04/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Pourquoi se déplacer ? D’une certaine hauteur de rêve, on voit tout.
À relire des vieilles lettres, j’éprouve déjà un plaisir de vieux.
Métro : on entre dans la gueule populaire.
Travailler à n’importe quoi, c’est-à-dire faire de la critique.
La mort ne nous prend peut-être que tout à fait développés : ma lenteur à croître me rassure.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1097, 1097, 1103, 1104, 1108.
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03/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.
On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.
Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.
Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.
Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.
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Jules Renard, Journal, 1887-1910
Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.
On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.
Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.
Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.
Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.
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Jules Renard, Journal, 1887-1910
Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.
On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.
Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.
Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.
Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.
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Jules Renard, Journal, 1887-1910
Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.
On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.
Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.
Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.
Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.
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02/11/2023
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin
Quelque chose comme la métaphore de l’arc
Qui n’est jamais assez près pour voir la flèche
Toucher la cible. Je reste un mystère pour mon père.
Mon père reste un mystère pour moi.
Le christianisme est une religion construite autour d’un père
Qui ne sauve pas son fils. C’est l’histoire
D’un fils dont le père est un esprit. Personne
Ne mentionne le nom de la sœur de Jésus. Rien n’est écrit
À son propos. Elle n’eut pas d’enfants, elle avait
La quarantaine la première fois qu’elle changea l’eau en vin.
S’épanouissant sur le tard, elle démarra un petit négoce
De vin et voyages partout dans le monde pour vendre ce vin.
Elle portait le même nom que son vin.
Je ne me souviens pas deu nom de ce vin.
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin, traduction Guillaume Condello, collection Sing, Le Corridor bleu, 2023, p. 61.
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01/11/2023
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin
Je pensais que nous pourrions aussi bien chanter les fables de la mer Pour emplir nos bouches avant de faire voile et chasser la baleine.
Je pensais que nous pourrions aussi bien chanter la sensation
De la mer, mouvante autour de la baleine comme un pelage.
La couleur de l’eau a toujours la température
D’un miroir. Je pensais que nous pourrions noyer
Nos reflets dans un balancement comme nos chants
Sur mère maline et mère malheur, les toasts
Portés avec une eau bleu sombre, presque
Indigo, tirée au seau du puits avant de mettre à la voile.
Route des baleines métaphorise la mer. Machine à voyager dans le temps
Métaphorise l’esprit. Vivant métaphorise
L’électrifié. Je pensais que nous pourrions chanter
La corde enroulée autour de la morsure du sentiment.
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin,
traduction Guillaume Condello, collection Sing, Le Corridor bleu, 2023, p. 123.
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31/10/2023
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin
Mais jamais il n’y eut d’hystérie de l’homme noir :
Comme si tu n’étais pas l’époux de Toni Morrisson,
Forcé par l’amour à la regarder fleurir, de même qu’à littéralement
Prendre en volume. Les boucles de ses cheveux empêchaient
Ta peau de jamais toucher la sienne. Tu n’as jamais
Senti le creux de sa nuque, bien que tu l’aies aperçu
Quand sa tête s’inclinait pour illuminer le papier. Comme si
Tout était outil ou arme. Souvent, tu as offert
Ta mesure, mais elle préférait son propre chant.
Comme si elle voulait rendre ta noirceur plus étrange,
Plus élaborée, plus caractéristique, finement accordée
Et raffinée. Soap Head church, Empire State, Guitar,
Gideon, Son. L’hystérie consistant à se multiplier et se diviser
Dans l’esprit de ton amoureux jusqu’à en perdre l’esprit.
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin,
traduction Guillaume Condello, préface Pierre Vinclair, Le corridor bleu, 2023, p. 57.
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30/10/2023
K.O.S.H.K.O.NO.N.G, n° 24, Printemps 2023
Charles Bernstein, ouvre cette livraison avec "Albiach" et explique comment il a abordé la traduction de Claude Royet-Journoud et Anne-Marie Albiach. Il s’agissait pour lui de retrouver des équivalents syntaxiques et phoniques en passant d’une langue à une autre ; ainsi Travail vertical et blanc est traduit par « work vertical and blank aux dépens du plus conventionnel vertical and white work ». Ce choix évoque irrésistiblement, dans un tout autre contexte, les pratiques de Louis Wolfson qui, new yorkais, ne pouvait supporter d’entendre la langue anglaise, trouvait instantanément pour les mots honnis un équivalent phonique dans une autre langue (1). Berstein précise qu’il a procédé autrement pour traduire Olivier Cadiot, laissant un peu à l’écart une approche homophonique. Il privilégie toujours une traduction « riche » qui abandonne « les réverbérations sémiotiques et soniques » au profit de « la création d’une valeur poétique compensatoire », la traduction la plus satisfaisante introduisant « des traces de l’intraduisible ». Il faut se réjouir avec Charles Bernstein à l’idée qu’on puisse lire plusieurs traductions d’un texte ; c’est en effet heureux que l’on dispose, par exemple, d’une dizaine de traductions des Élégies de Duino de Rilke et même un peu plus des sonnets de Shakespeare.
