02/11/2025
La revue de belles-lettres, 2025, 1 : recension

La variété des contributions au sommaire de La revue de belles-lettreslaisse hésitant le lecteur : par quoi commencer ? "Traversées avec Philippe Jaccottet", dans la dernière livraison parue en juin, retient avant les nombreuses contributions, poèmes et proses, dans différents domaines. Il s’agit dans cet ensemble à la fois d’interroger ce qu’implique la traduction en anglais de ses œuvres, ici par John Taylor, et de suivre son activité quand il est lui-même traducteur. On résumera les réponses aux questions de M. Graf et J. Wenger, puis à celles de Tess Lewis, elle-même traductrice de Jaccottet.
Parallèlement à d’autres contemporains comme Bonnefoy et Réda, Taylor lit les poèmes de Jaccottet dans les années 1990, puis Leçons, livre majeur dans l’œuvre. Ce n’est qu’après un premier article en 1995 que commencent des relations épistolaires et téléphoniques avec Jaccottet (rencontré seulement en 2017). Ces échanges étaient pour lui indispensables, la poésie de Jaccottet faisant entrer « dans le domaine de l’émergence du logos et dans la véracité de la perception humaine ». C’est pourquoi restituer le mètre et la rime lui semblent relativement secondaires — « ornementation rhétorique » — et cèdent le pas devant la recherche du poète sur « la nature des apparences ».
Autre sujet ; on connaît la passion de Jaccottet pour la musique, mais dans son œuvre ce sont toujours les mots qui portent le sens, par exemple les paroles des madrigaux de Monteverdi. Mais le plus important, dès le début, ce sont les thèmes de Hölderlin et Rilke, les dialogues avec Gustave Roud, et les questions que les uns et les autres posaient. Elles rejoignaient ce qui est lisible quand on le lit, « Les stimuli véritables à ses méditations », c’est toujours le monde réel. Aujourd’hui, son écriture « pleine de nuance, d’attention (…) et d’une recherche de vérités essentielles » est aux antipodes de l’actuelle « robotisation linguistique ».
Dans les sept lettres retenues, adressées à John Taylor à propos de l’activité de traduction vers l’anglais, Jaccottet répond précisément à chaque demande, s’excusant presque de n’avoir pas la pratique de l’anglais, lui qui a traduit l’allemand, l’italien, le russe, l’Odyssée.
À propos des traductions de Hölderlin, Jaccottet estime que le « mot à mot passionné » convient « pour les poèmes les plus abrupts, les plus fragmentaires », pas pour l’ensemble de l’œuvre. Il est nécessaire de tenir compte des « inflexions familières » qui rappellent qu’Hölderlin « n’a jamais cessé de dire la vertu de l’enfance » — il faut rappeler qu’il a dirigé la publication des œuvres pour La Pléiade (1967), traduisant beaucoup, dont des poèmes avec Gustave Roud.
On ne sera pas surpris de son attention portée aux demandes de John Taylor, qui l’a beaucoup traduit. Lui-même fait entrer dans l’atelier du traducteur en choisissant un court poème de Goethe. Étudiant les décalages entre les deux langues, il cherche à garder « le ton naturel, familier sur lequel le poète parle » ; la conclusion de ce « désespoir du traducteur » est qu’il impossible de restituer la forme qui fait la perfection du poème.
Les poèmes de Silvia Härri, sous le titre Il était deux fois, sont loin du monde réel de Jaccottet. Dans "Cache-cache", la réalité bascule avec des « fantômes dans le miroir » ou le rêve de paysages fantastiques, mais n’est visible qu’un « reflet fatigué ». Une chambre a conservé des traces de celles qui l’ont occupée, « il y a les signes de ces autres / gravés dans la mémoire des murs » et « en vain te cherchons-nous / tu es comme //effacée ». Une clinique est très particulière, médecins, infirmières et même médicaments, tout y est faux : « carnaval d’êtres flottants », et il faudra jouer la malade. Dans cet univers, quelle vérité derrière les masques ? peut-être faut-il regarder « les traces de neige / dehors, elles fondent à vue d’œil sur l’herbe délavée ».
Nous restons dans un climat d’étrangeté qui transforme la réalité quotidienne avec L’immédiateté seconde de Laurent Cennamo. C’est une fourmi rouge qui, « du haut du ciel », estime que les humains sont fous et c’est sans doute par allusion à Lautréamont que le jugement esthétique prend une référence singulière, « Beau / Comme un chat coupé en deux / Sur les rails d’un train ». "Il" se revoit au milieu des livres, « île » d’une librairie, un yucca « apparaît quand il tousse » et « Disparaît dans une trappe, Quand il pousse, trois fois, / Sur la petite manette / Dans son dos ». Et la littérature, plus que l’actualité (Lady Gaga), très présente avec des noms, Ulysse, Proust, le chef-d’œuvre inconnu de Balzac, Dante.
Dans les Produits dérivés, sonnets non rimés de Dominique Quélen, le lecteur rencontre des descriptions de photos, chaque fois « morceau [découpé] dans le réel ». Il s’agit toujours de personnes disparues, coureurs à l’arrêt, père et oncle jeunes impossibles à reconnaître, personnages qui semblent déjà morts. « On fait de ces objets le reflet des noms qui les / désignent dans un langage où ils n’existent plus ». L’essai de restituer quelque chose de ce monde d’hier s’effectue avec un travail sur la syntaxe qui demande (heureusement…) au lecteur de reconstruire chaque phrase.
Samuel Brussell raconte comment il en est venu à traduire Anna Maria Bacher, qui écrit dans le dialecte de la vallée de Formazza, parcours d’un traducteur qui retient le lecteur autant qu’une fiction. Dans presque tous les poèmes, on passe de la mélancolie, de la tristesse, de la difficulté de vivre à un goût retrouvé de continuer. Il faut « reprendre la vie » et formuler le vœu qu’avec l’an nouveau on pourra « recouvrir [s]es vieilles misères », que l’on connaîtra la paix du printemps « pendant que pousse l’herbe ». Il s’agit chaque fois de vivre un lien fort à la nature environnante, et même aux variations du temps avec une injonction à la brume « emporte avec toi / la tristesse des hommes ». Après les jours sombres vient toujours le temps de la lumière.
Le plaisir de la lecture d’une revue comme La revue de belles-lettres est de savoir qu’il faudra y revenir plusieurs fois. Dans cette livraison, le lecteur apprend sur l’activité de traduction, découvre ou relit de nombreux poètes et prosateurs, plusieurs n’étant pas présentés dans cette brève chronique, dont Sophie Loiseau, Pierre-Alain Tâche, Valérie Rouzeau, Luba Jurgenson, Jean-Pierre Burgart, Alexey Voïnov, le photographe Thierry Cardon.
La revue de belles-lettres, 2025, 1, Traversées de Philippe Jaccottet, 216 p. Cette recension a été publiée dans Sitaudis le 8 octobre 2025.
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22/10/2025
Philippe Jaccottet, Autres journées

