Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/12/2015

Paysages et ciels d'automne

DSC_0015.jpg

DSC_0012.jpg

DSC_0022.jpg

DSC_0020.jpg

30/11/2015

Paysages d'hiver

DSC_0057.jpg

IMG_0001.jpg

DSC_0015.jpg

17/11/2015

Charlotte Delbo, Une connaissance inutile, II

                                              3235929_3_49b8_charlotte-delbo-en-1950_526eb9fe634ed613370db20c4c6167a4.jpg

   Nous y [le laboratoire] étions bien parce que nous pouvions nous laver, avoir des robes propres, travailler à l’abri. La culture du kok-saghyz* ne donnerait pas de résultat avant 1948, la guerre serait finie. Nous étions loin du camp, nous n’en sentions plus l’odeur. Nous ne voyions que la fumée qui montait des fours crématoires. Quelquefois le feu était si fort que les flammes jaillissaient des cheminées, immenses, jusqu’au ciel. Le soir, cela faisait à l’horizon un rougeoiement de hauts fourneaux. Nous savions que ce n’étaient pas des hauts fourneaux. C’étaient les cheminées des fours crématoires, c’étaient des gens qu’on brûlait. Il était difficile d’être bien et de ne pas penser jour et nuit à tous ces gens qu’on brûlait jour et nuit — par milliers.

 

Charlotte Delbo, Une connaissance inutile, II, éditions de Minuit, 1970, p. 74-75.

 

* variété de pissenlit dont la racine pouvait servir à fabriquer du caoutchouc.

 

13/11/2015

Brume du matin dans un chemin

 

 

art roman

08/11/2015

Jerome Rothenberg, Journal Seneca

                                                          timthumb.jpg

                                                                   Serpent

 

Les goitres n’étaient pas fréquents dans le coin, mais sa fille en avait un. Il gonflait son cou et faisait saillir ses yeux comme ceux d’une grenouille. Un jour, il l’emmena là où il avait vu un serpent noir dans les bois. Assurément, il était là. Il dit à sa fille de ne pas bouger et il demanda au serpent de s’approcher — ce qu’il fit. Sans bouger aucunement, elle le laissa grimper le long de sa jambe et lui entourer la taille au point qu’elle avait du mal à respirer. Alors l’homme s’approcha et toucha la queue du serpent. Il ressentit son pouvoir dans sa main et il lui parla. Il lui dit que si lui, le serpent, voulait les aider, il le laisserait repartir. Après qu’il fut retombé de la taille de la fille, l’homme prit son couteau et fit une entaille circulaire à la base de la tête du serpent. Il décolla la peau, laissa tomber son couteau et tira sur la vieille peau pour la libérer. Ce soir-là, l’homme ordonna à sa fille de porter autour du cou la peau du serpent. Lorsqu’il fit sombre, elle le sentit se serrer comme pour lui broyer la gorge. Cependant, le goitre diminuait. Elle garda la peau sur elle pendant plusieurs semaine et finalement le goitre disparut. Elle ne se départit jamais de sa peur des serpents.

 

Jerome Rothenberg, Journal Seneca, traduit par Didier Pemerle, Corti, 2015, p. 65.

06/11/2015

Luc Bénazet et Benoît Casas, Annonce

       casas_nb.jpg                          280x157-kz-.jpg

 

Si nous pouvons une généralité.

Chacun reçoit de l’autre la possibilité de ne pas dire le soi individuel. Ainsi, improprement. Ainsi, chacun va avec les bandes d’un autre, car elles lui sont données vides,— à l’instant d’aller. De dire. Est également certain le moment opportun, — le point d’arrêt. Si chacun peut ne pas être substitué. Si chacun peut ne pas être à la place d’un autre.

Chacun reçoit la possibilité de dire une phrase de l’écoute anticipée qu’il peut,— de l’écoute d’une phrase d’un autre. Certain que telle phrase, autre, aura son déroulement. Au moment opportun. À la fin de la phrase que chacun dit.