Pour prendre un autre exemple, le titre de la comédie de Pope, The Rapt of the Lock a toujours été traduit, aux XVIIIe et XIXe siècles, par Une boucle de cheveux enlevée, reprise écartée par Pierre Vinclair dont le choix conviendrait à Charles Bernstein puisqu’il traduit par Le Rapt de la boucle. Ici, Pierre Vinclair, sous le titre "L’amour du Rhône, 10 [L’Origine du Rhône]" (2), propose d’abord un poème autour d’un tableau ; l’eau y sort d’un rocher et « semble vivante », passe « entre les cuisses pierreuses / De la terre » et « jouit Méditerranée » et le dernier vers porte le nom « G. Courbet ». Ces éléments lient le tableau au devenu célèbre "l’Origine du monde" du même peintre. Un commentaire accompagne le poème, ou plutôt le tableau, « le cadre pointe ce qu’il faut regarder », « un drame du temps » : la pierre résiste au mouvement incessant de l’eau, le bois du moulin pourrit. Seconde étape de l’article, réflexions : l’essentiel n’est sans doute pas le « réalisme » de la scène — « le « réalisme » est un élément rhétorique de discours destinés aux institutions ennemies ». Mais échappe au "drame" de l’opposition éphémère-éternel la liberté du ruisseau, comparée dans un second poème ("Portrait de la Vierge") au geste d’une communarde de 1871 qui chargeait un canon, « Sous un morceau de ciel déserté / Par les faux dieux ». Liberté que les visiteurs, pour la plupart, ne comprennent pas, ne conservant qu’une image avec leur téléphone. Conclusion : « Qu’est-ce que c’est que ça ? » Ce que le regard, le plus souvent, oublie ou ne voit pas dans le tableau, dans le cadre, « C’est le point échappant au temps que l’on rencontre dans le temps, le noyau de nécessité trouvé dans l’abandon à la plus parfaite contingence ». Pour qui le lit, on reconnaît la pratique de Pierre Vinclair, de la lecture d’une œuvre à la construction d’éléments théoriques. Rappelons, en lien avec le commentaire du tableau, qu’il a publié un roman où la Commune de Paris a sa place, La Fosse commune.
On pourrait parler de contingence devant le « poème visuel » de Susan Howe, en quatrième de couverture. Extrait d’un ensemble (Concordance, page 44), il rassemble par collage des fragments disparates, lisibles ou non, en anglais et en français. On notera cependant une relation entre les morceaux assemblés : la première ligne en français donne des noms d’arbres (sycomore, palmier), dans les débris en anglais qui suivent, on lit « tree » (arbre) et « destroy » (détruire) — s’agirait-il de couper des arbres pour la pâte à papier ? — et la dernière trace lisible se rapporte à la fabrication avec du papier… Tout collage donne loisir au lecteur d’inventer son texte.
La poésie de Claude Royet-Journoud est certainement difficile à traduire si l’on n’accepte pas de la lire sans vouloir y trouver une narration, un développement lyrique. C’est une expérience de lecture qui consiste à ne pas, à partir du poème, vouloir retrouver les faits et gestes du quotidien. Certes, quelques séquences semblent rapporter des moments d’une histoire amoureuse, comme celle-ci : « c’est l’endroit où / jambes pendantes frôlant la mer / tout ce que j’écris te désigne », où est donnée la relation essentielle du je-tu — je implique (désigne) tu ; l’on peut relever, si la mémoire est active, des séquences (« portrait d’une étreinte / portrait d’un apprentissage ») et des mots qui pourraient être mis en relation avec cet énoncé "amoureux" (chambre, amour, fente, torse / charnel). Il semble pertinent de prendre chacun de ces énoncés pour un fragment du monde. Fragments du monde qui se succèdent et, en même temps, jeu des mots qui permettent de les constituer : les termes grammaticaux, comme des personnages, construisent eux aussi le poème (voyelle, nom propre, lettres, syllabe, grammaire, etc.) ; les deux niveaux nécessairement indissociables, ce qui est clairement écrit, « au-dessus de la phrase / le corps fut déplacé ».
La dernière livraison de cette revue modeste par sa taille, seulement 28 pages, offre de passionnantes pistes de réflexion sur l’écriture et ses rapports avec la réalité.