Loriot : oiseau lié au soleil de huit heures du matin, aux ombres encore longues dans les vergers, les truffières.
Les engoulevents sont déjà repartis : brefs compagnons. Messagers ponctuels du crépuscule, avec leur bruit d'horloge de bois. Messagers de l'entre-deux, entre ciel et terre, entre jour et nuit — au ras de la cime des arbres.
Il y a une décantation qui se produit, en même temps qu'il fait plus sombre peu à peu — et c'est alors que paraît cet oiseau couleur d'ombre, plutôt paisible, flottant, autour duquel plus ou moins vainement je tourne. Comme un morceau de nuit, découpé dans son étoffe.
Quand la fumée brillante du jour se dissipe.
Travail au jardin, sous un temps doux, ciel pâle. Pas une feuille nouvelle, sinon celles, infimes, de la spirée. Le rouge-gorge, le « cravaté de rouge» d'Emily Dickinson si cher à Roud dans sa vieillesse, par moments semble accompagner mon travail ou même s'y intéresser, tant il est proche ; petit piéton plutôt qu'oiseau, presque toujours à picorer dans la terre.
Aube d'octobre
Il fait un peu plus froid.
Le rouge-queue chante dans l'aube qui se dissipe.
C'est comme si chantait un charbon.
En plein midi, soudain, deux martinets très haut dans le ciel à côté d'un nuage en forme de tour blanche, légère — comme je ne sais quelle apparition foudroyante, énigmatique, ou quelle mesure de la hauteur de l'air, quelle révélation de l'espace aérien, quelle flèche de fer dans le cœur. Une joie bizarre, d'à peine une seconde — et en me relisant, je me rappelle le gerfaut des Solitudes, « scandale bizarre de l'air » —, une lettre tracée sur le bleu puis effacée, un trait — ou le crochet d'un hameçon ? Sait-on qui a pu vous ferrer ainsi ?
La fauvette dans le tilleul : chant extraordinairement, mystérieusement clair, comme s'il traversait, transperçait une enveloppe, franchissait une limite.
Fauvette
dernier oiseau parleur en plein été
de quoi me parles-tu ainsi de loin en loin
dans le feuillage du tilleul ?
De quoi peut donc parler voix si limpide ?
Philippe Jaccottet, Autres journées, Fata Morgana,
1987, p. 15, 19, 28, 34, 46, 82, 88.
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03/05/2025
Philippe Jaccottet, La Semaison

