répété qu’une fois. On relève que la reprise d’un vers, dans le livre, est un des moyens de lier les poèmes entre eux — par exemple on notera le retour dans plusieurs poèmes de « On entend la poussière ». Il en est d’autres propres à la poésie de Jacques Moulin. Je pense à son usage des phrases nominales, fréquentes, en cascade, qui donnent mouvement, nervosité(1). Je pense aussi aux jeux phoniques qui consistent à rapprocher des mots qui ne se distinguent que par un son : vestige / vertige ; calvaire /calcaire ; résider / résidu ; pans / pas, ou que l’on rapproche comme enceintes / empreinte ; cisaille /zigzague. Il y a parfois dans ce reprise de cellules sonores un souvenir des Grands Rhétoriqueurs du xve siècle, quand on lit : « Sous l’aile de l’abri bris de mur à coups sûrs . Et s’écoulent les fleuves dans le mugir des plaines » (souligné par moi), ou si l’on prononce : « Si ça te dit ça me dit aussi / Stammtisch ici ».
On pourrait penser à Ponge dans la manière qu’a Jacques Moulin de s’attacher à la lettre du mot, qui ne désigne pas une chose de façon arbitraire, comme tout autre mot, mais parce que sa forme évoquerait cette chose ; ainsi pour "redoute" : « R.E.D.O.U.T.E. comme une redite destinée à souligner un chemin de retrait [...] », ou pour "fort" : « On ne voit guère plus loin que le bout de son T ». Mais un seul poète est nommé, Jaccottet, dont un fragment de prose (d’ailleurs entre parenthèses dans Éléments d’un songe) devient un vers dans le dernier poème : « Tout étoilé d’obscure ignorance / Signé Jaccottet ». Il faut ajouter, en note, François de Sales, à qui est emprunté la graphie "abril" pour "avril", retour au xvie siècle et au jeu des sons avec « Être à l’abri jusqu’à l’avril / L’abril d’avril ». Voilà un livre dans la continuité des livres publiés par Jacques Moulin, avec en ouverture de chacune des quatre séquences un fort suggestif dessin de Benoît Delescluse. Une réussite.
________________________
1. Phrases nominales très nombreuses par exemple dans À vol d’oiseaux, L’Atelier contemporain, 2013.
Jacques Moulin, Journal de campagne, dessins de Benoît Delescluse, Æncrages, 2015, non paginé, 18 €. Cette recension a été publiée en juillet 2015 dans Les Carnets d'eucharis.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques moulin, journal de campagne, guerre, ambiguïté, rondel, rhétorique | Facebook |
24/10/2014
Jacques Moulin, Portique, Dessins d'Ann Loubert
Portique : il s'agit de l'appareil de levage qui, sur des montants mobiles, permet de déplacer de lourdes charges... Dans ces cinq poèmes autour du portique, Jacques Moulin a abandonné jardins et oiseaux1) pour les quais des ports, les marchandises en conteneurs descendues des navires ou qui les rejoignent. Cependant, grâce à l'homonymie, apparaissent un instant les grues cendrées à côté des grues métalliques ; celles-ci, comme les oiseaux, cris(ss)ent par les poulies, appelant le grincement des mots, et toutes deux, de fer ou de chair, ont bec et cou et « même grégarité ». Mais l'une demeure dans la boue des quais quand l'autre s'élève dans le ciel pour migrer. C'est à un autre oiseau, l'albatros (« Il y a de l'albatros en lui »), que peut faire penser le portique, par sa taille et l'apparente maladresse de ses mouvements et c'est pourquoi, à son propos, Jacques Moulin reprend en partie un vers de Baudelaire, « Ses ailes de géant l'empêchent de sombrer ». Enfin, le bruit des poulies, les déplacements sur le quai du portique entraînent un nouveau rapprochement, cette fois entre métal et mouette : l'on entend « leur cri rauque dans le silence du poème. »
Parallèlement à l'opposition entre l'espace quasi immobile du travail des hommes et celui du déplacement des oiseaux, est construite une opposition temporelle par renvoi à Zénon, fondateur du stoïcisme : mot issu d'un mot grec signifiant "portique" — Zénon, selon la tradition, enseignait sous un portique —, et le philosophe, comme l'engin de levage fait grincer les poulies, a fait « grincer » les mots. Par ailleurs, le portique lève sur le quai de lourdes charges qui disparaissent vite de la vue, comme s'il s'en emparait pour les dévorer : il évoque ainsi le Minotaure ou le dragon, figures mythologiques des temps anciens. C'est à l'espace méditerranéen que renvoie encore le portique par sa forme, qui ressemble aux « colonnes grecques et arcs romains réunis » ; comme eux, il est voué à la destruction et à l'oubli ; il deviendra ruine et fait songer aux « ruines des portiques de Palmyre ».
