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05/11/2015

Jean-Luc Sarré, Les journées immobiles

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c’est ailleurs on dirait

loin du ciel

loin du bleu tumulte qui interdit

il y a de la terre dans les masses bruissantes

dans les cernes

les volumes

dans les ombres devenues fragiles

il y a du mauve dans ces ombres

c’est l’été

dans une autre lumière

l’odeur est celle des pierres avant la pluie

 

                     *

 

on ne sait rien de l’été

rien de ces quelques mots qu’il dénoue

trop lourds souvent

pareils à ces branches basses

vautrées dans la poussière

au milieu de l’allée

ou à ces fleurs encore

écloses parmi les pierres

isolées rouges

fragiles au cœur du ruissellement

 

Jean-Luc Sarré, Les journées immobiles, 1990 ;

Flammarion, p. 72 et 84.

04/11/2015

Édouard Levé (1965-2007), Suicide

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   Un samedi au mois d’août tu sors de chez toi en tenue de tennis accompagné de ta femme. Au milieu du jardin tu lui fais remarque que tu as oublié ta raquette à la maison. Tu retournes la chercher, mais au lieu de te diriger vers le placard de l’entrée où tu la ranges d’habitude, tu descends à la cave. Ta femme ne s’en aperçoit pas, elle est restée dehors, il fait beau, elle profite du soleil. Quelques instants plus tard, elle entend la décharge d’une arme à feu. Elle accourt à l’intérieur de la maison, elle crie ton nom, remarque que la porte de l’escalier qui conduit vers la cave est ouverte, y descend et t’y trouve. Tu t’es tiré une balle dans la tête avec le fusil que tu avais soigneusement préparé. Tu as laissé sur la table une bande dessinée ouverte sur une double page. Dans l’émotion, ta femme s’appuie sur la table, le livre bascule en se refermant sur lui-même avant qu’elle ne comprenne que c’était ton dernier message.

   Je ne suis jamais allé dans cette maison. J’en connais pourtant le jardin, le rez-de-chaussée et la cave. J’ai revu la scène des centaines de fois, toujours dans les mêmes décors, ceux que j’ai imaginés la première fois que l’on me fit le récit de ton suicide. Cette maison était dans une rue, elle avait un toit et ne façade arrière. Mais rien de tout cela n’existe. Il y a le jardin où tu sors une dernière fois dans le soleil et où ta femme t’attend. Il ya la façade vers laquelle elle court lorsqu’elle entend la décharge. Il y a l’entrée, où la raquette se trouve, la porte de la cave et l’escalier. Enfin il y a la cave où gît ton corps. Il est intact. Ton crâne n’a pas explosé comme on me l’a dit. Tu es comme un jeune joueur de tennis qui se repose après un match sur le gazon. Tu en sais maintenant plus que moi sur la mort.

 

Édouard Levé, Suicide, Folio Gallimard, 2015 [P.O.L, 2008], p. 9-10.

03/11/2015

Claude Chambard, Le chemin vers la cabane & Tout dort en paix, sauf l'amour

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le matin les tourterelles

la pluie goutte dans la cheminée

il faudrait ne pas quitter la chaleur

du lit

 

cet été-là

le lit n’a jamais été défait

aucun oiseau n’a chanté

 

un jour j’ai marché

le long d’une voie ferrée

aucun train n’est passé

 

rien ne voulait de mes guenilles

 

(ritournelle)

 

Claude Chambard, Le chemin vers la cabane,

Le bleu du ciel, 2008, p. 21.

 

Maintenant, l’argile absorbe la mer et le pays, les nuages s’amoncellent au bord du ciel. La paix insonore isole la forêt de l’autre côté des barrières fermées à clef & la mer en vagues claires se repose. Le jour prochain est un luxe. Maintenant, est le plus petit feuillage, la plus petite cabane de la forêt. Maintenant, est un son, le plus calme, un son qui repose, qui a le pouvoir de lier les rêves, qui entraîne au retour, vers l’enfant dans la montée blanche.

 

Claude Chambard, Tout dort en paix, sauf l’amour, Le bleu du ciel, 2013, p. 65.

02/11/2015

Jacques Roubaud, Les animaux de tout le monde

 

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 La vache : description

La

Vache

Est

Un

 

Animal

Qui

A

Environ

 

Quatre

Pattes

Qui

 

Descendent

Jusqu’

À terre

 

Jacques Roubaud, Les animaux de

tout le monde, Seghers, 1990, p. 74.

01/11/2015

Esther Tellemann, Sous votre nom

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[...]

