25/01/2024
Monique Laederach, Cette absolue liberté de parole
XIII
Tout a coulé dans l’innocence.
Tellement imbriqués l’amour la nuit le jour
et ce corps qui voulait bien qui
voulait davantage, n’avait
jamais de satiété véritable –
dans l’innocence et pourtant
la douleur.
L’amour jetant l’angoisse hors de ses gonds,
tirant, jetant et dans des frénésies
tellement aiguisées
que l’amour tu s’est fait amputation.
Alors, parfois, on s’asseyait dans l’herbe,
en restant immobiles,
juste une surface de peau sous le soleil,
à supposer qu’il y ait eu du soleil,,
immobiles dans un temps arrêté,
les précipices de mort à droite à gauche
qu’il fallait voir
qu’il fallait enfin accepter de voir.
Monique Laederach, Cette absolue liberté de
parole, dans La revue de belles-lettres, 2023-2, p. 23.
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24/01/2024
Pierre Chappuis, Muettes émergences
Noir et blanc
La lumière, non les couleurs.
Chaleur et lumière pleinement, passées les dunes et les dernières traces de végétation, les derniers chardons à moitié enfouis dans le sable. Exclusif, l’œil ne retient, noir et blanc, que l’ombre portée d’une de ces barrières à claire-voie qui partout courent le long du rivage, plus ou moins usées par le vent.
Pierre Chappuis, Muettes émergences, José Corti, 2023, p. 141.
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23/01/2024
Pierre Chappuis, Éboulis et autres poèmes
Éboulis
L’herbe est râpée. L’alpage, usé au point de lâcher.
Des arêtes percent et des moignons, des dents.
À ces confins se terrent encore de précaires abris ; dans les cailloux des moutons paissent.
Plus que de rares lichens.
Plus d’herbe, bien que s’enhardisse un papillon trompé par la chaleur de midi.
(...)
Pierre Chappuis, Éboulis & autres poèmes, éditions Empreintes, 2005, p. 95-96.
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22/01/2024
James Sacré, Les animaux sont avec toi, depuis toujours : recension
« Les animaux sont avec toi, n’y sont pas »
Les animaux sont présents depuis fort longtemps dans les poèmes de James Sacré et apparaissent même dans des titres, sans précision (Un oiseau dessiné sans titre et des mots, 1988) ou avec le nom d’un animal, Le taureau, la rose, un poème (1990). Un des titres, Des animaux plus ou moins familiers (1998) est devenu un vers de ce nouvel ensemble de cinq poèmes et pose la question de la familiarité, de la relation entre l’animal et les humains.
Les poèmes ont partiellement la forme de récits où, notamment, est évoquée l’enfance du narrateur — une figure de James Sacré ; elle s’est passée dans une ferme de Vendée et les animaux du quotidien étaient liés au travail agricole, la vache, la jument, le chien (qui fait revenir les soir les vaches à l’étable et accompagne à la chasse), la perdrix que l’on chasse ; ailleurs, au Maroc que connaît bien le narrateur, l’âne est aussi un auxiliaire précieux pour le travail et le transport. Écrire à propos des animaux si longuement fréquentés, c’est revenir vers des images de l’enfance qu’il faut rappeler régulièrement à la mémoire mais qui, cependant, s’effacent, comme les paysages que les remembrements successifs ont détruits. Le passé se réduit à des mots, le temps a fait son œuvre.
Que dire alors de cette présence familière des animaux, autrefois à la ferme, aujourd’hui dans la maison ou l’appartement pour beaucoup de nos contemporains ?
Quels liens se créent entre les animaux et celui qui les côtoie, utilise leurs aptitudes ou se limite à leur compagnie ? La familiarité instaurée conduit à leur donner un nom (pas un nom et un prénom), dans la ferme : « le chien Bob », « Les vaches / Chacune avec son caractère / La tranquille Blanchette, la Charmante / L’insupportable Muscadine / (…) Ardente la jument ». Cette tentative de rapprocher l’animal de l’humain rencontre vite ses limites. Que voit-on dans les yeux de l’animal ? interroge James Sacré. La peur, la méfiance — au moins échappe-t-il à la folie qui n’est qu’humaine. Combien de fois entend-on « il ne lui manque que la parole », à propos d’un chien ou de tout autre animal familier. C’est ainsi, involontairement, souligner l’impossibilité d’un échange par manque d’une langue commune, les gestes ne suppléant pas à tout : « Tu sais peut-être comment ton chien ou ton cheval / Vont répondre aux gestes que tu as/ Mais tu ne sais pas / Ce qu’ils pensent ».
