Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/01/2020

Saint-John Perse, Oiseaux

        saint-john perse,oiseaux,destin,migration,cri

                                                  Oiseaux, I

 L’oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins du jour un singulier destin. Migrateur, et hanté d’inflation solaire, il voyage de nuit, les jours étant trop courts pour son activité. Par temps de lune grise couleur du gui des Gaules, il peuple de son spectre la prophétie des nuits. Et son cri dans la nuit est cri de l’aube elle-même : cri de guerre sainte à l’arme blanche.

 

Saint-John Perse, Oiseaux, dans Œuvres complètes, Pléiade / Gallimard, 1972, p. 409.

 

30/06/2018

Umberto Saba, Il Canzoniere

              Sabajpeg.jpeg

Rouge-gorge

 

Même si je voulais te garder je ne puis.

 

Voici l'ami du merle, le rouge-gorge.

Il déteste autant ses pareils

qu'il semble heureux auprès de ce compagnon.

Toi, tu les crois amis inséparables

quand, surpris , à l'orée d'un bois, tu les surprends.

Mais d'un élan joyeux il s'envole, fuyant

le noir ami qui porte au bec une vivante proie.

Là-bas un rameau plie mais que ne peut briser,

juste un peu balancer son poids léger.

La belle saison, le ciel tout à lui l'enivrent,

et sa compagne dans le nid. Comme en un temps

le fils chéri que je nourrissais de moi-même,

il se sent avide, libre, cruel,

 

et chante alors à pleine gorge.

 

                      *

 

Oiseaux

 

Le peuple ailé

que j'adore — si nombreux par le monde —

aux coutumes si variées, ivre de vie,

s'éveille et chante.

 

Umberto Saba, Oiseaux(1948), traduit par Odette Kaan, dans

Il Canzoniere, L'Âge d'homme, 1988, p. 549, 551.

17/01/2018

Saint-John Perse, Oiseaux

                                                  perse.jpg

 

L’oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins du jour un singulier destin. Migrateur, et hanté d’inflation solaire, il voyage de nuit, les jours étant trop courts pour son activité. Par temps de lune grise couleur du gui des Gaules, il peuple de son spectre la prophétie des nuits. Et son cri dans la nuit est cri de l’aube elle-même : cri de guerre sainte à l’arme blanche.

 

Saint-John Perse, Oiseaux (1963), dans Œuvres complètes, Pléiade / Gallimard, 1972, p. 409.

 

23/08/2017

Jacques Izoard & Eugène Savitzkaya, Plaisirs solitaires

        izoard-ladifference.jpg

Herses autour de la maison.

Nul n’entre en agonie,

mais la cigogne veille.

On sait qu’un monceau de suie

envahit corps et bahuts.

Plaisir de se dévêtir

est plaisir solitaire.

 

Que le sable à travers tes doigts

soit ton sang de pacotille !

Viens fermer les yeux

d’un frère d’écume,

viens briser la nuque

d’un oiseau dans mon poing !

Seules répondent les voix

des sosies dérisoires…

 

Jacques Izoard et Eugène Savitzkaya,

Plaisirs solitaires, Atelier de l’agneau, 1975, p. 8.

10/05/2017

Paysages (Périgord)

DSC_0034.jpg

DSC_0044.jpg

DSC_0068.jpg

10/10/2016

Camille Flammarion, Dans le ciel et sur la terre

                                             5rQFs3N7pxZsyzSPiY80q7K6psk.jpg

Le nid de rossignols

 

   Dans un modeste petit bois dont les oiseaux me connaissent, j’ai devant moi un nid de rossignols. Quatre petits, nus et tremblants, sont là serrés les uns sur les autres, si pressés qu’on distingue à peine seulement leurs grosses têtes et leurs yeux noirs, plus gros encore. Ils sont éclos d’avant-hier et d’hier, ne voient rien et ne savent pas encore s’il y a des arbres et de la lumière. Ils périraient bien vite s’ils étaient abandonnés. Mais le cœur de leurs jeunes parents bat pour eux d’une tendresse vraiment maternelle. Ils sont là tous les deux, le père et la mère, debout sur les bords du nid, tout auprès l’un de l’autre. Ils penchent leurs becs vers les quatre becs ouverts des petits ; il faut voir avec quelle singulière énergie ceux-ci allongent le cou ! Et le père et la mère, qui ont fait des provisions dans leur gorge, leur versent ainsi depuis plusieurs minutes la première nourriture, le miel et le lait de leur alimentation future.