- Louis Wolfson, Le Schizo et les langues, préface Gilles Deleuze, Bibliothèque de l’inconscient, Gallimard, 1970.
- "10" renvoie à un livre publié en 2022, L’Éducation géographique
K.O.S.H.K.O.N.O.N.G., numéro 24, Printemps 2023. Cette recension a été publiée par Sitaudis le 25 septembre 2023.
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29/10/2023
Jack Spicer, c'est mon vocabulaire qui m'a fait ça
Livre I, chapitre I, Le bureau de la lettre morte
« Vous ne pouvez pas fermer la porte. Elle est dans le futur », dit l’histoire française alors que cela naissait à Charleville. C’était avant la Guerre Civile et je ne pense pas que même James Buchanan était président.
Il y avait un bureau de la lettre morte dans chaque village français ou ville ou cité de la taille de Paris. Il y en a toujours. Rimbaud était né dans le bureau de poste de Charleville. Il était un grand enfant.
Apollinaire avait l’habitude de jouer au golf pendant que d’autres tiraient à la mitrailleuse. De gros papillons essayaient de le libérer des libéraux minesprits. Mais Rimbaud rampait jusqu’à la page qui le démarquait de ses neveux.
Cela était né.
Jack Spicer, Un faux roman sur la vie d’Arthur Rimbaud [posthume], in c’est mon vocabulaire qui m’a fait ça, éditions Le Bleu du Ciel, 2006, p. 216.
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28/10/2023
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné
... Quand donc, quand donc, quand donc y en aura-t-il assez de la plainte et de la parole ? N’y eut-il pas des maîtres
experts dans l’art de lier les mots humains ? Pourquoi donc les nouvelles tentatives ?
Est-ce donc, est-ce donc, est-ce donc que du livre
les hommes ne sont pas là comme d’une cloche qui ne cesse de sonner ?
Et lorsqu’entre deux livres le ciel silencieux t’apparaît : jubile ! – ou aussi bien un coin de simple terre dans le soir...
Plus que les orages, plus que les mers, ils ont
lancé des cris, les humains... Quelles surcharges de silence
doivent habiter le cosmos pour que le chant du grillon
nous soit demeuré audible, à nous, hommes vociférants, et pour que les étoiles
nous semblent silencieuses, dans cet éther que nous invectivons !
Mais c’est à nous qu’ils ont parlé, les très lointains, les anciens, les très anciens pères !
Et nous : écoutons-les enfin ! Nous, les premiers à les écouter.
.Hann wird, wann wird, wann vird es genügen
das Klagen und Sagen ? Waren nicht Meister im Fügen
menschlicher Worte gekommen ? Warum die neuen Versuche ?
Sind nicht, sind nicht, sind nicht vom Buche
die Menschen geschlagen wie von fortwährender Glocke ?
Wenn dir, zwischen zwei Büchern, schweigender Himmel erscheint : frohlocke...,
oder ein Ausschnitt einfacher Erde im Abend.
Meht als die Stürme, mehr als die Meere haben
die Menschen geschrieen... Welche Übergewichte von Stille
müssen im Weltraum wohnen, da uns die Grille
hörbar blieb, uns schreienden Menschen. Da uns die Sterne
schweigende scheinen, im angeschrieenen Äther !
Redeten uns die fernsten, die alten und ältesten Väter !
Und wir : Hörende endlich ! Die ersten hörenden Menschen.
Rainer Maria Rilke, Chant éloigné, Poèmes et fragments, édition bilingue, traduit de l’allemand par Jean-Yves Masson, Verdier, 1990, p. 26-27, et Verdier / poche, 2007.
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27/10/2023
Liliane Giraudon, Divagation des chiens
« À force. À force de rêver d’un autre lecteur, j’en suis arrivée à imaginer une sorte de "manœuvre" pour échapper au rang des poètes qui d’ailleurs n’ont jamais voulu de moi. "Enfantillages", mais c’est vrai. La seule appartenance mythique et impersonnelle que je désirais, c’était celle-là. Je mesure mieux maintenant ces larmes versées à la lecture d’une lettre de Hölderlin où il déclarait simplement "les hommes ont-ils donc réellement honte de moi ?" Parlait-il de lui ou de l’ensemble de ce qu’il avait déjà écrit ? Je sais bien. Il ne faut pas mélanger. Son corps, soi-même, l’écriture (Ah ! l’horrible imbécillité de ceux qui bavent "moderne", estampillent la moindre affichette, la plus petite liste artistique. Comme si le poème avait à s’ordonner à l'art ou à une quelconque idée neuve du beau. Comme si écrire était un jeu. Du savoir-faire avec en prime quoi ? Quel risque ?) Il m’a fallu du temps pour comprendre. Agencer formellement sur du rien à dire, ce néant d’après dans le vacarme d’un monde plus sanglant et stupide que celui des siècles précédents, non. Ce que je voulais, c’était tout simplement la fatalité comme ajustement. Non pas "ma vie sans moi", mais le poème sans moi. J’ai manqué de forces. Je ne pouvais vivre cette évidence. Alors il y eut les exercices spirituels pour ne plus écrire. J’ai cru que j’allais devenir folle. Depuis, sur les bords de l’étang où je fais de longues marches jusqu’à la tombée du jour, j’ai ramassé un chien. Il ne me quitte plus. Nous mangeons strictement la même chose : viande crue.
