25/06/2016
Pierre Pachet, Autobiographie de mon père
En hommage à Pierre Pachet, 1937-21 juin 2016
Dans l’enfance, je m’ennuyais beaucoup. Je vois avant tout l’enfance livrée à de longs déserts d’ennui, impossibles à traverser, pendant lesquels le corps est torturé, livré au temps, à l’incompréhensible attente. Seule ma mère avait la sympathie et la finesse nécessaires pour me comprendre et m’aider : elle acceptait de bonne grâce de jouer avec moi à la bataille, aux dominos, à la belote à deux, lorsque je n’avais pas d’amis sous la main. Mon père, lui, n’émergeait de son travail que pour rechercher le repos, en « s’allongeant » ou en allant se promener. Mais l’ennui, chez moi, ne voulait pas des promenades.
Pourtant une fois — une fois qui a dû se produire de nombreuses fois que ma mémoire condense parce que d’abord mon expérience l’a ressentie comme une seule fois, une fois venant après beaucoup d’autres mais enfin saisie comme telle — une fois, prenant en pitié mon corps et mon âme torturés, mon père me dit : « Tu t’ennuies ? Tu n’as qu’à avoir une vie intérieure ! Alors tu ne t’ennuieras jamais. »
Pierre Pachet, Autobiographie de mon père, Belin, 1996, p. 5.
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