 

Par les peuples

qu'on oublie

la part coupable

    du monde

les murs qui

    enferment

par l'ortie et la

    myrtille

je me lie à toi

comme sœurs

    à la racine.

Nous naviguions

    très loin

confondions

    les drapeaux

grandissions

derrière les grilles.

 

 

*  *  *

 

 

Ne finissions

d'enfermer les silences

    dans nos mains

dans nos yeux

    les voix.

Toutes les morts

que nous avions

écrites furent

    ouvertes.

 

 

Esther Tellermann, Sous votre nom,

Flammarion, 2015, p. 52-53.

 

 

31/10/2015

Rainer Brambach (1917-1983), Cinq poèmes

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La prudence serait de rigueur

 

Qu’est-ce qui te pousse à écrire des vers ?

Pourquoi ne vends-tu pas du sel,

des maisons, des fusils, du tabac ?

 

La prudence serait de rigueur, tu le sais, car bientôt

reviendront les corbeaux — noirs prédicateurs

sans huile dans la voix — pour brailler ta misère

alors que toi tranquille encore tu te promènes.

 

Quand les glaçons prendront au bec des fontaines,

te restera pour logis la salle d’attente

où se faisant écho en de multiples langues

s’unissent l’adieu et l’arrivée.

 

Rainer Brambach, Cinq poèmes, traduit de l’allemand par Marion Graf, dans La revue de belles lettres, 2014, I, p. 17.

 

 

 

30/10/2015

Robert Creeley, Dire cela

 

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Vieille chanson

 

Déshabille-toi, mon amour,

et viens te serrer.

 

Bientôt le soleil doit s’écraser

par-delà la mer.

 

Et que nos cheveux soient blancs, mon amour,

au mépris de ce que nous faisons

 

Et que nos nuits soient une, mon amour,

au mépris de ce que nous savons.

 

Robert Creeley, Dire cela, choix, présentation et

traduction de l’américain par Jean Daive, NOUS,

2014, p. 47.

28/10/2015

Paul de Roux, Au jour le jour 5

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   L’approche de la mort peut être vécue dans la confiance — et pas nécessairement dans la peur animale. Des hommes sont morts dans la confiance. Mais cela, c’est l’aboutissement de ce qu’ils ont pensé, senti, vécu antérieurement, dans leur vie de futurs mourants. Nous avons du mal à admettre (et pour cause) que chaque instant de notre vie est décisif. Que c’est maintenant, tout de suite, ici, où que ce soit et dans quelque circonstance que ce soit, qu’il nous appartient de nous éveiller. (Quel autre terme employer ?) Et qu’est-ce que c’est s’éveiller ? « Vie et mort, ce que nous exigeons, c’est la réalité. » (Thoreau, cité par Jaccottet dans Nuages.) La conscience de la réalité est notre éveil, l’aiguiser est notre tâche de chaque instant, car ce n’est que dans l’instant, l’instant même,  qu’il nous échoit de percevoir la réalité,  ce bois couturé de la table, ce ciel nébuleux, le souvenir des morts, n’importe quoi : la réalité.

 

Paul de Roux, Au jour le jour 5, carnets 200O-2005, édition établie et présentée par Gilles Ortlieb, Le bruit du temps, 2014, p. 149-150.

27/10/2015

Peter Huchel (1903-1980), La neuvième heure

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         Le chat

 

Matin d’hiver,

encore sombre dans la congère du rêve,

éparpillés dans la grange,

des épis de maïs réduits au squelette,

un visage de perles d’eau

s’évanouit derrière la lucarne

 

Ce que le chat

dissimule derrière son regard,

le givre, le sel des sorcières,

ne le sait pas.

 

Peter Huchel, La neuvième heure, traduit de

l’allemand par Maryse Jacob et Arnaud Villani,

Atelier La Feugraie, 2013, p. 59.

26/10/2015

Paul Celan, Grille de parole (traduction Martine Broda)

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             Un œil ouvert

 

Heures, couleur mai, fraîches.

Ce qui n’est plus à nommer, brûlant,

audible dans la bouche.

 

Voix de personne, à nouveau.

 

Profondeur douloureuse de la prunelle :

la paupière

ne barre pas la route, le cil

ne compte pas ce qui entre.

 

Une larme, à demi,

lentille plus aiguë, mobile,

capte pour toi les images.

 

Paul Celan, Grille de parole, traduction

Martine Broda, 1991, p. 75.

25/10/2015

Marie de Quatrebarbes, Les pères fouettards me hantent toujours

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10.

