28/09/2024
Erwann Rougé, Asile
est-ce la neige qui fait si mal
ou prendre un visage
une espèce de neige folle
une coulure de givre mise à bas
goutte après goutte
avec une saveur de craie
ou bien l’ardoise
les flaques de mots
où le gris de neige
et du crayon s’épuisent
Erwann Rougé, Asile, éditons Unes,
2024, p. 82.
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03/05/2023
Reinhard Priessnitz, 44 poèmes, poésie complète
une semblable, longtemps après
du ciel tombe la neige, désolation,
là tombent tes effets en flocons, adoration,
ils sont à terre dans le trou de ce vers
là entre mes deux socquettes l’air se réchauffe,
là mes trous de socquettes deviennent trop petits
là je fonce tel un coq écorché vers un rêve
où s’époumonne une poule : c’est mon ode d’antan ;
mais son brio me semble là si minable,
que le ciel s’abat sur moi en éclats de vers.
Reinhard Priessnitz, 44 poèmes, poésie complète,
traduction Alain Jadot, NOUS, 2015, p. 79.
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17/11/2022
Jacques Roubaud, Autobiographie, chapitre dix
La mémoire
ma mémoire se brouille souvent,
la neige incessante des sensations recouvre de son grand
silence blanc les pistes plus anciennes.
Avec quelle bêche creuserai-je ce manteau pour découvrir
sans les effacer les traces du renard de la jeunesse ?
Alors, je pisse dedans.
Jacques Roubaud, Autobiographie, chapitre dix, Gallimard, 1977,
p. 114.
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24/12/2021
Esther Tellermann, Un versant l'autre
Partie de toi me
laisse
l’autre encore
est étincelle
d’un point
où pousse l’hibiscus
un jour écorché
miettes de paroles
comme neige
halos de lunes
et obsidiennes
en mots simples
voulions
advenir
Esther Tellermann, Un versant l’autre,
Flammarion/Poésie, 2019, p. 69.
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25/11/2021
Pierre Chappuis, En bref, paysage
Les arbres et leurs ombres : imbriqués mais droits
— des sapins —, rangs serrés, à gagner, regagner du
terrain sur la neige.
À la nuit reprendra ses positions avancées.
Ciel bas, assombri, lourd à nos épaules — si tant est
que... —
Me tient captif, de si loin, cette prairie enneigée
resserrée sur elle-même, si haut juchée à flanc de
coteau.
Pierre Chappuis, En bref, paysage, Corti, 2021, p. 43.
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26/07/2020
André Frénaud, HÆRES
Mais qui a peur ?
Les arbres mouillés,
les armes rouillées,
l’astre dérobé,
le cœur engourdi,
chevaux encerclés,
château disparu,
forêt amoindrie,
accès délaissé,
lisière éperdue,
source dessaisie,
— La neige sourit.
André Frénaud, HÆRES,
Poésie/Gallimard, 2006, p. 147.
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14/12/2019
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière
La neige
Elle est venue de plus loin que les routes,
Elle a touchz le pré, l’ocre des fleurs,
De notre main qui était en fumée,
Elle a vaincu le temps apr le silence.
Davantage de lumière ce soir
À cause de la neige.
On dirait que des feuilles brûlent, devant la porte,
Et il y a de l’eau dans le bois qu’on rentre.
Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière, Poésie/Gallimard,
2007, p. 67.
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23/10/2019
Issa, Sous le ciel de Shinano
mon éventail
rien que de la prendre en main
et de nouveau j’ai envie de partir
herbes échevelées
le froid se sent
rien qu’à vue d’œil
nuit d’automne
le papier troué d’une cloison
joue de la flute
juste de quoi faire un feu
les feuilles mortes
que le vent m’a apportées
la neige doucement descend
qui urait encore le cœur de rire
sous le ciel de Shinano
Issa, Sous le ciel de Shinano,
traduction Alain Gouvret et
Nobuko Imamura,Arfuyen, 1984, np.
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17/09/2019
Pierre Reverdy, La lucarne ovale
En ce temps-là le charbon était devenu
aussi précieux et rare que des pépites
d’or et j’écrivais dans un grenier où la
neige, en tombant par les fentes du toit,
devenait bleue.
Pierre Reverdy, La lucarne ovale dans Œuvres
complètes, I, édition É.-A. Hubert, Flammarion,
2010, p. 77.
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19/02/2019
Pierre Chappuis, Pleines marges
Pleines marges
Toute le nuit
est resté ouvert
sur une page blanche
le calepin noir
Au matin, la neige.
(hiatus)
Tels,
dans le lit même de l’hiver,
les galets que remue une eau imaginaire.
Tel
que semble cesser,
prisonnier du gel,
le vacarme harassant de la route.
(espace muet)
La plaine sous des amas de brume ;
le regard tranché par la bise.
Alentours en fuite.
Pierre Chappuis, Pleines marges, suivi de
L’Autre, le Même, éditions d’en bas,
Lausanne, 2017, p. 8, 10 et 12.
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22/01/2019
Philippe Jaccottet, À la lumière d'hiver
Sur tout cela maintenant je voudrais
que descende la neige, lentement,
qu’elle se pose sur les choses tout au long du jour
— elle qui parle toujours à voix basse —
et qu’elle fasse le sommeil des graines,
d’être ainsi protégé, plus patient.