 

Luc Bénazet et Benoît Casas, Annonce, Héros-Limite, 2015, p. 28.

                                             

 

 

 

11/10/2015

Volney, Les Ruines : Palmyre

                                         Palmyre.jpg

         Frontispice de l'édition des Ruines (1791)                             

                                      Palmyre

 

[...] me trouvant rapproché de [la ville] de Palmyre, située dans le désert, je résolus de connaître par moi-même ses monuments si vantés ; et, après trois jours de marche dans des solitudes arides, ayant traversé une vallée remplie de grottes et de sépulcres, tout à coup, au sortir de cette vallée, j’aperçus dans la plaine la scène de ruines la plus étonnante ; c’était une multitude innombrable de superbes colonnes debout, qui, telles que les avenues de nos parcs, s’étendaient, à perte de vue, en files symétriques. Parmi ces colonnes étaient de grands édifices, les uns entiers, les autres à demi-écroulés. De toutes parts la terre était jonchée de semblables débris, de corniches, de chapiteaux, de fûts, d’entablements, de pilastres, tous de marbre blanc, d’un travail exquis. Après trois quarts d’heure de marche le long de ces ruines, j’entrai dans l’enceinte d’un vaste édifice, qui fut jadis un temple dédié au Soleil ; et je pris l’hospitalité chez de pauvres paysans arabes, qui ont établi leurs chaumières sur le parvis même du temple ; et je résolus de demeurer pendant quelques jours pour considérer en détail la beauté de tant d’ouvrage.

 

Volney, Les Ruines, ou Méditation sur les révolutions des empires, Paris, janvier 1791, p. 7-8.

06/10/2015

André Frénaud, Hæres — et : La fin de La Quinzaine littéraire ?

 

Trouvé dans l’héritage

 

Initiales

entrelacées

devenues anonymes

sur les draps du lit

d’un défunt amour

 

Lieu commun

 

Le champ-les-vaches, la vie-la-mort... À la gaieté !

 

André Frénaud, Hæres, Gallimard,

1982, p. 153, 168.

 

Communiqué

La fin de la Quinzaine littéraire ?

Le jeudi 1er octobre, le numéro à venir de La Nouvelle Quinzaine littéraire, journal fondé par Maurice Nadeau en 1966, a été préparé sans la participation de la direction éditoriale, sans que celle-ci soit informée ni du lieu de sa réalisation, ni des textes censés le composer.

Cela fait suite à une succession d’événements qui ont fait exploser la structure du journal. La gérante de la société de la NQL et directrice de la publication, Patricia De Pas, a en quelques jours :

  • -  annoncé une restructuration globale du journal et de ses orientations éditoriales ;

  • -  évincé la direction éditoriale formée de Jean Lacoste, Pierre Pachet et Tiphaine

    Samoyault qui avaient été cooptés par l’ensemble des collaborateurs du journal à la mort de Maurice Nadeau en 2013 ;

  • -  annoncé un déménagement imminent (qui n’a de fait pas encore eu lieu) pour imposer des réunions dans des locaux dépendant de l’Université Paris II Assas 

  • -  mis fin par mail à sa collaboration avec Hugo Pradelle, qui représentait La Nouvelle Quinzaine littéraire à l’extérieur et qui était l’un des seuls postes rémunérés du journal.

    Les collaborateurs, réunis en assemblée le 30 septembre, ont fait part à Patricia De Pas de leur inquiétude face à la rapidité et à la violence de ces changements, ont posé des questions sur les nouvelles orientations du journal et ont marqué leur scepticisme face à un projet préparé sans concertation et dans la précipitation. Ils ont réaffirmé leur soutien à la direction collégiale qu’ils ont choisie.

    Patricia De Pas, en 2013, avait repris les actifs de la société en faillite de la Quinzaine littéraire. Elle avait pu fonder une nouvelle société dont elle est l’actionnaire majoritaire et dont l’actionnaire minoritaire est la Société représentant les lecteurs ayant répondu à l’appel lancé par Maurice Nadeau juste avant sa mort pour sauver le journal.