Il n’y aurait rien d’autre à partager que le silence, la solitude. On sait bien que le mot « cheval », le mot « chien » ne sont que des mots. Ils suscitent pourtant des images venues des livres, des contes de l’enfance. Mais comme les souvenirs, ce sont des images qui « S’enfuient, charpie de quelques mots / Au fond des brumes du temps ». Dans le poème, les mots semblent prendre vie par la « musique et [le] rythme, mais est-ce bien un bison que l’on voit dans ces vers rimés ?
Le dessin d’un bison bourru
Ou le mot bison (désir éperdu)
Serait quelle vraie bête accourue
Sur de la pierre ou du papier nus ?
Dessin ou mots restent à jamais silencieux dans le poème, ils ne se mêleront pas aux bruits de la nature et les nombreux mots recopiés qui caractérisent les bruits émis par les animaux ne sont toujours que des mots, « c’est rien qui rugit ou qui couine ».
Écrivant à propos des animaux, James Sacré n’abandonne pas des thèmes qui charpentent ses livres, comme l’extrême difficulté de l’échange avec l’Autre, ici l’impossibilité humaine de sortir du silence face à l’animal. C’est aussi le temps de l’enfance, temps perdu de la proximité des bêtes totalement coupé du présent, que les mots ne feront pas revivre. « Si des animaux parlés, dessinés / Sont le vide et l’ailleurs / Du poème qu’on vient d’écrire ? »
James Sacré,Les animaux sont avec toi, Peintures de Guy Calamusa, Æncrages & Co, 2023, 40 p., 18 €. Cette recension a été publiée dans Sitaudis, le 21 novembre 2023.
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21/01/2024
Pierre Chappuis, Le noir de l'été
Naissance de l’ennui
Ce qu’il croyait rejoindre en se mettant en route (l’été, lé belle insouciance de l’été), des forces adverses l’en éloignent sournoisement pour l’ankyloser toujours davantage, néfastes harassantes, bien plus incontournable que, dans sa fougue, le vent. Toujours devant lui la même distance infranchie.
L’enfance, irrémédiablement une lézarde vient d’y porter atteinte, la première par où s’infiltre la lèpre de la solitude.
Les lieux, portant les mêmes, lieux de toujours (comment, en un instant, défigurés ?), le temps, les lieux en partent, irascible, la marque. La garderont.
Nulle aide, nul attrait, nulle part.
Voix, inéluctablement (où donc aller ?), chaque tour de roue (à quoi bon ?) se fait plus pesant comme cs, au lieu d’avancer, soudain misérable, il reculait.
(…)
Pierre Chappuis, Le noir de l’été, La Dogana, 2002, p.15-16.
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20/01/2024
Pierre Chappuis, Entailles
Colombes,
colonne, ou trombe
en marche d’ouest en est `
à l’horizon.
Migration printanière.
Entraînée, la montagne
elle aussi se déplace.
(giboulée)
Pierre Chappuis, Entailles,
éditions Corti, 2014, p. 43.
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19/01/2024
Pierre Chappuis, Comme un léger sommeil
L’envers des mots
Dans le lit du vent déployé à largeur d’horizon (vacarme, vacarme, un vacarme de déménagement), sur le rivage des saules qui pour un rien tournent casaque, émoustillés ?
Parallèlement, mais à coups d’ébréchures., de crêtes échevelées, retournement intempestif des vagues.
L’envers des mots, (quelque ordre, désordre que ce soit) : l’éclat argenté, les plis de l’ample doublure de satin ne déguiseraient la vacuité ?
Pierre Chappuis, Comme un léger sommeil, José Corti, 2009, p. 42.
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18/01/2024
Pierre Chappuis, À portée de la voix
Dans la clarté maintenue
Sans hâte, sur l’esplanade, le soir étend ses linges ici et là à même le sol entre les arbres, de moment en moment (oh ! le ralentissement de la durée) diffère la tombée de la nuit.
Au fond se dresse l’étroite façade de pierre jaune dont le sommet se perd dans les touffes d’arbres.
Flotter entre deux dans la clarté maintenue, porté par le parfum des tilleuls.
Pierre Chappuis, À portée de la voix, José Corti, 2003, p. 23.
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17/01/2024
Henri Michaux, Poteaux d'angle
Village de guêpes. En as-tu connu d’autres ? Sinon, tu te serais habitué.
En combien d’autres sociétés, d’autres climats, d’autres époques aurais-tu pareillement été un raté ? Question à te poser.