 

Camille Flammarion, Dans le ciel et sur la terre, Marpon et Flammarion, 1886, p. 118-119.

 

 

06/01/2016

Olivier Domerg, Le temps fait rage

olivier-domerg-2.jpg

                               © Brigitte Pallagi

 

 

pour toute poétique & pour toute morale, ce qui est devant

nous. pont de l’Anchois, un matin d’avril. léger voile malgré

grand soleil, soleil et beau temps. léger voile peut-être du fait

de la petite rivière, là, derrière, en contrebas. tout indique

que ce sentier conduit au refuge qui porte son nom. le plein

d’oiseaux dans les vallons boisés, repousses vert tendre,

crissement des chaussures de marche dans le désert du

sentier. pour toute poétique & pour toute morale, ce qui est

devant nous. je n’ai jamais fini, disait-il, jamais, jamais. elle

est nue, presque unicolore. c’est davantage un éclat lumineux

qu’une couleur. ici, et sur une centaine de mètres, le vacarme

de l’eau domine, prend le dessus sur le ronflement des

voitures qui passent de temps à autre sur la départementale.

petite gorge arborée, cascades, eau claire, remontée de son

amplifié par la caisse de résonance du vallon. pied de la

montagne comme pied du mur ; pareil pour l’écriture. on

entend des rossignols, mais pas que des quantités.

 

Olivier Domerg, Le temps fait rage, Le bleu du ciel, 2015, p. 25.

12/11/2015

Jack Spicer, C'est mon vocabulaire qui m'a fait ça

                                       arton1604.jpg

Les oiseaux

 

Un penny pour un verre pour le vieil homme

Asmodée, attrapeur de mouches

Ou quoi que ce soit qui nous transporte.

Nous, nous définissons comme des vers invisibles

Des poèmes que vous ne voyez jamais. Une vision

Du sexe dans le lointain.

Contremaître du réel. Les Lears crient avec obscénité

L’un celui de Shakespeare, l’autre l’ami de ces foutus Jumblies.

Une course lointaine

Avec l’eau de mer

Entre eux. Battant

De grands nuages de fumée. Un verre

Dans la totalité du monde visible rendu invisible. Pour qui.

             Comme nous les définissons ils dis

Paraissent.

 

Jack Spicer, C’est mon vocabulaire qui m’a fait ça, traduit de l’anglais par Éric Suchère, préface de Nathalie Quintane, Le bleu du ciel, 2006, p. 173.

29/09/2015

Dodoïtsu : Les montagnes, les rizières et la mer

3270509372_c34f7267f6.jpg

      Dodoïtsu

 

Que les grenouilles

Coassent dans l’eau

Et se lèvent dans ma mémoire

Les jours anciens

 

Sans doute viendra-t-il, mon bien-aimé

Et les soirs où il vient

Derrière, sur l’étang aux lotus

Les canards s’envolent

 

Buvons, chantons

Que serons-nous demain ?

Aujourd’hui, à mi-chemin nous sommes

Dans la fleur de l’âge

 

Libérant leurs gosiers

D’un mutuel assaut

Des oiseaux par milliers

Sur la route des îles

 

Le long des berges

Par temps de pluie

Des grenouilles se tiennent

Vigiles de l’autre monde

 

Les montagnes, les rizières et la mer, 64

Dodoïtsu, traduction et préface Alain

Kerven, Calligrammes, 1984, np.

