20/01/2025
Alexis Pelletier, Là où ça veille
dans ce récit c’est peut-être quand je n’arrive
à rien que la mort fat entrevoir dans la fin
du monde quelle signe toujours une masse
obscure une angoisse, un effroi sans nom
c’est là
que me vient l’envie de te prendre dans mes bras ou
plutôt que tu me prennes absolument
ça
répond au besoin de consolation intact
impossible à rassasier
je ne connaissais
pas le livre de Stig Dagerman quand Maman
est morte je ne te connaissais pas non plus
Alexis Pelletier, Là où ça veille, Tarabuste, 2025, p. 115.
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18/01/2025
Alexis Pelletier, Là où ça veille
loge 12 et place quatre-vingt 11-et-12
novembre 1980 jeudi
20 les places à 20 francs chacune
écrit sur
les billets conservés dans le programme de
la soirée que je viens de retrouver j’avais
dû faire la queue la nuit du mercredi 5
ou jeudi 6 pour acheter les places les
moins chères qui permettaient encore de voir
la quasi-totalité de la scène sauf
ici le fond de la scène côté jardin
les guichets ouvraient je crois le matin 11 heures
ce devait être en pleines vacances scolaires
le premier café ouvrait autour de 5 heures
il y avait toujours quelque monsieur gentil
qui m’offrait un chocolat et qui volontiers
arait trempé dedans sa queue pour ma bouche ou
mon cul de jeune Tadzio tout blond et bouclé
malgré ou grâce aux boutons d’acné
ingrate
est l’adolescence
mes parents ignoraient tout
du monde des fêlés d’opéras
avant qu’on
vende tout par Internet
je ne laisserais
pas un ado de 16 ans faire de nuit la
queue devant Garnier ou Bastille
autre version
du vierge du vivace et du bel aujourd’hui
ils étaient déjà dépassés par le monde et
tout cela s’est passé juste avant le sida
Alexis Pelletie, Là où ça veille, Tarabuste, 2025, p. 76.
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17/01/2025
Alexis Pelletier, Là où ça veille
nous sommes venus mon père et moi à l’appel
je l’ai vu embrasser le front puis
repartir
encore aujourd’hui je ne sais à quel moment
la douleur le saisit et quel
sens prit la mort
de sa femme je me le demande
aujourd’hui
après beaucoup d’années
il y a un silence
et je
ne sais pas quand j’ai vraiment pris conscience que
c’était fini comme Myriam l’a dit et le
sens des mots reste sans aucune prise dans
la mort de l’autre et dans le deuil qui s’installe et
surtout quand celle-ci vient d’arriver pourquoi
avec la lumière
un souvenir
assez sombre
Alexis Pelletier, Là où ça veille, Tarabuste, 32025, p. 11.
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