    Pendant deux ans, Patricia De Pas s’est occupée de la gestion administrative et commerciale de la NQL, qui continuait à être entièrement réalisée par les collaborateurs et la direction éditoriale (tous bénévoles). Elle a marqué depuis quelques jours son intention d’intervenir personnellement dans la ligne éditoriale et les contenus du journal.

    La grande majorité des collaborateurs s’apprête à réagir collectivement, moins contre ces projets qui pourraient être discutés, que contre des procédés qui rompent avec les pratiques de collaboration amicale qui les ont réunis autour de Maurice Nadeau au long des années, et avec les promesses de gestion transparente et de respect des règles de droit que Patricia De Pas avait elle-même avancées.

    Tiphaine Samoyault, Pierre Pachet, Jean Lacoste

26/09/2015

Édouard Levé (1965-2007), Œuvres

                                                autoportrait.jpg

1. Un livre décrit des œuvres dont l’auteur a eu l’idée, mais qu’il n’a pas réalisées.

 

3. La tête de Proust est dessinée sur une page d’À la recherche du temps perdu. Les mots que raye le contour de son visage forment une phrase grammaticalement correcte.

 

57. Un homme tient dans la main gauche Les Fleurs du Mal et dans la main droite un manuel de savoir-vivre du dix-neuvième siècle. Il lit à voix haute en prélevant aléatoirement des mots dans les deux livres, et s’efforce de formuler des phrases grammaticalement correctes.

 

425. Une voix fait le récit de la réalisation d’une œuvre non réalisée, comme si elle l’avait été : amonceler des pipettes dans el désert du Sahel.

 

Édouard Levé, Œuvres, P.O.L, 2015, p. 7, 7, 57 et 144.

 

 

13/09/2015

Jules Renard, Journal, 1887-1910

                                                  742030.jpg

 

Il lisait un livre. Il voulait être célèbre comme l’auteur et, pour cela, travailler de l’aube à la nuit ; puis, ayant pris fermement cette résolution, il se levait, allait se promener, faire un tour, souffler.

 

S ! l’inspiration existait, il faudrait ne pas l’attendre ; si elle venait, la chasser comme un chien.

 

La peur de l’ennui est la seule excuse du travail.

 

Amitié, mariage deux êtres qui ne peuvent pas coucher ensemble.

 

La mort des autres nous aide à vivre.

 

Lire toujours plus haut que ce qu’on écrit.

 

Jules Renard, Journal, 1887-1910, édition Léon Guichard et Gilbert Sigaux, Pléiade / Gallimard, 1965, p. 130, 133, 134, 136, 136, 145.

 

16/08/2015

JUles Renard, Journal

                     Jules+Renard+.jpg

Formules pour accuser réception des livres :

— Voilà un livre qui est bien à vous, cher ami, et je suis heureux de vous le dire.

— Merci ! J’emporte votre livre à la campagne. Je le lirai sous les arbres, au bord de l’eau, dans un décor digne de lui.

 

Il n’y a aucune différence entre la perle vraie et la perle fausse. Le difficile, c’est d’avoir l’air désolé quand on casse ou qu’on perd la perle fausse.

 

L’homme vraiment libre est celui qui sait refuser une invitation à dîner, sans donner de prétexte.

 

Lis toutes les biographies des grands morts, et tu aimeras la vie.

 

Comme on serait meilleur, sans la crainte d’être dupe !

 

Jules Renard, Journal, texte établi par Léon Guichard et Gilbert Sigaux, Pléiade / Gallimard 1961, p. 292, 294, 300, 302, 313

 

13/08/2015

Michel Leiris, Nuits sans nuit et quelques jours sans jour

Michel-Leiris_medium.jpg

                  (1936)

 

23 avril 1934

 

   Cette femme dont je suis amoureux et moi, nous suivons notre histoire dans une publication hebdomadaire illustrée destinée aux enfants. Chaque semaine, nous achetons un fascicule et, dans les petits blocs de textes comme dans la suite d’images qu’ils commentent, nous trouvons décrit tout ce que nous ferons.