30/05/2014

Norge, La Langue verte (charabias et verdures)

 

norge,la langue verte (charabias et  verdures),oiseaux,chant,soleil,bonheur

        Zoziaux

 

Amez bin li tortorelle,

Ce sont di zoziaux

Qui rocoulent por l'orelle

Di ronrons si biaux.

 

Tout zouliq de la purnelle,

Ce sont di zoziaux

Amoreux du bec, de l'aile,

Du flanc, du mousiau.

 

Rouketou, rouketoukou

Tourtourou torelle

Amez bin li roucoulou

De la tortorelle

 

On dirou quand on l'ascoute

Au soulel d'aoûte

Que le bonhor, que l'amor

Vont dorer tozor.

 

Norge, La Langue verte (charabias et

verdures), Gallimard, 1954, p. 53-54.

16/03/2014

Philippe Jaccottet (3), Paysage aux figures absentes

 

Philippe Jaccottet, Paysage aux figures absentes, oiseaux,buisson, poésie

                    Oiseaux invisibles

 

   Chaque fois que je me trouve au-dessus de ces longues étendues couvertes de buissons et d'air (couvertes de buissons comme autant de peignes pour l'air) et qui s'achèvent très loin en vapeurs bleues, qui s'achèvent en crêtes de vagues, en écume (comme si l'idée de la mer me faisait signe au plus loin de sa main diaphane, et qui tremble), je perçois, à ce moment de l'année, invisibles, plus hauts, suspendus, ces buissons de cris d'oiseaux, ces points plus ou moins éloignés d'effervescence sonore. Je ne sais quelles espèces d'oiseaux chantent là, s'il y en a plusieurs, ou plus vraisemblablement une seule : peu importe. Je sais que je voudrais, à ce propos, faire entendre quelque chose (ce qu'il incombe à la poésie de faire entendre, même aujourd'hui), et que cela ne va pas sans mal.

 

Philippe Jaccottet, Paysage aux figures absentes, dans Œuvres, préface de Fabio Pusterla, édition établie par José-Flore Tappy, Pléiade / Gallimard, 2014, p. 489.

09/02/2014

Sanguineti, Corollaire, traduction Patrizia Atzei & Benoît Casas

             Les éditions NOUS ont quinze ans

 

              Sanguineti.jpg

 

pour toi je les ai éprouvés (et pour toi je les éprouve ma chérie) : et de ce que                                                                                                [tu vois,  

tu le vois, il s'agit :

                              il y a comme un pré, une rive (un rivage), avec des roseaux,

avec des herbes en fleur, avec des zones lacustres ou palustres (le cadrage est                                                                                                                 [serré :                                                                                               

 

on voit, et on devine, peu et mal) : et deux couples d'oiseaux aquatiques voilà,

justement, âprement se becquettent, se déchirent (et, déchirés, se déplument) :

                                                                                                                   mais

trois autres volatiles (mais inaccoutumés, inadaptés au vol), trottinant paisibles,

apaisés (ce que je désigne ici, respectivement, par S, et par T, et enfin par R),

se tiennent là dans un coin, gauchement sereins :

                                        (pourtant observe-les, ici, avec moi, ils palpitent) :

 

Edoardo Sanguineti, Corollaire, traduit de l'italien par Patrizia Atzei et Benoît Casas, préface de Jacques Roubaud, NOUS, 2013, p. 38.

09/10/2013

Jacques Moulin, À vol d'oiseaux

 

Une nouvelle maison d'édition est née cet automne, L'Atelier contemporain, fondée à Strasbourg par François-Marie Deyrolle ; premier titre : Jacques Moulin, À vol d'oiseaux. En même temps reparaît la revue L'Atelier contemporain, au sommaire du 1er numéro : une enquête, "Pourquoi écrivez-vous sur l'art ?" (texte de J. Bastard, P. Bergounioux, C. Dourguin, J. Frémon, C. Garcin, P-A Tâche, F. Venaille, etc.), un dossier sur Monique Tello, un autre sur Ann Loubert, etc.

