Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/07/2023

Joseph Joubert, Carnets

Unknown-2.jpeg

L’oubli ! Comment ce mot est-il si doux !

 

Vous ne semez là que des ronces. Elles porteront ses épines.

On a besoin pour vivre, de peu de vie. Il en faut beaucoup pour aimer.

L’histoire est bonne à oublier ; c’est pour cela qu’elle est bonne à savoir.

Les passions viennent comme une petite variole et défigurent cette beauté originelle.

Joseph Joubert, Carnets, Gallimard, 1994, p. 131, 137, 145, 149, 171.

18/06/2021

Jean de La Fontaine, Le vieux Chat et la jeune Souris

              480e903b08a88d759a0bc370de093caf.jpg 

     Le vieux Chat et la jeune Souris

 

Une jeune Souris de peu d’expérience

Crut fléchir un vieux Chat implorant sa clémence,

Et payant de raison le Raminogrobis :

         Laissez-moi vivre : une Souris    

De ma taille et de ma dépense

Est-elle à charge en ce logis ?

Affamerais-je, à votre avis,

L’Hôte et l’Hôtesse, et tout leur monde ?

D’un grain de blé je me nourris ;

Une noix me rend toute ronde.

À présent je suis maigre ; attendez quelque temps

Réservez ce repas à Messieurs vos Enfants.

Ainsi parlait au Chat la Souris attrapée.

 

         L’autre lui dit ; Tu t’es trompée.

Est-ce à moi que l’on tient de semblables discours ?

Tu gagnerais autant de parler à des sourds.

Chat et vieux pardonner ? cela n’arrive guères.

         Selon ces lois, descends là-bas,

         Meurs, et va-t’en tout de ce pas

         Haranguer les sœurs Filandières.

Mes Enfants trouveront assez d’autres repas.

         Il tint parole ; et pour ma fable,

Voici le sens moral qui peut y convenir :

La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir.

         La vieillesse est impitoyable.

 

La Fontaine, Fables, 12, V, Pléiade/Gallimard, 2021, p. 771.

06/03/2016

Chamfort, Maximes et pensées, caractères et anecdotes

                                   772895.jpg

Les gens du monde ne sont pas plutôt attroupés, qu’ils se croient en société.

 

L’art de la parenthèse est un des grands secrets de l’éloquence dans la société.

 

La société, les cercles, les salons, ce qu’on appelle le monde, est une pièce misérable, un mauvais opéra, sans intérêt, qui se soutient un peu par les machines et les décorations.

 

Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu’on sait par des gens qui les ignorent.

 

Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi ni à personne, voilà, je crois, toute la morale.

 

Chamfort, Maximes et pensées, caractères et anecdotes, Garnier Flammarion, 1968, p. 92, 102, 105, 106, 123.

23/10/2014

Ambrose Bierce, Épigrammes, traduit par Thierry Gillybœuf

                         images.jpg

"Immoral" : tel est le jugement du bœuf dans son étable devant l'agneau qui gambade.

 

C'est vrai que l'homme ne connaît pas la femme. Mais la femme non plus.

 

Si vous voulez passer pour grand auprès de vos contemporains, ne le soyez pas beaucoup plus qu'eux.

 

Le premier homme que vous croiserez est un imbécile. Si vous pensez le contraire, interrogez-le et il vous le prouvera.

 

Une patte de lapin peut vous porter chance, mais elle ne l'a pas portée au lapin.

 

Laissons celui qui voudrait redoubler chacune de ses expériences jacasser sur la valeur de la vie.

 

Un auteur populaire est quelqu'un qui écrit ce que pense le peuple. Le génie les invite à penser autre chose.

 

 

Ambrose Bierce, Épigrammes, traduit par Thierry Gillybœuf, éditions Allia, 2014, p. 7, 7, 11, 13, 14, 20,

02/09/2014

Joseph Joubert, Carnets

imgres.jpg

Sur nos chaises européennes, l'homme paraît uniquement propre à remuer la langue comme si sa seule destination était de parler.

 

Le seul moyen d'avoir des amis, c'est de tout jeter par les fenêtres, de n'enfermer rien et de ne jamais savoir où l'on couchera le soir.

Il y a, me direz-vous, peu de gens assez faits pour prendre ce parti. Eh qu'ils ne se plaignent donc pas s'ils n'ont pas d'amis, ils n'en veulent pas.

 

Nous avons reçu le monde comme un héritage qu'il n'est permis à aucun de nous de détériorer, mais que chaque génération au contraire est obligée de laisser meilleur à sa postérité.

 

On n'aime qu'une fois, disent les chansons ; c'est-à-dire qu'il n'y a qu'un seul âge qui soit véritablement propre à l'amour.

 

[...] tout sentiment religieux est un sentiment servile et quiconque s'agenouille devant Dieu se façonne à se prosterner devant un roi.

 

On ne tolèrera aucune intolérance.

 

Joseph Joubert, Carnets, Gallimard, 1994 (1938), p. 72, 75, 91, 110, 119, 132.

 

08/11/2013

Albert Camus, Carnets I, mars 1935-février 1942

imgres.jpg

mars 1936

   Si le temps coule si vite, c'est qu'on n'y répand pas de points de repères. Ainsi de la lune au zénith et à l'horizon. C'est pourquoi ces années de jeunesse sont si longues parce que si pleines, années de vieillesse si courtes parce que déjà constituées. Remarquer par exemple qu'il est presque impossible de regarder une aiguille tourner cinq minutes sur un cadran tant la chose est longue et exaspérante.

 

 mai 1936

  Et les voilà qui meuglent : je suis immoraliste.

   Traduction : j'ai besoin de me donner une morale. Avoue-le donc, imbécile. Moi aussi.

 

   Intellectuel ? Oui. Et ne jamais renier. Intellectuel = celui qui se dédouble. Ça me plaît. Je suis content d'être les deux. "Si ça peut s'unir ?" Question pratique. Il faut s'y mettre. "Je méprise l'intelligence" signifie en réalité : je ne peux supporter mes doutes".

 

avril 1937

   Le besoin d'avoir raison, marque d'esprit vulgaire.

 

juin 1937

   Combat tragique du monde souffrant. Futilité du problème de l'immortalité. Ce qui nous intéresse, c'est notre destinée, oui. Mais non pas "après, "avant".

 

 

Albert Camus, Carnets I, mai 1935-février 1942, Folio / Gallimard, 2013 [1962], p. 24, 33, 33, 39, 43.