30/07/2017
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Elle avait une peur ridicule du ridicule.
Malgré l’ininterrompue continuité de nos vices, nous trouvons toujours un petit moment pour mépriser les autres.
On place ses éloges comme on place de l’argent, pour qu’ils nous soient rendus avec des intérêts.
Faire tous les frais de la conversation, c’est encore le meilleur moyen de ne pas s’apercevoir que les autres sont des imbéciles.
La psychologie. Quand on se sert de ce mot-là, on a l ‘air de siffler des chiens.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade / Gallimard, 1965, p. 55, 57, 59, 60, 71.
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31/01/2017
Robert Pinget, Clope au dossier
Que d’être seul n’était pas une condition. Ni une vocation dit Mortin ni rien en tion sauf aberration ce qui explique tout, on finira bien par l’emmener mais il faut paraît-il un rapport du médecin ou de la famille ou d’un avocat ou de Dieu sait qui. Un avocat en tout cas dit Philippard on n’y coupe pas rien à faire sans ça pour ce qui est d’une profession alors on peut dire tous des caves des zéros. Ils buvaient du vin blanc Mortin Philippard et Verveine le stagiaire du pharmacien, tu devrais savoir toi qui connaît le docteur lui dit Philippard. Un spécialiste dit Verveine on ne s’adresse pas à n’importe qui ces choses –là sont délicates si vous croyez du reste je me demande jusqu’à quel point il ne faut pas qu’il dérange la société quelle société dit Mortin. La nôtre dit Verveine la société en général il ne nous dérange pas tellement, jusqu’au jour du scandale en pleine rue dit Philippard moi j’ai une femme et des enfants. Une femme et des enfants la société. Des fusains à droite et à gauche dans des caisses et trois tables de fer peintes enrouge ainsi que les chaises, c’est Philippard qui a voulu s’asseoir ils restent d’habitude au comptoir, la serveuse qui a l’air sale ils l’appellent Mathilde pour remplir les verres, la route passe devant mal goudronnée il y a de la poussière.
Robert Pinget, Clope au dossier, les éditions de Minuit, 1961, p. 7-8.
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12/11/2016
Joseph Joubert, Carnets, I
La mort remplira leur bouche de terre.
Une conversation ingénieuse avec un homme, c’est une mission. Avec une femme, c’est une harmonie, un concert. Il y a le rapport de l’octave à la basse. Vous sortez satisfait de l’une, vous sortez de l’autre enchanté.
Aux médiocres il faut des livres médiocres.
Évitez d’acheter un livre fermé.
La mémoire — qui est le miroir où nous regardons les absents.
Chacun se fait et a besoin de se faire un autre monde que celui qu’il voit.
Le spectacle a changé, mais notre œil est le même.
Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1994.
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22/03/2013
Oskar Pastior, poèmepoèmes
le poème-d'auteur est triple en un c'est un lamento de l'auteur secundo un poème à prétentions généralisatrices tertio un filon pour de multiples sciences rien n'est impersonnel dans le poème-d'auteur est-il dit dans une généralité des plus banales mais la plupart des choses est/sont encore plus spécifique ainsi parle-t-on d'une stéréotypie c'est une sorte de formulaire d'identification reproduit mécaniquement où l'auteur se plaint parce que les symboles biographiques y sont trop réducteurs semble-t-il mais juste après ce manque déconcertant que ce n'est pas l'info tronquée qui le gêne mais au contraire l'impossibilité qu'elle le soit en d'autres termes l'égalité des chances est encore bien précaire opinion très individuelle exprimée par l'auteur c'est une misère puis sans transition suivent des réclamations ludiques au sujet de phytothérapie de loyer de temps ressenti de produit social de gourou d'angoisses et comme alibi quelques tentatives par clins d'œil cognitifs de vendre ça comme modèle d'existence et pour finir trois infinitifs tonitruants le poème-d'auteur est révélateur artisanal et porté en amulette il est décoratif
Avec moi on ne peut pas discuter est-il dit dans le poème-conversation p rce qu'ainsi y explique-t-on je n'offre ni garantie ni force de persuasion qui t'obligerait à me répondre non dit-on plus loin avec moi bien sûr on peu discuter c'est dans la nature des choses oi oui c'est bien triste dit-on à propos du dialogue ainsi croyons-nous qu'à force d'aveux nous arrivons ainsi à cerner le thème semble-t-il dit-on mais cela se perd dans la conversation
Oskar Pastior, poèmepoèmes, trad. de l'allemand et postface d'Alain Jadot, préface de Christian Prigent, éditions NOUS, 2013, p. 36, 72.
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