Pluie oblique, changeante, passante ou fuyante ; bruit d’une machine indéterminée, peut-être dans les champs. Journées encore presque froides, méchantes. Le bruit des voitures est aussi comme celui d’une machine, d’un outil qui s’enfoncerait dans la matière de l’air pour lr percer.
Des paroles brèves comme une rapide pluie. Comme ces lignes qu’elle laisse sur la vitre un instant, brillantes, étoilées, et pourtant chaque perle, chaque goutte a son nœud d’ombre. Derrière l’astre des larmes, l’herbe encore un peu plus verte, et une multitude analogue dans le nid des arbres. Une fumée bleue comme les lointains.
Philippe Jaccottet, La Semaison dans, Œuvres, Pléiade/Gallimard, 2014, p. 353
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02/05/2025
Philippe Jaccottet, Airs

Dans l’herbe à l’hiver survivant
ces ombres moins pesantes qu’elle,
des timides bois patients
sont la discrète, la fidèle,
l’encore imperceptible mort
Toujours dans le jour tournant
ce vol autour de nos corps
Toujours dans le champ du jour
ces tombes d’ardoise bleue
Philippe Jaccottet, Airs, dans Œuvres,
Pléiade/Gallimard, 2014, p. 422.
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30/04/2025
Philippe Jaccottet, Dans le ciel...

Les couleurs graves des fins d’après -midi, l’hiver : le brun qui tire sur le fauve, le pourpre, le violet ; le vert très sombre, les lointains bleus ; et aujourd’hui, entre l’horizon et de longs nuages peut-être chargés de neige, un morceau de ciel si clair qu’il en paraît juvénile ou angélique. L’enclos du grand jardin avec ses murs couverts de lierre donne toujours un même conseil de calme, de patience, de confiante attente.
Autre « Chambre des époux » fidèles, avec à la voûte cette couronne légère, cette baie d’air animée par de rares nuages pareils à des roses. Comme si l’on embrassait d’un même regard la navigation, là-haut, et tout en bas l’heureuse rumeur du port.
Philippe Jaccottet, Dans le ciel…, dans Œuvres, Pléiade/Gallimard, 2014, p. 765.
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27/04/2025
Philippe Jaccottet, Observations I

Le vingt-huit novembre au matin, comme je passais le pont du Carrousel, une brume sans aucun poids ni moiteur (le ciel au zénith étant clair) enveloppait encore la Seine, le Louvre, la passerelle des Arts et au moins la base de l’Île. Ni la Tour Saint-Jacques, ni le City-Hôtel, ni le Vert Galant n’existaient plus qu’une âme endormie. Un soleil parfaitement rouge apparut dans leur rêve et roula, par-dessus les toits du Louvre jusque sur le jardin qu’ils encadrent.
Philippe Jaccottet, Observations I, dans Œuvres, Pléiade/Gallimard,
2014, p. 32.
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10/11/2024
Philippe Jaccottet, Airs

Qu’est-ce que le regard ?
Un dard plus aigu que la langue
la course d’un excès à l’autre
du plus profond au plus lointain
du plus sombre au plus pur
un rapace
Philippe Jaccottet, Airs, dans
Œuvres, Gallimard, Pléiade, 2014, p. 427.
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09/11/2024
Philippe Jaccottet, Leçons

Toi cependant,
ou tout à fait effacé
et nous laissant moins de cendres
que feu d’un soir au foyer,
ou invisible habitant l’invisible,
ou graine dans la loge de nos cœurs,
quoi qu’il en soit,
demeure en modèle de patience et de sourire,
tel le soleil dans notre dos encore
qui éclaire la table, et la page, et les raisins ?
Philippe Jaccottet, Leçons, dans Œuvres,
Gallimard, Pléiade, 2014, p. 460.
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08/11/2024
Philippe Jaccottet, Airs