 

C’est en pleurant que la fille apprend à grandir

En attendant, elle se fane

 

Je t’ai servie dans son écrin mon rêve sur la table

Rosa la blonde est entrée, ou l’idiot de Shakespeare

Pour le moment je ne peux l’aborder

Les patates sont trop dures

Les haricots mous de l’Essonnne, vieille cochonne

Je demande deux heures de vie supplémentaires

 

Elle est ficelée au ruban, la cocotte

Vient manger les vacances, comme du vent les femelles

Mise en bière de celui qui voudrait ligoter

Des esprits vengeurs et déesses ruissellent

Le pigeon mort ou vif me regarde descendre

Pique du nez dans les herbes froissées

 

Et mon sourire gît là, n’émouvant plus personne

 

[...]

Marie de Quatrebarbes, Les pères fouettards me hantent toujours,

Lanskine, 2012, p. 43.

24/10/2015

E. E. Cummings, 95 poèmes

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         93

 

mai oui ! printemps

partout arrive ici

(avec un bas haut bas

et l’oiseau sur la branche)

comment ? pourquoi

— nous jamais nous savoir

(alors un baiser) timide ardemment douce

ma chérie entre toutes

 

(meure ! vive)

le neuf est le vrai

et perdre est avoir

— nous jamais nous savoir

hardi ! hardi

(le ciel et la terre

font un aujourd’hui) mon tellement très réjoui

jeune amour

 

Comment ? pourquoi

nous jamais nous savoir —

(avec un haut bas haut

dans le mai le printemps

vive ! meure

(toujours c’est à présent)

et danse toi l’arbre soudain en fleur

  je chanterai

 

E. E. Cummings, 95 poèmes, traduit et présenté

par Jacques Demarcq, Points/Seuil, 2006, p. 128.

23/10/2015

Jacques Demarcq, Les Zozios

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Photo Michel Durigneux

 

                  l’alouette des champs

 

(tu peux peu preux taré de près tout utudier !

au riche prix d’rythme et bruit m’éclipse et tout est dit

j’brise bing en mythe le vieux dieu creux du truc lyrique

qui vous dégougueuline en guiliguids sa vie

vile virilité tiède idée du viridique

(qu’une aile vienne à la stropheest-ce trop l’estropépier)

je dessille la niaise cécité du sugnifie

te ruine en rimes l’émue mimique du communique

« dreu-lui, dyidyidu ; tieu huittchip : tiuti-tuitutt »

l’douillet duvet du discours du discouru je déguenille

portées nues peau et tripe en poétrie je trille

trille le grimpe de l’ivresse et plus diverse y fuis

plus dissolu mon dividu s’insolitude

...jusqu’à s’ouvrir au vide et chute en chuchutuis...

Jacques Demarcq, Les Zozios, NOUS, 2008, p. 175.

 

 

 

 

 

22/10/2015

Rose Ausländer, Pays maternel ;Été aveugle : recension

 

 

   "Ausländer" signifie en allemand « étranger » ; étrangère, par force, à son pays et à sa langue, ce fut le sort de cette auteure juive. Rose Ausländer (1901-1988), née Rosalie Scherzer, quitte Czernowitz et accompagne son mari aux États-Unis dans les années 1920, la Bucovine étant devenue roumaine. De retour, elle publie son premier recueil en 1939 ; pendant la Shoah, elle connaît dans sa ville Paul Celan ; en 1946, fuyant l’occupation soviétique, elle retourne aux États-Unis et renonce pour un temps à l’allemand. Elle s’installe enfin à Düsseldorf et paraissent en allemand Blinder Sommer (Été aveugle) (1965) et Mutterland  (Pays maternel) en 1978.

   Le poème d’ouverture de Pays maternel est un programme avec ses trois strophes qui s’ouvrent par « je crois ». Quand il ne reste qu’une croyance dans les miracles et les rêves, seul vaut d’abord le « miracle des mots » grâce auxquels on peut agir et créer des mondes, ce qui s’énonce également par « Je vis /dans mon pays maternel / Le verbe » — et il s’agit toujours du « mot / Animé du souffle ». Mais importe aussi l’autre, le « frère de vie » ; c’est ainsi la figure du couple qui s’impose dans la poésie de Rose Ausländer, par exemple avec la figure d’Adam (un poème est d’ailleurs titré   "Adam") : Adam « N’a pas commencé / D’exister » parce qu’il est seul, et il devient lui-même quand apparaît sa compagne « Pour l’aimer / Et / Le rendre mortel ». Dans Été aveugle, Adam vit « L’œil [...] fixe / le temps sans Ève », et la femme lui jette la pomme, c’est-à-dire la terre, pour le sortir de l’immortalité ; l’image du couple s’y retrouve aussi avec Roméo et Juliette, avec un "je" et un "tu" qui vont ensemble « conversant ».