Je ne bois plus que de l’eau. Je suis devenue chaste. Mes cheveux ont blanchi mais ils sont toujours aussi longs. Ne m’envoie plus rien. C’est vraiment inutile. Je ne veux plus lire. Ni rien savoir. Je t’en prie, n’insiste plus pour les traductions d’Émilie Dickinson. Je les ai toutes détruites cet hiver. Dans le petit poêle. Tu as raison. J’ai trahi, mais "fidèlement". Ce retournement connu de nous seules ne pouvait être que catégorique.
Hölderlin, Celan ou Pessoa deviendront des otages. C’est le Retour. Saison très noire pour ceux qui poursuivent. Ici les premières violettes apparaissent. Il suffit d’écarter doucement les herbes. Chasser de son cœur la mortelle impatience. Commencer vraiment la véritable attente. Celle concernant ceux qui enfin n’attendent plus rien... »
Liliane Giraudon, Divagation des chiens, P.O.L., 1988, p. 14-15.
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26/10/2023
Danielle Collobert, Dire II
Corps là
noué
noué aux mots
l’étranglement du souffle
perte du sol
pendu
balancement à l’intérieur des mots – trouées –
vide
approche de la folie
peur continuelle de la fuite verticale
les mots en spirale fuyante – aspirée
sans prise
sans arrêt
tremblement
un cri
peur continuelle – absence de mots – gouffre
ouvert – descente – descente
mains accrochées au visage
toucher
corps là
résistance –
entendre encore le souffle – quelque part
à l’instant savoir – souffle là
à l’écoute du bruit
affolement
tendu pour entendre
tendu pour résister
jusqu’à la limite – l’immobilité
sursaut
cassure
encore sombrer – descendre – ou aspiré au loin
– ou fatigue – désespoir
Danielle Collobert, Dire II, dans Œuvres I, P. O. L., 2004, p. 256-257.
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25/10/2023
Danielle Collobert, Dire II
la seule chose – recommencer encore – si possible – encore une fois des mots – l’quivalent d’une mort – ou le contraire même – ou peut-être rien
être ici – le calme – épuisant de tension – le monde autour qui ne s’arrête pas – mais pourrait s’arrêter – le souffle qui pourrait s’arrêter maintenant – un instant après l’autre – même égalité plane –même dureté froide – même goût fade et doux – supporter encore d’aller vers d’autres moments pareils – continuer seulement le souffle – la respiration – prolonger le regard – simplement
sans doute – une certaine confusion –auparavant – chaque événement détruit par lui-même – passant d’une chose à l’autre – revenant en arrière – avançant – imprévisible – dans un avenir imaginé – s’acccrochant autour de lui à toutes les rugosités – à tous les angles
Danielle Collobert, Dire II, dans Œuvres I, P. O. L., 2004, p. 211.
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24/10/2023
Étienne Faure, Vol en V
L’interférence des yeux sous le porche
où nous nous sommes abrités à cause
de l’eau qui fait rage, bel orage, électrise
l’arcade, commence à nous envouter au point
de non-retour à nos destinées respectives, désirs
qu’il pleuve, qu’il pleuve, bergère urbaine
sous la voûte en abîme que la vie reflète,
inverse,
U
l’air est connu, mais on se fait reprendre
aux yeux de lac artificiel au bord de l’hydro-
électrique décharge entre deux averses — arcane,
c’est un peu moi qui suis là-bas dans ses yeux
quand elle regarde en long et en large où aller,
pressentant l’impossible retrait en arrière-
saison, chez soi, faux domicile, à présent plongée
en son for intérieur, enfance avec,
et tout ce qui s’y verse — la pluie redouble —
si proche et fluide est la vision d’autrui,
soudain clairvoyance.
sous le porche
Étienne Faure, Vol en V, Gallimard, 2022, p. 49.
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