Qu’est-ce que le regard ?
Un dard plus aigu que la langue
la course d’un excès à l’autre
du plus profond au plus lointain
du plus sombre au plus pur
un rapace
Philippe Jaccottet, Airs, dans
Œuvres, Gallimard, Pléiade, 2014, p. 427.
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07/11/2024
Philippe Jaccotet, L'Ignorant

Chanson
Qui n’a vu monter ce rire
comme du fond du jardin
la lune encore peu sûre ?
Qui n’a vu s’ouvrir la porte
au bout de l’allée de pluie ?
(Ah ! qui entre dans cette ombre
ne l’oublie pas de sitôt !)
Les bras merveilleux de l’herbe
et ses ruisselants cheveux,
la flamme, du bois mouillé
tirant rougeur et soupirs…
(Qui s’enfonce dans cette ombre
ne l’oubliera de sa vie)
Qui ‘a vu monter ce rire…
Mais toujours vers nous tourné,
on ne peut qu’appréhender
sa face d’ombre et de larmes.
Philippe Jaccottet, L’Ignorant, dans
Œuvres, Gallimard, Pléiade, 2014, p. 147.
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06/11/2024
Philippe Jaccottet, Observations, I

L’amour lui-même ne doit-il pas être absolument sans but ? Ainsi une sorte de bonheur semblerait possible même dans les plus dures conditions.
La lumière du monde n’est pas moins pure qu’au temps des Grecs ; mais moins proche, et nos paroles moins limpides. Il es inquiétant de songer à cette évolution.
La vanité est tressée dans la littérature. Elle détruit. Bonheur de la naïveté.
Pas de hâte. On est toujours trop pressé. La source est bien gardée : que de contes nous l’ont dit ! Ce n’est pas encore aujourd’hui que tu dissiperas l’obscurité qui t’entoure, que tu deviendras le compagnon des oiseaux.
Philippe Jaccottet, Observations I, Gallimard, Pléiade, 2014, p.44, 46, 56, 62.
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05/11/2024
Philippe Jaccottet, L'Effraie et autres poésies

Les eaux et les forêts
I
La clarté de ces bois en mars est irréelle,
tout est encore si frais qu’à peine insiste-t-elle.
Les oiseaux ne sont pas nombreux ; tout juste si,
très loin, où l'aubépine éclaire les taillis,
le coucou chante. On voit scintiller des fumées
qui emportent ce qu’on brûla d’une journée,
la feuille morte sert les vivantes couronnes
et, suivant la leçon des plus mauvais chemins
sous les ronces, on rejoint le nid de l’anémone,
claire et commune comme l’étoile du matin.
Philippe Jaccottet, L’Effraie et autres poésies, dans
Œuvres, Gallimard, Pléiade, 2014, p. 20.
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22/05/2023
Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux

Tous les blés flambent
et la brève alouette est un fragment ascendant de ce feu.
Elle ne gravit tous les paliers de l’air
que parce que le sol est trop brûlant.
Il est une beauté que les yeux et les mains touchent
et qui fait faire au cœur un premier degré dans le chant.
Mais l’autre se dérobe et il faut s’élever plus haut
jusqu’à ce que nous autres ne voyions plus rien,
la belle cible et le chasseur tenace
confondus dans la jubilation de la lumière.
Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux,
Gallimard, 2021, p. 30.
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08/03/2023
Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux

Tous les blés flambent
et la brève alouette
est un fragment ascendant de ce feu.
Elle ne gravit tous les paliers de l’air
que parce que le sol est trop brûlant.
Il est une beauté que les yeux et les mains touchent
et qui fait faire au cœur un premier degré dans le chant.
Mais l’autre et dérobe et il faut s’élever plus haut
jusqu’à ce que nous autres ne voyions plus rien,
la belle cible et le chasseur tenace
confondus dans la jubilation de la lumière.
Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux,
Gallimard, 2021, p. 30.
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07/03/2023
Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux

En écoutant Claudio Monteverdi
On croirait, quand il chante, qu’il appelle une ombre
qu’il aurait entrevue un jour dans la forêt
et qu’il faudrait, fût-ce au prix de son âme, retenir :
c’est par urgence que sa voix prend feu.
Alors , à sa lumière d’incendie, on aperçoit :
une pré nocturne, humide, et par-delà
où il avait surpris cette ombre tendre,
ou beaucoup mieux et plus tendre qu’une ombre :
Il n’y a plus que chênes et violette maintenant.
La voix qui a illuminé la distance retombe.
Je ne sais pas s’il a franchi le pré.
Philippe Jaccottet, Le dernier livre de Madrigaux,
Gallimard, 2021, p. 9.
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