                                                        *

AVT_Jacques-Moulin_4412.jpeg

Les oiseaux de passage espacent l'habitude

on dit d'eux qu'ils font cycle

ça nous rassure

nous qui demeurons sur la margelle de pierre

à guetter l'entrée des petits matins

 

Si d'aventure on voit passer de ces oiseaux

sautons le pas dit de saison

sous le temps de leurs plumes

un vent qui nous espace

 

                    *

 

On n'a pas idée combien la mésange

est mobile

 

Tête en bas

furète la fente

du prunier

rompre le bourgeon

 

Vois

l'obscur de sa calotte

comme un songe

de cavités perdues

 

                      *

 

Bec dans la brème

Comme un harpon

Héron glouton

Prend ce qu'il aime

 

Dès le jour blême

Est sur le pont

Bec dans la brème

Comme un harpon

 

Sans requiem

Pour le poisson

Stabat héron

Fait mi-carême

Bec dans la brème

 

Jacques Moulin, À vol d'oiseaux, dessins d'Ann Loubert, 2013, p. 15, 40, 72.

 

 

15/08/2013

Jacques Réda, Retour au calme

Jacques Réda, Retour au calme, oiseaux, poésie, rime

                       La poésie

 

 

Est-il un seul endroit de l'espace ou du temps

Où l'un des mille oiseaux qui sont les habitants

De ce poème (ou, lui, consentant, leur orage),

Entendrait quelque chose enfin de son langage

          Un peu comme je les entends.

 

Si peu distincts du pépiement de la pensée

Indolente, prodigue et souvent dispersée

Au fond de je ne sais quel feuillage de mots,

Que mes rimes, pour y saisir une pincée

          De sens, miment ces animaux ?

 

J'ai supposé parfois une suprême oreille

À qui cette volière apparaîtrait pareille,

Dans l'intelligible émeute de ses cris,

À celle dont je crois être, lorsque j'écris,

          Un représentant qui s'effraye

 

Et s'enchante à la fois de tant d'inanité.

Il se peut en effet que l'on soit écouté,

Et qu'en un certain point le latin du poète,

Mêlé de rossignol, hulotte ou gypaète,

          Les égale en limpidité.

 

Jacques Réda, Retour au calme, Gallimard, 1989, p. 139.

 

 

 

 

 

 

13/08/2013

Jacques Réda, L'incorrigible

images.jpeg

               Oiseaux automatiques

 

La tourterelle, on dirait qu'elle est mécanique.

Toute la matinée, elle a volé d'un toit

À l'autre avec un grincement mélancolique

De vieux jouet en fer qu'on remonte d'un doigt

 

Prudent pour ménager le ressort en spirale

Qui sans doute a rouillé depuis vingt ou trente ans.

Mais non, ça marche encore, et l'on entend ce râle

S'efforcer entre des rouages grelottants.

 

Puis un pinson réglé comme une horloge vrille

Et vrille de nouveau, tout au fond du jardin.

L'air presque froid sous un ciel gris où rien ne brille :

Quelle cloison veut-il crever ? Ce qu'il atteint.

 

En fin de compte, c'est l'écœurante purée

Qu'on voudrait garder sous la paroi

La plus dure. Mais quand ce fer de la durée

La perfore, une paix se mêle au désarroi.

 

Car ce chant qui revient sans arrêt, identique,

Dit que le temps existe et qu'il ne compte pas.

Que l'heure sonne en vain puisqu'elle communique

Avec un vide où les attentes, les combats,

 

Les abandons, l'espoir et l'oubli s'équilibrent

Comme le ciel et son reflet dans les canaux.

Tout est joué d'avance. Il ne reste de libre

Que la querelle vaine et sans fin des oiseaux.

 

Jacques Réda, L'incorrigible, Gallimard, 1995, p. 30-31.