05/07/2023
James Sacré, Une fin d'après-midi continuée
Le mot rien dans le mot vivant
Quand je serai presque plus rien (déjà
Me voilà pas grand chose),
Quand le corps ni l’esprit n’auront plus désir
De porter (de brandir) en de grands gestes insensés,
Je connaîtrai quelque chose de plus intensément nu :
Le rien de l’amitié. Drôle de pensée.
Évidemment le mot rien dès qu’on le dit
Se heurte à tout ce qui reste vivant,
Ce par quoi justement je touche (avec et sans précaution)
À ta parole à ta main, autant
Qu’à ton silence ou ton retrait.
Le mot rien dans le mot vivant ?
James Sacré, Une fin d’après-midi continuée,
Tarabuste, 2023, p. 237.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Sacré James | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james sacré, une fin d'après-midi continuée, rien, vivant | Facebook |
17/03/2023
Jean Tardieu, Comme ci comme ça
Le vivant prolongé
(Avec naturel.
Familièrement, comme ça)
Le mort qui est en moi
s’impatiente
Il tape dans sa caisse
à bras raccourcis
Il voudrait qu’on le montre
une dernière fois
Quant au vivant
ça va pas mal merci
pour le moment.
Jean Tardieu, Comme ci comme ça,
Gallimard,1979, p. 63.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Tardieu Jean | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean tardieu, comme ci comme ça, vivant, impatience | Facebook |
02/10/2021
Théophile de Viau, Après m'avoir fait tant mourir
Sonnet
D’un sommeil plus tranquille à mes amours rêvant,
J’éveille avant le jour mes yeux et ma pensée,
Et cette longue nuit si durement passée,
Je me trouve étonné de quoi je suis vivant.
Demi désespéré je jure en me levant
D’arracher cet objet à mon âme insensée,
Et soudain de ses vœux ma raison offensée
Se dédit et me laisse aussi fol que devant.
Je sais bien que la mort suit de près ma folie,
Mais je vois tant d’appas en ma mélancolie
Que mon esprit ne peut souffrir sa guérison.
Chacun à son plaisir doit gouverner son âme,
Mithridate autrefois a vécu de poison,
Les Lestrigons de sang et moi de je vis de flamme.
Théophile de Viau, Après m’avoir fait tant mourir,
Poésie/Gallimard, 2002, p. 119.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théophile de viau, après m’avoir fait tant mourir, vivant, désespoir | Facebook |