   S’« Il est temps d’en finir avec la solitude et d’aller se coucher », c’est bien que le vivant doit l’emporter. Le pays maternel, comme d’une autre manière la langue maternelle, ont été détruits dans leur esprit, les hommes et les femmes massacrés pendant « le temps[...] gelé », « l’éclipse sans fin », et c’est ce passé qui, écrit Rose Ausländer, « M’a poétiquement composée ». Au cours des années de guerre, c’était le silence, la disparition complète de toute harmonie, celle connue « quand la terre était ronde »

J’ai appris

Le langage du regard

Dans le ghetto

Alors que ma bouche

Devait rester close

   Il y a sans aucun doute dans les motifs de la poésie de Rose Ausländer un mouvement, la remémoration d’un passé plus que noir, celui de « l’été de cendre », « aveugle », alternant avec le souvenir de l’enfance, des lieux disparus de la Bucovine, plus largement avec la certitude que tout moment peut être vécu dans la grâce — ce n’est pas un hasard si dans les deux recueils les mots "rêve", "légende", "conte " sont relativement fréquents. Certes, il existe toujours deux mondes, dans l’un on écoute Chopin et dans l’autre on meurt de faim. Certes, « Écris / Il ne te reste rien d’autre ». Mais l’échange avec l’autre est possible, mais la poésie s’impose contre la destruction, ce qui se lit dans l’hommage à Marianne Moore, à Peter Huchel ou, plus clairement peut-être à Cummings :

parfum de jeunesse terrain clair où le

souffle croît dans la

boue de ce Qui-Est

   Ces « flambeaux de la vie » sont toujours en péril et, comme bien d’autres, Rose Ausländer a vu dans Israël la terre du salut. Dans Pays maternel, elle évoque « Le destin / resté jeune / Du peuple » et rappelle la figure biblique de Ruth amassant les grains glanés ; dans Été aveugle, le rossignol, dont on sait la valeur lyrique, « chante la Sion des ancêtres » et Israël symbolise « le commencement ». Mais l’espoir d’un autre temps, où l’on pourrait vivre éveillé ses rêves, « le conte de fées de la vie », est beaucoup plus large ; il y a la certitude que l’échange de paroles est le pas pour réinventer, si peu que ce soit, le paradis perdu, et Pays maternel s’achève par ces vers : « Amis revenons / Parmi les hommes. »

 

   On peut regretter l’absence du texte original qui permettrait de mieux apprécier le rythme d’une langue sans apprêt, toujours concise et lumineuse. Mais on loue la qualité de la traduction et de la postface proposée par chaque traducteur. Rose Ausländer est peu lue en France et il faut le regretter ; c’est une grande voix, à l’égal de Nelly Sachs et Else Lasker-Schüler, Ingeborg Bachman et Hilda Domi.

 

Rose Ausländer, Pays maternel, traduction Edmond Verroul, 80 p., 15 €, et Été aveugle, traduction Michel Vallois,128 p., 17 €, Héros-Limite, 2015.

Cette recension a été publiée dans Sitaudis le 10 octobre 2015.

 

 

 

21/10/2015

Emily Jane Brontë, Poèmes

 

              emily jane brontë,poèmes,bonheur,lumière,immensité

 

Mon plus grand bonheur, c'est qu'au loin

 

Mon plus grand bonheur, c'est qu'au loin

Mon âme fuie sa demeure d'argile,

Par une nuit qu'il vente, que la lune est claire,

Que l’œil peut parcourir des mondes de lumière —

 

Que je ne suis plus, qu'il n'est

Terre ni mer ni ciel sans nuages —

Hormis un esprit en voyage

Dans l'immensité infinie.

 

[Février ou mars 1838]

 

I’m happiest when most away

 

I’m happiest whan most away

I can bear my soul from its home of clay

On a windy night when the moon is bright

Ant the eye can wander through worlds of light —

 

When I am not and none beside —

Nor earth nor sea nor cloudless sky —

But only spirit wandering wide

Through infinite immensity.

[February or March, 1838]

 

Emily Jane Brontë, Poèmes, traduction de

Pierre Leyris, Poésie Gallimard, 1963, p. 49.