Cela fait peur, mais peut guérir de beaucoup d’autosatisfaction injustifiée.
Dans « la civilisation occidentale », tu penses « ma civilisation ».
Si tu demeurais seul sur terre, quand bien même elle serait encore intacte (et même avec quelques-uns dans ton genre), qu’est-ce que tu arriverais à en faire marcher, de ‘ta’ civilisation ?
Si affaissé, brimé, si fini que tu sois, demande-toi régulièrement — et irrégulièrement — « Qu’est-ce qu’aujourd’hui encore je peux risquer ? »
Henri Michaux, Poteaux d’angle, dans Œuvres complètes, III, Pléiade / Gallimard, 2004, p.1055, .1056, 1057, 1062.
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16/01/2024
Henri Michaux, Poteaux d'angle
Le style, cette commodité à se camper et à camper le monde, serait l’homme ? Cette suspecte acquisition dont, à qui l’écrivain qui s’en réjouit, on fait compliment ? Son prétendu don va coller à lui, le sclérosant sourdement. Style : signe (mauvais) de la distance inchangée (mais qui eût pu, eût dû changer), la distance où à tort il demeure et se maintient vis-à-vis de son être et des choses et des personnes, bloqué ! Il s’était précipité dans son style (ou l’avait cherché laborieusement). Pour une vie d’emprunt, il a lâché la totalité, sa possibilité de changement, de mutation. Pas de quoi être fier. Style qui deviendra manque de courage, manque d’ouverture, de réouverture : en somme une infirmité.
Henri Michaux, Poteaux d’angle, dans Œuvres complètes, III, Pléiade/Gallimard, 2004, p. 1054-1055.
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15/01/2024
Henri Michaux, Émergences-résurgences
Dès que je commence, dès que se trouvent mises sur le papier noir quelques couleurs, elle cesse d’être une feuille, et devient nuit. Les couleurs posées presque au hasard sont devenues des apparitions ... qui sortent de la nuit.
Arrivé au noir. Le noir ramène au fondement, à l’origine.
Base des sentiments profonds. De la nuit vient l’inexpliqué, le non-détaillé, le non rattaché à des causes visibles, l’attaque par surprise, le mystère, le religieux, la peur..., et les monstres, ce qui sort du néant, non d’une mère.
Henri Michaux, Émergences-résurgences, dans Œuvres complètes, III, Pléiade/Gallimard, 2004, p. 556-7-8.
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14/01/2024
Henri Michaux, Façons d'endormi, façons d'éveillé
Le rêve, on le sait, donne des équivalences ; assez avilissantes le plus souvent, et terre à terre.
On n’y reconnaît très mal ce qui, de jour, est considéré avec enthousiasme ou idéalisme. L’amour n’y échappe pas. Le sentiment qui en faisait l’unité, qui en donnait le sens et l’atmosphère disparaît, comme s'il ne comptait pas. La matérialité est mise au premier plan. Non pas que le rêve salisse nécessairement l’amour. Mais plutôt il ne le voit pas, ni du reste la haine, ou l’aversion. Les sentiments le font songer à des objets, les objets ordinaires de notre vie quotidienne, de notre ordinaire le plus ordinaire. Il faut qu’il dénature, qu’il passe à des choses, et les choses mêmes, qu’il les fasse passer dans une autre catégorie.
Henri Michaux, Façons d’endormi, façons d’éveillé, dans Œuvres complètes, III, Pléiade/Galimard, 2004, p. 495.
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13/01/2024
Henri Michaux, Passages
Combien d’araignées sont mortes, desséchées, attendant des mouches succulentes tout près, tout près, mais pas assez près néanmoins, et sont tombées pour finir, grises, légères, délicates, que la vie n’a pas entretenues et qu’elle eût entretenues laides et déplaisantes, vulgaires.
Henri Michaux, Passages, dans Œuvres complètes, II, Pléiade / Gallimard, 2001, p. 346.
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12/01/2024
Henri Michaux, La Vie dans les plis
Aux portes de la ville
Je fus pris aux portes de la ville par un étrange resserrement.
Des milliers, des milliers de bouchers, l’arme levée, attendaient le premier bébé qui s’en viendrait vers eux.
Des cochers, sur des fiacres (on entendait partout les bruits de roulement sur les pavés), des cochers conduisaient vers eux ces jeunes enfants.
Et il en circulait ! Oh, ce qu’il en circulait ! Cependant aucun n’arrivait jusqu’ici.
C’est, je suppose, qu’il y avait chute.