 

 

8-9 mai 1934

 

   Le même très jeune femme et moi, nous nous résentons dans une école, sans doute pour en devenir les élèves. C’est une villa avec jardin. On nous introduit dans une sorte de paillotte circulaire à toit conique (telle que j’en ai vu au Soudan) : chenil où des bêtes de toutes races sont couchées dans la paille. Un portier ( ?), probablement nègre, en uniforme et coiffé d’une casquette de marine, nous dit que c’est là que nous habiterons. Nous devons coucher sous les chiens.

 

Michel Leiris, Nuits sans nuit et quelques jours sans jour, Gallimard, 1961, p. 116 et 117.

19/07/2015

Canaux à Venise

Venise.jpg

 

Venise, 2.jpg

 

Venise, 3.jpg

 

Venise, 4.jpg

 

Venise, 5.jpg

30/06/2015

Brume du matin

Brume du matin.jpg

Brume au-dessus de la vallée

 

DSC_0001.JPG

Brume sur la forêt

 

DSC_0063.JPG

Brume en Aveyron

06/06/2015

Jules Renard, Le petit bohémien

                               jules-renard.jpg

 

                                    Le petit bohémien

 

   En sortant de l’épicerie du village, avec une bouteille, il courut après des moutons que leur berger ramenait à la ferme. Il ne dit rien à ce berger qui avait la tête de plus que lui et n’aurait pas répondu, mais il suivit le troupeau et s’en occupa, de loin, comme un second berger.

   Quand une brebis restait en arrière, c’était sa part : il pouvait la flatter, tremper ses doigts dans sa laine, lui parler en maître jusqu’à ce que le chien vint la reprendre.

   À la porte de la bergerie, le petit bohémien fut sérieusement utile.

   Les agneaux nouveaux-nés, qui n’avaient pas vu leur mère de la soirée, se précipitaient dehors, sous elles. Il les aida à retrouver chacun la sienne. Il en sépara deux qui s’obstinaient à donner des coups de tête au même ventre. Il en rattrapa un autre qui, joyeux d’être libre, oubliait de téter et bondissait imprudemment vers la mare.

   Puis, pour sa récompense, le petit bohémien voulut pénétrer dans la bergerie. Il se croyait chez lui. Mais le berger lui ferma au nez le bas de la porte divisée en deux parties. Le petit bohémien posa à terre sa bouteille, se pendit à la porte basse, et regarda par-dessus. Ses yeux essayaient de percer l’ombre.

   Il n’eut pas le temps de se fatiguer les poignets. Le berger, sa besogne terminée, ressortit, ferma cette fois la porte tout entière, le haut et le bas, au verrou, et s’en alla du côté de la soupe, avec son chien.

   Le petit bohémien qui le suivait encore, le vit entrer dans la maison et s’asseoir près des autres domestiques, à la table commune. Il resta seul au milieu de la cour.

   Personne ne faisait attention à lui, et la fermière ne se dérangea pas pour le chasser.

Il renifla fortement et revint à la bergerie coller son oreille à la porte. Les agneaux calmés se taisaient un à un. Il s’assura que le verrou extérieur était bien poussé, et par précaution chercha une grosse pierre afin de caler la porte. Cela fait, n’imaginant plus rien à faire, il reprit sa bouteille et se décida à quitter la ferme.

   C’est à ce moment qu’il aperçut un monsieur sur la route. Il ôta ses sabots, mit ses mains dedans, et pieds nus, rattrapa vite le monsieur.

   Il ne me dit pas bonjour.

[...]

   Je parlai le premier et lui dis :

« Qu’est-ce qu’il y a de jaune dans ta bouteille « 

— De l’huile et du vinaigre que j’ai achetés à l’épicerie.

— Pour mettre dans ta salade ?

— Dame ! pas dans ma soupe.

[...]

 

Jules Renard, Le Vigneron dans sa vigne, dans Œuvres I, textes établis par Léon Guichard, Pléiade / Gallimard, 1970, p. 820-821.