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03/05/2023

Reinhard Priessnitz, 44 poèmes, poésie complète

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une semblable, longtemps après

 

du ciel tombe la neige, désolation,

là tombent tes effets en flocons, adoration,

ils sont à terre dans le trou de ce vers

là entre mes deux socquettes l’air se réchauffe,

là mes trous de socquettes  deviennent trop petits

là je fonce tel un coq écorché vers un rêve

où s’époumonne une poule : c’est mon ode d’antan ;

mais son brio me semble là si minable,

que le ciel s’abat sur moi en éclats de vers.

 

Reinhard Priessnitz, 44 poèmes, poésie complète,

traduction Alain Jadot, NOUS, 2015, p. 79.

17/11/2022

Jacques Roubaud, Autobiographie, chapitre dix

             

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                     La mémoire

 

ma mémoire se brouille souvent,

la neige incessante des sensations recouvre de son grand

silence blanc les pistes plus anciennes.

Avec quelle bêche creuserai-je ce manteau pour découvrir

sans les effacer les traces du renard de la jeunesse ?

Alors, je pisse dedans.

 

Jacques Roubaud, Autobiographie, chapitre dix, Gallimard, 1977,

p. 114.

 

24/12/2021

Esther Tellermann, Un versant l'autre

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Partie de toi me

laisse

     l’autre encore

est étincelle

     d’un point

où pousse l’hibiscus

un jour écorché

miettes de paroles

comme neige

halos de lunes

et obsidiennes

en mots simples

voulions

     advenir

 

Esther Tellermann, Un versant l’autre,

Flammarion/Poésie, 2019, p. 69.

25/11/2021

Pierre Chappuis, En bref, paysage

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Les arbres et leurs ombres : imbriqués mais droits

— des sapins —, rangs serrés, à gagner, regagner du

terrain sur la neige.

 

À la nuit reprendra ses positions avancées.

 

 

Ciel bas, assombri, lourd à nos épaules — si tant est

que... —

 

 

Me tient captif, de si loin, cette prairie enneigée

resserrée sur elle-même, si haut juchée à flanc de

coteau.

 

Pierre Chappuis, En bref, paysage, Corti, 2021, p. 43.

26/07/2020

André Frénaud, HÆRES

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Mais qui a peur ?

 

Les arbres mouillés,

les armes rouillées,

l’astre dérobé,

le cœur engourdi,

chevaux encerclés,

château disparu,

forêt amoindrie,

accès délaissé,

lisière éperdue,

source dessaisie,

 

— La neige sourit.

 

André Frénaud, HÆRES,

Poésie/Gallimard, 2006, p. 147.

14/12/2019

Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière

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                La neige

 

Elle est venue de plus loin que les routes,

Elle a touchz le pré, l’ocre des fleurs,

De notre main qui était en fumée,

Elle a vaincu le temps apr le silence.

 

Davantage de lumière ce soir

À cause de la neige.

On dirait que des feuilles brûlent, devant la porte,

Et il y a de l’eau dans le bois qu’on rentre.

 

Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière, Poésie/Gallimard,

2007, p. 67.

23/10/2019

Issa, Sous le ciel de Shinano

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mon éventail

rien que de la prendre en main

et de nouveau j’ai envie de partir

 

herbes échevelées

le froid se sent

rien qu’à vue d’œil

 

nuit d’automne

le papier troué d’une cloison

joue de la flute

 

juste de quoi faire un feu

les feuilles mortes

que le vent m’a apportées

 

la neige doucement descend

qui urait encore le cœur de rire

sous le ciel de Shinano

 

Issa, Sous le ciel de Shinano,

traduction Alain Gouvret et

Nobuko Imamura,Arfuyen, 1984, np.

 

17/09/2019

Pierre Reverdy, La lucarne ovale

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En ce temps-là le charbon était devenu

aussi précieux et  rare  que  des pépites

d’or et j’écrivais  dans un  grenier où la

neige, en tombant par les fentes du toit,

devenait bleue.