La ville était un innombrable puits.
Henri Michaux, La Vie dans les plis, dans Œuvres
complètes, II, Pléiade / Gallimard, 2001, p. 193.
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11/01/2024
Liliane Giraudon, La jument de Troie : recension
Dans un "livre d’artiste" contemporain, dessins ou peintures accompagnent des poèmes, accompagnement dont les écrits peuvent souvent se passer. Tout autres sont les livres dans lesquels poèmes et dessins sont étroitement liés, hier par exemple avec Les Mains libres, "Dessins de Man Ray illustrés par les poèmes de Paul Éluard", aujourd’hui Pierre Alferi écrivain et dessinateur dans divers chaos. Le dessin ou la calligraphie est parfois le poème lui-même ; souvenons-nous qu’Apollinaire avait eu le projet de réunir ses calligrammes sous le titre Et moi aussi je suis peintre.
Liliane Giraudon propose un titre, par exemple "Poème intervalle", calligraphié en vert, et ce qui pourrait être la représentation en couleurs, mauve et vert, de ce qui est alors interprété comme un intervalle. Le lien entre titre et dessin stylisé semble clair la plupart du temps ; par exemple encore, sous "poème casserole" le dessin d’une casserole que l’on reconnaît comme telle sans le secours du titre. Dans bien des cas pourtant, le dessin pourrait représenter tout à fait autre chose que ce qu’annonce le titre ; la relation entre un ovale rouge et le titre "poème vaginal" n’existe que par leur proximité, de même, cet ovale rouge traversé par une ligne ne sera pas toujours reconnu, sans son titre, pour être une vulve. Les critères en œuvre sont très variés — c’est un des plaisirs de la lecture que de chercher les liens entre l’écrit, qui est une annonce et le dessin : « poème toasté » laisserait penser qu’un poème pourrait être (sur) un toast…, le dessin donne à voir deux toasts qui portent quelques traits (6 et 8) à interpréter comme étant de l’écriture (donc le poème écrit), ou le dessin lui-même est le poème.
On échoue parfois à lire une relation qui devait être évidente pour l’auteure. Le titre "Poème maman" précède une série de lignes, de couleurs différentes, qui se croisent, chacune ayant une entrée en bas de page mais aucune de sortie ; on peut imaginer bien des connotations, pas vraiment positives ici, attachées au rapport à la mère. Il est plus difficile, semble-t-il, d’interpréter la relation entre le titre "Poème papa" et le dessin qui le suit, sorte d’intestin en trois parties, rouge, verte, bleue : c’est un des cas où la sagacité du lecteur est nécessaire. Pour l’ensemble, on peut apprécier l’humour (parfois potache) de l’auteure. Le "Poème singe" surmonte un buste, le visage seulement figuré par le tracé de la tête et une forme orangée à l’intérieur ; l’ensemble est en rapport avec le texte, paginé, qui précède les dessins titrés et est annoncé par « Guenon, je singe ».
Le passage du singe à la guenon est analogue à la substitution de la jument au cheval dans le titre du livre ; Liliane Giraudon précise qu’ici « Pénélope répond à Ulysse. / Ithaque c’est terminé. Elle ne brode plus mais dessine… ». Elle rapporte aussi dans les quelques pages liminaires son parcours d’écrivaine, transformée par la lecture de Reznikoff, la maladie (« Arrivée du crabe ») qui l’a conduite au dessin, « Dans une pratique de substitution ». Elle évoque le Bauhaus et la Black Mountain, deux lieux d’expériences et de formation qu’elle aurait souhaité connaître, et Anni Albers artiste textile qui y fut présente. À partir de la « séquestration imposée à tous », en 2020, elle entreprend chaque jour ces « Poèmes)(Dessins », devenus aujourd’hui, ajoute-t-elle, une « Sorte d’acte de survivance. Traçant les lignes de ma propre survie comme celles de l’objet du poème ».
Pour le lecteur, qui passe du "Poème aphasique" au "Poème casselangue", outre le plaisir de découvrir cette accumulation de poèmes-dessins, il ne manquera pas de s’interroger à propos de ce qui est « poésie » (voir Les Mains libres). Au moins lira-t-il la fin de l’introduction de la guenon : « La quasi-manie d’une « qui ne sait pas dessiner » devient un virus dans la Forteresse du Monument-Poésie ».
Liliane Giraudon, La jument de Troie, P.O.L, 2023, np, 18 €. Cette recension été publiée dans Sitaudis le 17 novembre 2023.
P.O.L, 2023
np
18 €
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