11/11/2023
Jules Supervielle, Les Amis inconnus
L'âge
Mains fraîches, et ces yeux si légers et couleur
Des ruisseaux clairs que le ciel presse…
Ce que je nomme encore aujourd’hui ma jeunesse
Quand nul ne peut m’entendre et que même mon cœur
Plein de honte pour moi, fait le sourd, se dépêche,
Me laisse sans chaleur.
Jules Supervielle, Les Amis inconnus
Pléiade/Gallimard, 1999, p. 319.
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10/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Écrire pour quelqu’un, c’est comme écrire à quelqu’un : on se croit tout de suite de mentir.
Le peuple ne nous comprend pas. Nous le comprenons encore bien moins.
Mes bonheurs, je les ai presque toujours eus par maladresse.
Il vaudrait mieux se taire toujours. On ne dit rien quand on parle. Ou les mots dépassent la pensée, ou ils la diminuent.
Nous avons tous quelqu’un que notre mort arrangerait.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1151, 1152, 1153, 1160, 1164.
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Jules Supervielle, Le Forçat innocent
Solitude au grand cœur encombré par les glaces,
Comment me pourrais-tu donner cette chaleur
Qui te manque et dont le regret nous embarrasse
Et vient nous faire peur ?
Va-t’en, nous ne saurions rien faire l’un de l’autre,
Nous pourrions tout au plus échanger nos glaçons
Et rester un moment les regarder fondre
Sous la sombre chaleur qui consume nos fronts.
Jules Supervielle, Œuvres poétiques complètes,
Pléiade/Gallimard, 1999, p. 241.
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09/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Mon ignorance et l’aveu de mon ignorance, voilà le plus clair de mon originalité.
J’aime assez à me créer moi-même mes ennuis.
Je ne connais qu’une vérité : le travail seul fait le bonheur. Je ne suis sûr que de celle-là, et je l’oublie tout le temps.
N’être bon que pour se faire bien voir, c’est se sentir, au fond, incurable.
La vérité créatrice d’illusions, c’est la seule que j’aime.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/gallimard, 1965, p. 1164, 1170, 1172, 1174, 1181.
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08/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Dans ce coin du monde qu’est un village, il y a à peu près toute l’humanité.
La vanité est le sel de la vie.
Livres. Il suffit de lire les cinquante premières pages et de découper le reste.
J’avoue que parfois la nature m’embête. C’est une saveur de plus que je lui dois : celle de l’ennui.
La Bruyère, le seul dont dix lignes lues au hasard ne déçoivent jamais.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1182, 1186, 1191, 1191, 1195.
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07/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Je ne sais jamais rien, et j’ai toujours le plaisir d’apprendre n’importe quoi.
Les hommes naissent égaux. Dès le lendemain ils ne le sont plus.
Oui, je m’ennuie, mais l’ennui ne fait pas mal comme un autre sentiment : colère, orgueil, désir, etc.
Une seule expérience se fortifie en moi : tout dépend du travail. On lui doit tout, et c’est le grand régulateur de la vie.
Une fenêtre sur la rue vaut un théâtre.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1130, 1132, 1147, 1148, 1148.
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05/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Se défier des principes qui rapportent beaucoup d’argent.
Ma peur, quand je marche derrière une femme, qu’elle s’imagine que je la suis.
Un jeune qui n’a pas de talent, c’est un vieux.
Ils sont encore chrétiens parce qu’ils croient que leur religion excuse tout.
On s’habitue à n’être jamais malade.
Rongé de modestie.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965,
p. 1111, 1112, 1112, 1117, 1121, 1129.
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04/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Pourquoi se déplacer ? D’une certaine hauteur de rêve, on voit tout.
À relire des vieilles lettres, j’éprouve déjà un plaisir de vieux.
Métro : on entre dans la gueule populaire.
Travailler à n’importe quoi, c’est-à-dire faire de la critique.
La mort ne nous prend peut-être que tout à fait développés : ma lenteur à croître me rassure.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1097, 1097, 1103, 1104, 1108.
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03/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.
On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.
Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.
Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.
Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.
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Jules Renard, Journal, 1887-1910
Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.
On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.
Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.
Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.
Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.
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Jules Renard, Journal, 1887-1910
Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.
On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.
Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.
Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.
Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.
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Jules Renard, Journal, 1887-1910
Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.
On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.
Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.
Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.
Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.
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02/11/2023
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin
Quelque chose comme la métaphore de l’arc
Qui n’est jamais assez près pour voir la flèche
Toucher la cible. Je reste un mystère pour mon père.
Mon père reste un mystère pour moi.
Le christianisme est une religion construite autour d’un père
Qui ne sauve pas son fils. C’est l’histoire
D’un fils dont le père est un esprit. Personne
Ne mentionne le nom de la sœur de Jésus. Rien n’est écrit
À son propos. Elle n’eut pas d’enfants, elle avait
La quarantaine la première fois qu’elle changea l’eau en vin.
S’épanouissant sur le tard, elle démarra un petit négoce
De vin et voyages partout dans le monde pour vendre ce vin.
Elle portait le même nom que son vin.
Je ne me souviens pas deu nom de ce vin.
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin, traduction Guillaume Condello, collection Sing, Le Corridor bleu, 2023, p. 61.
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01/11/2023
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin
Je pensais que nous pourrions aussi bien chanter les fables de la mer Pour emplir nos bouches avant de faire voile et chasser la baleine.
Je pensais que nous pourrions aussi bien chanter la sensation
De la mer, mouvante autour de la baleine comme un pelage.
La couleur de l’eau a toujours la température
D’un miroir. Je pensais que nous pourrions noyer
Nos reflets dans un balancement comme nos chants
Sur mère maline et mère malheur, les toasts
Portés avec une eau bleu sombre, presque
Indigo, tirée au seau du puits avant de mettre à la voile.
Route des baleines métaphorise la mer. Machine à voyager dans le temps
Métaphorise l’esprit. Vivant métaphorise
L’électrifié. Je pensais que nous pourrions chanter
La corde enroulée autour de la morsure du sentiment.
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin,
traduction Guillaume Condello, collection Sing, Le Corridor bleu, 2023, p. 123.
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31/10/2023
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin
Mais jamais il n’y eut d’hystérie de l’homme noir :
Comme si tu n’étais pas l’époux de Toni Morrisson,
Forcé par l’amour à la regarder fleurir, de même qu’à littéralement
Prendre en volume. Les boucles de ses cheveux empêchaient
Ta peau de jamais toucher la sienne. Tu n’as jamais
Senti le creux de sa nuque, bien que tu l’aies aperçu
Quand sa tête s’inclinait pour illuminer le papier. Comme si
Tout était outil ou arme. Souvent, tu as offert
Ta mesure, mais elle préférait son propre chant.
Comme si elle voulait rendre ta noirceur plus étrange,
Plus élaborée, plus caractéristique, finement accordée
Et raffinée. Soap Head church, Empire State, Guitar,
Gideon, Son. L’hystérie consistant à se multiplier et se diviser
Dans l’esprit de ton amoureux jusqu’à en perdre l’esprit.
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin,
traduction Guillaume Condello, préface Pierre Vinclair, Le corridor bleu, 2023, p. 57.
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