08/04/2020
Bashô, Le Faucon impatient
Un éclair soudain
dans les ténèbres s’en va
le cri du héron
Champignons des pins
des feuilles d’arbres inconnus
sont restées collées
Automne s’en va
quand elle a ouvert le main
bogue de châtaigne
Dans sa robe de plumes
emmitouflées bien au chaud
pattes du canard
Ah le feu de braise
du visiteur sur le mur
l’ombre se profile
Bashô, Le Faucon impatient, traduction
René Sieffert, POF, 1994, p. 203, 207,
215, 241, 245.
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16/02/2020
Eugène Savitzkaya, Au pays des poules aux œufs d'or
L’une était renarde et l’autre était héron sans avoir jamais choisi le poste qu’ils occupaient dans les classifications établies depuis belle lurette par des hommes en bésicles apparentés aux universités du monde. L’une pratiquait l’anglais avec facilité et le russe avec plaisir. L’autre ne connaissait qu’une seule langue dont il usait avec modération. Les deux vénéraient le soleil et la lune, son déflecteur de roche usée. Il portait les nuages et elle traînait les nuées.
Comment s’étaient-ils acoquinés ? Le glapissement d’une renarde n’attire pas d’ordinaire les hérons errants. Le claquement d’un bec long et fin d’un héron n’émoustille pas plus que ça une renarde.
Mais les temps varient et les cœurs changent comme varient les cieux et changent les formes des nuages.
Eugène Savitzkaya, Au pays des poules aux œufs d’or, Les éditions de minuit, 2020, p. 75.
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19/03/2019
Eugène Savitzkaya, À la cyprine
Dans mon corps tout chaud le cœur tremble.
Le corps de la crevette dans le corps du poisson
qui broute et qui broute, sa vessie est sa lumière
Le corps du poisson dans le corps du héron
gelé sur un pied, son bec est sa pince à sucre
Le corps du héron dans le corps de l’air
ce grand fluide
Le corps de l’air dans le corps du vaisseau
en mouvement
Eugène Savitzkaya, À la cyprine, éditions de Minuit, 2015, p. 44.
Jean-Pierre Richard (1922-2019)
J’ai connu la poésie de Jacques Dupin grâce à la lecture de ses Onze études sur la poésie moderne, en 1964. La longue vie de Jean-Pierre Richard a été celle d’un homme d’une immense curiosité, soucieux de transmettre ; ses études sur Flaubert et Stendhal (1954), Mallarmé et Proust ont nourri des générations de lecteurs. Infatigable, il a écrit aussi au fil des années à propos de ses contemporains— parmi d’autres, Pierre Michon, Pierre Bergounioux, Eugène Savitzkaya, Christophe Pradeau, Michel Jullien...
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02/03/2016
Basho, Seigneur ermite
ma vie de voyageur,
le va-et-vient
d’un paysan labourant la rizière
Rides sur l’eau
et brise parfumée
en rythme
Un éclair —
le cri d’un héron bihoreau
dans le noir
L’automne s’en va —
une bogue de châtaigne fendue
comme des mains entrouvertes
Cet automne,
pourquoi ai-je vieilli ?
Oiseaux dans les nuages
Basho, Seigneur ermite, édition bilingue par
Mahoto Kemmoku et Dominique Chipot,
La Table ronde, 2012, p. 330, 336, 340,
343, 348.
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09/10/2013
Jacques Moulin, À vol d'oiseaux
Une nouvelle maison d'édition est née cet automne, L'Atelier contemporain, fondée à Strasbourg par François-Marie Deyrolle ; premier titre : Jacques Moulin, À vol d'oiseaux. En même temps reparaît la revue L'Atelier contemporain, au sommaire du 1er numéro : une enquête, "Pourquoi écrivez-vous sur l'art ?" (texte de J. Bastard, P. Bergounioux, C. Dourguin, J. Frémon, C. Garcin, P-A Tâche, F. Venaille, etc.), un dossier sur Monique Tello, un autre sur Ann Loubert, etc.
*
Les oiseaux de passage espacent l'habitude
on dit d'eux qu'ils font cycle
ça nous rassure
nous qui demeurons sur la margelle de pierre
à guetter l'entrée des petits matins
Si d'aventure on voit passer de ces oiseaux
sautons le pas dit de saison
sous le temps de leurs plumes
un vent qui nous espace
*
On n'a pas idée combien la mésange
est mobile
Tête en bas
furète la fente
du prunier
rompre le bourgeon
Vois
l'obscur de sa calotte
comme un songe
de cavités perdues
*
Bec dans la brème
Comme un harpon
Héron glouton
Prend ce qu'il aime
Dès le jour blême
Est sur le pont
Bec dans la brème
Comme un harpon
Sans requiem
Pour le poisson
Stabat héron
Fait mi-carême
Bec dans la brème
Jacques Moulin, À vol d'oiseaux, dessins d'Ann Loubert, 2013, p. 15, 40, 72.
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