Une autre relation analogique s'établit, cette fois entre les mouvements sur les quais, portique, grues, marchandises, et le poème qui se construit. L'appareil semble chercher les conteneurs comme on cherche les mots du poème — ou l'inverse ; le déplacement des boîtes s'opère et les quais se vident : métamorphose comme celle des mots qui ont trouvé leur place sur la page, ainsi « le poète est pontier portiqueur passeur de mots ». Un autre glissement peut s'observer du conteneur, « forme fixe », au poème et, de même que le conteneur est posé pour un temps sur le quai par le portique, le poème « pose des mots ».
Le lien le plus étroit entre portique et poème est peut-être celui du travail. Tous les mouvements sur les quais sont ceux des engins conduits par les hommes, « Tout ça trafique manœuvre s'empile », conteneurs avec leurs marchandises qui ont circulé sur les mers et maintenant amas sur le port, comme des rochers que bougerait un invisible Sisyphe. Quant au poète, Jacques Moulin l'assimile au palonnier et, alors que le « port est polyglotte », lui « cherche sa langue » ; les marchandises représentent le travail de transformation des choses du monde, incessant, et le poème s'efforce de restituer ce qu'est ce mouvement ; « C'est dans l'appui au quai qu'on parcourt le monde et reçoit son message », et qu'on peut tenter de le transmettre. La transmission, ici, évite très souvent l'ordre d'une syntaxe sage — sujet verbe complément... — : les choses sont là et sont nommées simplement nommées, au lecteur de les imaginer, « Bassins de mer au couchant mirages d'abbayes en mélancolie » ... À leur manière, les dessins d'Ann Loubert donnent à voir les mouvements sur les quais en laissant sa place à la rêverie.
Jacques Moulin, Portique, Dessins d'Ann Loubert, L'Atelier contemporain, 2014, 62 p., 10 €.
Recension publiée dans Sitaudis le 21 octobre
____________________________
(1) Voir récemment À vol d'oiseaux (2013), Comme un bruit de jardin (2014).
Publié dans RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques moulin, portique, dessins d'ann loubert, port, quai, po§me | Facebook |
27/08/2014
Jacques Moulin, Comme un bruit de jardin
Fraisier
On ne joue pas avec la fraise. C'est un mot d'incandescence une cavité plaine.
On se dit de la fraise sans s'y afficher. À peine la finale rappelle-t-elle qu'on y est. Qu'on s'y fraie en sujet. Avec bonheur au vu du zézaiement qui pousse à l'écholalie.
On se rêve en la fraise akène grave glissé à l'infini des braises.
*
S'adonner de nouveau à la fraise aller
au mot point d'avidité avoir
raison de ses bordures
S'en tenir aux fièvres de sa forme
— on frise encore le fruit —sans
déranger la fleur
— on apaise ses craintes abrège sa perte
S'ouvrir à ses fragrances
aux graines de ses fuites
quand les stolons répandent
un jardin des errances
Composer avec elle prendre ses aises
demeurer enfin en sujet
dans l'éclat de son temps
Jacques Moulin, Comme un bruit de jardin, Tarabuste, 2014, p. 17-18.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques moulin, comme un bruit de jardin, fraisier, forme, fraise, jeu de mots | Facebook |
09/10/2013
Jacques Moulin, À vol d'oiseaux
Une nouvelle maison d'édition est née cet automne, L'Atelier contemporain, fondée à Strasbourg par François-Marie Deyrolle ; premier titre : Jacques Moulin, À vol d'oiseaux. En même temps reparaît la revue L'Atelier contemporain, au sommaire du 1er numéro : une enquête, "Pourquoi écrivez-vous sur l'art ?" (texte de J. Bastard, P. Bergounioux, C. Dourguin, J. Frémon, C. Garcin, P-A Tâche, F. Venaille, etc.), un dossier sur Monique Tello, un autre sur Ann Loubert, etc.
*
Les oiseaux de passage espacent l'habitude
on dit d'eux qu'ils font cycle
ça nous rassure
nous qui demeurons sur la margelle de pierre
à guetter l'entrée des petits matins
Si d'aventure on voit passer de ces oiseaux
sautons le pas dit de saison
sous le temps de leurs plumes
un vent qui nous espace
*
On n'a pas idée combien la mésange
est mobile
Tête en bas
furète la fente
du prunier
rompre le bourgeon
Vois
l'obscur de sa calotte
comme un songe
de cavités perdues
*
Bec dans la brème
Comme un harpon
Héron glouton
Prend ce qu'il aime
Dès le jour blême
Est sur le pont
Bec dans la brème
Comme un harpon
Sans requiem
Pour le poisson
Stabat héron
Fait mi-carême
Bec dans la brème
Jacques Moulin, À vol d'oiseaux, dessins d'Ann Loubert, 2013, p. 15, 40, 72.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques moulin, À vol d'oiseaux, dessins d'ann loubert, mésange, héron, oiseaux | Facebook |