27/07/2021
Francesco Scarabicchi, Par la mémoire ressaisi
La vitrine
Parfois nous revient
un nom, un visage
par la mémoire ressaisi
en un déclic d’interrupteur,
lui qui enfant
joue aux indiens
et seulement par erreur
brise avec le coude
la vitrine dans l’angle.
À genoux il recueille
les débris de verre
et qui l’observe avise
ce qu’il chuchote à peine
comment revenir en arrière ?
Francesco Scarabicchi, Par la mémoire
ressaisi, traduction Laurent Cennamo,
dans revue de belles lettres, 2021-1, p.129.
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25/07/2021
Stefano Simoncelli, Frôlant les murs et les lumières
Parfois je sens
qu’un vent rapace
veut m’emporter
loin de ces confins escarpés
ravis aux bonds des chevreuils,
aux vallons ourlés d’orages,
jusqu’ici, où un déséquilibre
ou un trouble du regard
fait exploser les nuances
des ombres tapageuses
que j’ai oubliées
dans les livres et sur les murs
tandis que le noir est ce noir
où chaque nuit, dans un âge hors de saison,
je m’habitue à disparaître.
Stefano Simoncelli, Frôlant les murs et les lumières, traduction Laurent Cennamo, dans revue de belles-lettres, 2021-1, p. 149.
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02/12/2018
Laurent Cennamo, L'herbe rase, l'herbe haute
Le mot "épinette" me revient, en lien d’abord avec cette minuscule église — une sorte de châsse géante, illuminée, au bord de l’Arno, à Pise : Chiesa della Spina. Ensuite avec un rêve de la nuit passée où, peut-être à Pise justement, je voyais, en gros plan, jaillissant de la terre, la partie centrale (une sorte de longue épine) en or (en tout cas dorée) d’une sorte de balance dont les deux plateaux étaient absents ou avaient disparu. Chose précieuse, antique, brillant de mille deux (un peu menaçante également), que je suis très fier de pouvoir nommer, presque doctement, à quelqu’un qui est là dans la nuit : « antene » (qui s’écrit peut-être avec un accent circonflexe — antêne— comme s’il s’agissait d’un mot grec). Mot très ancien, oublié, écrit sur le sable ou sur fond d’or, de feuillage de fin d’octobre bruissant, éblouissant.
(le mot "épinette")
Laurent Cennamo, L’herbe rase, l’herbe haute, Bruno Doucey, 2018, p. 73.
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09/10/2018
Laurent Cennamo, L'herbe rase, l'herbe haute
À midi le poème
À midi le poème porte un mouchoir
sur la tête. Tu lisais sur le balcon. L’enfant
blond en été, la fleur de coquelicot qui dépasse
du muret de pierres sèches. Les grands chênes
poussiéreux à l’horizon, le Petit Salève
lavandière penchée au-dessus de son invisible
baquet d’où jaillit un nuage de papillons.
Tu lisais, toi aussi à l’envers. Écrire
Beaucoup plus tard serait comme traverser
Le miroir, écrire dans l’air, comme Tolstoï
Dans la petite gare, Kafka
sur la photographie fraiche contre le mur,
fourrure, épais manchon. Ton front brûlant,
comme le cygne plonge sa tête et son
long cou dans les eaux du lac,
éblouissantes. Tu es un enfant encore pour peu
de temps, bientôt le poème prend fin (il est
midi) le ciel bascule et le Petit Salève
comme une bille dans son château de bois
Laurent Cennamo, L’herbe rase, l’herbe haute,
Bruno Doucey, 2018, p. 47.
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