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07/02/2025

Marc Colodenko, De très brefs rêves

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C’est moi ce Monsieur ? Dieu me préserve de l’être jamais. Pas question que je me soumette à pareille dénomination. Dans mon dos ça insiste. Je presse le pas. Ça doit être un flic, ils sont prêts de vous buter qu’ils continuent à vous donner du Monsieur. Je ne suis pas sûr d’accepter de mourir pour un Monsieur. Je me retourne. C‘est un quidam qui me dépasse en courant. Il ne m’a pas vu ou il a reconnu sa méprise. Ce qui revient au même.

 

Marc Cholodenko, De très brefs rêves, P.O.L, 2025, p 83.

06/02/2025

Marc Cholodenko, De très brefs rêves

                                           marc cholodenko, de très brefs rêves, illusion

Sur ma table il y a une feuille où j’ai écrit quelque chose. Ça ressemble à un haïku. Évidemment puisque c’est écrit en japonais. Comme j’ignore le japonais j’ai dû écrire ça en rêve. Si je ne peux pas le traduire je peux le transcrire. Voilà que les caractères originaux s’effacent sous les latins. Je lis : Écrire en japonais rêve de printemps. Sans doute je ne suis pas éveillé et j’ai dû faire un rêve de rêve. Quoi qu’il en soit me voilà bien avancé. Tant de merveilles pour si peu de choses. Peut-être que si j’étais poète tant d’inutiles jambages auraient suffi à m’exalter.

 

Marc Cholodenko, De très brefs rêves, P.O.L, 2025, p.73-74.

05/02/2025

Marc Cholodenko, De très brefs rêves

 

                                  marc cholodenko, de très brefs rêves, pleurer

Pourquoi la manche de mon manteau est toute froissée. Je vais le dépendre pur essayer de la défroisser. Mais il résiste. On dirait qu’il est indépendant. Peut-être que je pourrais même lui parler. Salut ami manteau. Il réagit. Il a l’air de comprendre. De sa manche il m’essuie la figure. Il est sympathique ce manteau. C’est vraiment mon ami. Mais pourquoi il m’essuie la figure. Parce que c‘est moi qui pleure et qui suis dedans. C’est moi qui suis mon ami, mon seul ami. Je n’ai même pas un manteau pour ami.

 

Marc Cholodenko, De très brefs rêves, P.O.L, 2025, p. 57.

04/02/2025

Marc Cholodenko, De très brefs rêves

                       marc cholodenko, de très brefs rêves, étrangeté

 

Voilà que j’ai mis ma veste à l’envers. Et moi avec alors. Dans ce cas ma veste serait à l’endroit. Il ne faut pas paniquer mais il y a quelque chose d’étrange. À moins que j’aie mis seulement ma veste à l’envers sans pour autant l’avoir enfilée. C‘est avec soulagement que je me prends à songer que c’est souvent la même précipitation trompeuse qui nous fait choisir nos verbes et nous représenter d’emblée au centre des choses.

 

Marc Cholodenko, De très brefs rêves, P.O.L, 2025, p.32.

03/02/2025

Marc Cholodenko, De très brefs rêves

                              marc cholodenko, de très brefs rêves, rendez-vous

L’heure est bientôt passée. Il faut que je me précipite mais j’ai oublié où c’était. Je me précipite quand même je me rappellerai peut-être même en chemin. Je m’arrête pile. Je me souviens où c’était mais je ne me souviens plus de la date. Ce qui me tracasse dans cette histoire de rendez-vous c’est que j’ai l’impression de l’avoir vécue ou encore mieux de l’avoir déjà entendue quelque part. Ce serait un classique en quelque sorte ou bien plutôt un poncif. Je préfère couper court pour m’évite la honte que j’éprouverai en découvrant que c’est moi qui en serait l’auteur.

 

Marc Cholodenko, De très brefs rêves, P.O.L, 2025, p. 27.

 

02/02/2025

Marc Cholodenko, De très brefs rêves

                            marc cholodenko, de très brefs rêves, absence

Ce moment je suis seul au monde à me le rappeler. Il n’y a pas de quoi s’en louer. J’étais déjà seul au monde à le vivre dans sa compagnie. Nous aurions pu nous le rappeler ensemble. Aujourd’hui elle ne peut plus. Mais moi je peux toujours la rappeler. Comme on rappelle une personne pas un souvenir. Elle ne répondra pas plus qu’elle ne répondait au téléphone quand elle était absente pas exemple. Ma chérie mon amour. J’exagère ça n’a jamais été ma chérie mon amour. Mais ça fait venir plus de larmes. Le souvenir se renforce de la désolation autant qu’il s’affaiblit de la complaisance.

 

Marc Cholodenko, De très brefs rêves, P.O.L, 2025, p. 38.

01/02/2025

Marc Cholodenko, De très brefs rêves

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En même temps que l’ongle je me suis coupé un morceau du gros orteil. Ce qui est douloureux c’est que ce soit dégoûtant. Je ne veux plus voir ça et je le jette. Ou la jette. Si je le jette c’est un lambeau de chair répugnant et si je la jette c’est une partie précieuse de moi. Je suis coupé en deux parties que je ne peux pas départager. Je baisse la tête pour réfléchir à la manière mais les larmes avec leur façon universelle de tout conclure les fondent ensemble sans que je me sois mêlé de rien.

 

Marc Cholodenko, De très brefs rêves, P.O.L, 2025, p. 20.

14/12/2024

Marc Cholodenko, De très brefs rêves

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J’ai entendu ma voix mais je n’ai pas compris ce qu’elle disait. Ce n’est pas la première fois que je ne comprends pas ce que j’entends. Sauf qu’il s’agit de ma voix et de moi. Ou est-ce moi ou ma voix. Après tout quand j’étais petit je disais des choses incompréhensibles surtout pour moi. C’était au autres de les interpréter. Il faudrait que je trouve un autre qui est moi.

 

Mar Cholodenko, De très brefs rêves, P. O. L, 2024, p. 19.