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20/07/2023

Joseph Joubert, Carnets

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Tout ce qui pleure est innocent dans ce moment.

Chacun se fait et a besoin de se faire un autre monde que celui qu’il voit.

Une pensée est une chose aussi réelle qu’un boulet de canon.

Beaux ouvrages. Le génie les commence, mais le travail seul les achève.

Tout critique de profession, homme médiocre par nature.

  

Joseph Joubert, Carnets, Gallimard, 1994, ). 383, 398, 424, 429, 434.

31/03/2020

Joseph Joubert, Carnets, I

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L’imagination est le goût. La raison est sans appétits : la vérité et la justesse lui suffisent.

 

Le papier est patient, mais le lecteur ne l’est pas.

 

Tout ce qui est très plaisant a quelque exagération et contient nécessairement une vérité défigurée.

 

Les animaux aiment ceux qui leur parlent.

 

Le châtiment de ceux qui ont trop aimé les femmes est de les aimer toujours.

 

Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1938, 1994, p. 271, 272, 273, 274, 278.

24/01/2016

Fernando Pessoa, Pour un ''Cancioneiro"

 

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On dit que je feins ou mens

Tout ce que j’écris. Mais non,

Moi, simplement, je sens tout

Avec l’imagination.

Je ne me sers pas du cœur.

 

Tout ce que je rêve ou éprouve,

Ce qui me manque ou m’accomplit,

est comme une terrasse

Sur autre chose encore.

C’est cette chose qui est belle.

 

C’est pourquoi j’écris au milieu

De ce qui n’est pas à côté,

Délivré de tous mes émois,

Sérieux de tout ce qui n’est pas.

Sentir ? C’est au lecteur de sentir !

 

Fernando Pessoa, Pour un ‘’Cancioneiro’’,

traduction Patrick Quillier, dans Œuvres

poétiques, Pléiade / Gallimard, 2001, p. 176.

02/03/2014

Pierre Bergounioux, Obazine

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   Lorsqu'il m'a pris fantaisie de chercher, à la bibliothèque municipale de la sous-préfecture natale, les livres qui se rapporteraient à la contrée à ses habitants et, pourquoi pas, à la bibliothèque elle-même, qui était un endroit très étrange, je ne les ai pas trouvés. J'ai supposé que des titres trompeurs, comme Le Rouge et le noir, par exemple, en dissimulaient le contenu effectif ou que j'avais mal cherché. C'est plus tard, à la réflexion, que j'ai compris. Ils étaient restés dans l'encrier.

   L'expérience de la lecture présentait, pour ce qui nous concernait, un caractère essentiellement contradictoire et, par suite, très déconcertant. Les livres parlaient invariablement d'endroits où l'on n'avait jamais mis les pieds, de gens différents avec d'autres vues, un autre langage tandis qu'il n'y était jamais fait mention des lieux familiers, de leurs occupants.

   Ou bien les personnages n'avaient d'existence que sur le papier ou bien ils avaient un répondant palpable quelque part, au loin, et c'est pour cette raison que l'univers exigu, terne, somnolent qui nous était alloué, n'apparaissait jamais dans l'espace sacralisé compris entre les plats de couverture des ouvrages imprimés. Aux complications du romanesque, qu'on finit par débrouiller, s'ajoutait une incertitude irréductible, qui était de savoir si les ambitions, les procédés, les réflexions que l'amour prêtait aux protagonistes du récit étaient le fruit de sa seule imagination ou s'ils étaient gagés sur une réalité aussi tangible que la nôtre. Auquel cas, pour parodier amèrement Hamlet, il y avait infiniment plus de choses au ciel et sur la terre que dans toute notre philosophie.

 

Pierre Bergounioux, Obazine, Le lieu de l'archive, supplément à la lettre de l'IMEC, 2013, p. 10-11.