 

Pierre Reverdy, La  lucarne ovale dans Œuvres

complètes, I, édition É.-A. Hubert, Flammarion,

2010, p. 77.

19/02/2019

Pierre Chappuis, Pleines marges

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Pleines marges

 

Toute le nuit

est resté ouvert

sur une page blanche

le calepin noir

 

Au matin, la neige.

 

                             (hiatus)

 

Tels,

dans le lit même de l’hiver,

les galets que remue une eau imaginaire.

 

Tel

que semble cesser,

prisonnier du gel,

le vacarme harassant de la route.

 

                               (espace muet)

 

La plaine sous des amas de brume ;

le regard tranché par la bise.

 

Alentours en fuite.

 

Pierre Chappuis, Pleines marges, suivi de

L’Autre, le Même, éditions d’en bas,

Lausanne, 2017, p. 8, 10 et 12.

 

 

 

22/01/2019

Philippe Jaccottet, À la lumière d'hiver

 

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Sur tout cela maintenant je voudrais

que descende la neige, lentement,

qu’elle se pose sur les choses tout au long du jour

—   elle qui parle toujours à voix basse —

et qu’elle fasse le sommeil des graines,

d’être ainsi protégé, plus patient.

 

Et nous saurions que le soleil encore,

cependant, passe au-delà,

que, si elle se lasse, il redeviendra même un moment

visible, comme la bougie derrière son écran jauni.

 

Alors, je me ressouviendrais de ce visage

qui demeure, lui aussi, derrière

la lente chute des cristaux humides,

qui change, avec ses yeux limpides ou en larmes,

impatiemment fidèles...

Et, caché par la neige,

de nouveau, j’oserais louer leur clarté bleue.

 

 

Fidèles yeux de plus en plus faibles jusqu’à

ce que les miens se ferment, et après eux, l’espace

comme un éventail peint dont il ne resterait plus

qu’un frêle manche d’os, une trace glacée

pour les seuls yeux sans paupières d’autres astres.

 

Philippe Jaccottet, À la lumière d’hiver, précédé de 

Leçons et de Chants d’en bas, Gallimard, 1977, p. 96-97.

08/02/2018

Michel Bourçon, À l'arbre que l'on devient

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Nulle empreinte dans cette nuit éblouissante, un val où se perdre dans le noir ponctué de réverbères, ce véhicule de chair dans lequel rien ne bat, l’oubli du sang en ses veines, solstice hivernal du cœur.

 

Par la fenêtre, parmi le balancement des arbres chahutés par le vent, il y a le livre qui attend d’être écrit, on distingue parmi les branches, la silhouette d’un poème, à pas menus, à pas comptés, se découvre et capitule en souriant au vainqueur.

 

Dans le jour de neige, seuls les flocons savent ce qu’ils font, pas une aile au ciel pour déchirer le blanc, les mots tourbillonnent en tête et se poseront ailleurs, pas sur la page où un feutre noir repose comme pain sur la planche.

 

Michel Bourçon, À l’arbre que l’on devient, le phare du cousseix, 2017, p. 3.

06/08/2017

René Char, Les voisinages de Van Gogh

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Demi-jour en Creuse

 

Un couple de renards bouleversait la neige,

Piétinant l’orée du terrier nuptial ;

Au soir le dur amour révèle à leurs parages

La soif cuisante en miettes de sang.

 

René Char, Les voisinages de Van Gogh, Gallimard, 1985, p. 20.

28/05/2017

Boris Pasternak, L'an 1905

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           L’an 1905

 

Dans notre prose pleine de laideur

Dès octobre, l’hiver se glisse.

Le rideau du ciel de ses franges

Vient frôler la terre.

 

Prémices de neige, confuse encore,

Encore subtile, troublante comme un message,

Dans la nouveauté céleste de ce jour

Révolution, tu es là tout entière.

 

Jeanne d’Arc des bagnes de Sibérie,

Captive et chef, tu es de celles

Qui se jetaient dans le puits de la vie

Trop ardentes pour mesurer leur élan.

 

Socialiste du crépuscule tu faisais jaillir la lumière

En battant des monceaux de briquets

Tu sanglotais, et ton regard de basilic

Nous illuminait et nous glaçait à la fois.