Et nous saurions que le soleil encore,
cependant, passe au-delà,
que, si elle se lasse, il redeviendra même un moment
visible, comme la bougie derrière son écran jauni.
Alors, je me ressouviendrais de ce visage
qui demeure, lui aussi, derrière
la lente chute des cristaux humides,
qui change, avec ses yeux limpides ou en larmes,
impatiemment fidèles...
Et, caché par la neige,
de nouveau, j’oserais louer leur clarté bleue.
Fidèles yeux de plus en plus faibles jusqu’à
ce que les miens se ferment, et après eux, l’espace
comme un éventail peint dont il ne resterait plus
qu’un frêle manche d’os, une trace glacée
pour les seuls yeux sans paupières d’autres astres.
Philippe Jaccottet, À la lumière d’hiver, précédé de
Leçons et de Chants d’en bas, Gallimard, 1977, p. 96-97.
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08/02/2018
Michel Bourçon, À l'arbre que l'on devient
Nulle empreinte dans cette nuit éblouissante, un val où se perdre dans le noir ponctué de réverbères, ce véhicule de chair dans lequel rien ne bat, l’oubli du sang en ses veines, solstice hivernal du cœur.
Par la fenêtre, parmi le balancement des arbres chahutés par le vent, il y a le livre qui attend d’être écrit, on distingue parmi les branches, la silhouette d’un poème, à pas menus, à pas comptés, se découvre et capitule en souriant au vainqueur.
Dans le jour de neige, seuls les flocons savent ce qu’ils font, pas une aile au ciel pour déchirer le blanc, les mots tourbillonnent en tête et se poseront ailleurs, pas sur la page où un feutre noir repose comme pain sur la planche.
Michel Bourçon, À l’arbre que l’on devient, le phare du cousseix, 2017, p. 3.
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06/08/2017
René Char, Les voisinages de Van Gogh
Demi-jour en Creuse
Un couple de renards bouleversait la neige,
Piétinant l’orée du terrier nuptial ;
Au soir le dur amour révèle à leurs parages
La soif cuisante en miettes de sang.
René Char, Les voisinages de Van Gogh, Gallimard, 1985, p. 20.
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28/05/2017
Boris Pasternak, L'an 1905
L’an 1905
Dans notre prose pleine de laideur
Dès octobre, l’hiver se glisse.
Le rideau du ciel de ses franges
Vient frôler la terre.
Prémices de neige, confuse encore,
Encore subtile, troublante comme un message,
Dans la nouveauté céleste de ce jour
Révolution, tu es là tout entière.
Jeanne d’Arc des bagnes de Sibérie,
Captive et chef, tu es de celles
Qui se jetaient dans le puits de la vie
Trop ardentes pour mesurer leur élan.
Socialiste du crépuscule tu faisais jaillir la lumière
En battant des monceaux de briquets
Tu sanglotais, et ton regard de basilic
Nous illuminait et nous glaçait à la fois.
Absorbée par le grondement des champs de tir
Qui là-bas, au loin, s’éveillaient
Tu faisais vaciller les feux dans la solitude
Comme si la rue tournoyait autour de ta main.
Et dans l’égarement des flocons noceurs
Toujours le même geste fier de refus
Tel un artiste rongé par le doute
Tu t’écartes des triomphes.
Tel un poète, la pensée consumée,
Tu marches pour oublier.
Tu ne fuis pas seulement les gros écus
Mais tout le mesquin te répugne aussi.
Boris Pasternak, L’an 1905, Debresse, traduction
Benjamin Goriely, 1958, p. 27-28.
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28/02/2016
James Sacré, Figures qui bougent un peu, et autres poèmes
Figure 9
La nuit la neige ou presque la nuit le soir
les arbres immobiles qui sont dedans, les talus hauts
les maisons ou rien que des vieux hangars sont allongés là contre
j’aimerais penser à d’autres lieux que j’aime
aussi dans un soir d’hiver avec des traces de neige
elle se défait plus vite dans le coin des prés
ça ne change pas grand chose au paysage d’aujourd’hui
c’est à la fin la seule solitude qui vient
la nuit se fait.
Je l’entends venir de très loin je suis debout dedans la nuit
le vent bouge un peu il y a le chaud d’une bête pas loin
autrefois est-ce que c’était pas la solitude qu’on croyait d’aujourd’hui
qui faisait comme du silence et l’illusion d’un espace grand ?
il n’y a presque rien maintenant
la neige est noire on n’entend plus rien.
Bien sûr dans ces limites mal tracées que fait la nuit
avec les prés ceux touchant les derniers toits de la ferme
avec les arbres soudain grands les buissons noirs
on peut laisser se perdre la peur et l’imagination
c’est quand même le cœur battant les fesses
un peu serrées qu’est-ce que j’attends c’est pas
besoin d’en dire la solitude a le sourire
de ce qu’on veut le temps aussi
la nuit continue touche-t-elle vraiment les branches de ce poème ?
James Sacré, Figures qui bougent un peu, et autres poèmes, préface d'Antoine Emaz, Poésie / Gallimard, 2016, p. 42-43.
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