 

Absorbée par le grondement des champs de tir

Qui là-bas, au loin, s’éveillaient

Tu faisais vaciller les feux dans la solitude

Comme si la rue tournoyait autour de ta main.

 

Et dans l’égarement des flocons noceurs

Toujours le même geste fier de refus

Tel un artiste rongé par le doute

Tu t’écartes des triomphes.

 

Tel un poète, la pensée consumée,

Tu marches pour oublier.

Tu ne fuis pas seulement les gros écus

Mais tout le mesquin te répugne aussi.

 

Boris Pasternak, L’an 1905, Debresse, traduction

Benjamin Goriely, 1958, p. 27-28.

28/02/2016

James Sacré, Figures qui bougent un peu, et autres poèmes

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                            Figure 9

 

La nuit la neige ou presque la nuit le soir

les arbres immobiles qui sont dedans, les talus hauts

les maisons ou rien que des vieux hangars sont allongés là contre

j’aimerais penser à d’autres lieux que j’aime

aussi dans un soir d’hiver avec des traces de neige

elle se défait plus vite dans le coin des prés

ça ne change pas grand chose au paysage d’aujourd’hui

c’est à la fin la seule solitude qui vient

la nuit se fait.

 

Je l’entends venir de très loin je suis debout dedans la nuit

le vent bouge un peu il y a le chaud d’une bête pas loin

autrefois est-ce que c’était pas la solitude qu’on croyait d’aujourd’hui

qui faisait comme du silence et l’illusion d’un espace grand ?

il n’y a presque rien maintenant

la neige est noire on n’entend plus rien.

 

Bien sûr dans ces limites mal tracées que fait la nuit

avec les prés ceux touchant les derniers toits de la ferme

avec les arbres soudain grands les buissons noirs

on peut laisser se perdre la peur et l’imagination

c’est quand même le cœur battant les fesses

un peu serrées qu’est-ce que j’attends c’est pas

besoin d’en dire la solitude a le sourire

de ce qu’on veut le temps aussi

la nuit continue touche-t-elle vraiment les branches de ce poème ?

 

James Sacré, Figures qui bougent un peu, et autres poèmes, préface d'Antoine Emaz, Poésie / Gallimard, 2016, p. 42-43.

26/12/2015

Jacques Réda, Recommandations aux promeneurs

 

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                                        Éloge de la pluie

                                            Généralités

 

   Ayant eu l’intention de traiter des divers types d’intempéries, il m’a semblé que la pluie les résumait suffisamment. Pour le plaisir que j’en escompte, il est préférable en effet de ne pas circuler sous d’abondantes chutes de neige ou par grands froids. Je ne suis pas anachronique au point d’ignorer ce qu’on appelle le ski de fond, par exemple, mais je crois comprendre qu’il s’agit d’une distraction athlétique peu dans mes goûts. Et je ne saurais puiser que dans le trésor de mon expérience. Enhardi par la précocité fallacieuse de certains printemps, il m’est bien arrivé de me lancer à l’étourdie sur des routes ronflantes comme des meules à aiguiser la bise et d’y perdre l’équilibre dans des combes laquées par le verglas. C’est une situation désagréable quand la fierté s’en mêle et qu’on refuse d’abandonner. Mais je ne veux pas aller spontanément au devant d’une défaite rendue fatale par le climat. La seule perturbation atmosphérique qui légitime la fuite (et rien ne prouve, souvent au contraire, qu’elle soir une garantie de salut), c’est l’orage, à propos de quoi il faut se retenir de donner le moindre conseil, il n’en est pas d’indiscutables. Sous une apparence de logique qui le fait monter, éclater, passer, s’éloigner dans le meilleur des cas (parce qu’il n’est pas rare qu’il tourne en rond ou qu’il s’installe), l’orage réalise une somme de caprices trop imprévisibles pour qu’on se flatte de le conjurer. [...]

 

Jacques Réda, Recommandations aux promeneurs, Gallimard, 1988, p 43-44.