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08/11/2023

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Dans ce coin du monde qu’est un village, il y a à peu près toute l’humanité.

La vanité est le sel de la vie.

Livres. Il suffit de lire les cinquante premières pages et de découper le reste.

J’avoue que parfois la nature m’embête. C’est une saveur de plus que je lui dois : celle de l’ennui.

La Bruyère, le seul dont dix lignes lues au hasard ne déçoivent jamais.

 

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1182, 1186, 1191, 1191, 1195.

07/11/2023

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Je ne sais jamais rien, et j’ai toujours le plaisir d’apprendre n’importe quoi.

Les hommes naissent égaux. Dès le lendemain ils ne le sont plus.

Oui, je m’ennuie, mais l’ennui ne fait pas mal comme un autre sentiment : colère, orgueil, désir, etc.

Une seule expérience se fortifie en moi : tout dépend du travail. On lui doit tout, et c’est le grand régulateur de la vie.

Une fenêtre sur la rue vaut un théâtre.

 Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1130, 1132, 1147, 1148, 1148.

 

06/11/2023

Oiseaux

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Photos T. H.

05/11/2023

Jules Renard, Journal, 1887-1910

 

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Se défier des principes qui rapportent beaucoup d’argent.

Ma peur, quand je marche derrière une femme, qu’elle s’imagine que je la suis.

Un jeune qui n’a pas de talent, c’est un vieux.

Ils sont encore chrétiens parce qu’ils croient que leur religion excuse tout.

On s’habitue à n’être jamais malade.

Rongé de modestie.

 

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965,

p. 1111, 1112, 1112, 1117, 1121, 1129.

04/11/2023

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Pourquoi se déplacer ? D’une certaine hauteur de rêve, on voit tout.

À relire des vieilles lettres, j’éprouve déjà un plaisir de vieux.

Métro : on entre dans la gueule populaire.

Travailler à n’importe quoi, c’est-à-dire faire de la critique.

La mort ne nous prend peut-être que tout à fait développés : ma lenteur à croître me rassure. 

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1097, 1097, 1103, 1104, 1108.

03/11/2023

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.

On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.

Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.

Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.

Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.

On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.

Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.

Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.

Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.

On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.

Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.

Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.

Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.

Jules Renard, Journal, 1887-1910

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Il y a place au soleil pour tout le monde, mais ce n’est pas la place de la Concorde.

On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures.

Pourquoi tant jouir ? Ne pas jouir est aussi amusant, et ça fatigue moins.

Un socialiste, indépendant jusqu’à ne pas craindre le luxe.

Chaque fois que je veux me mettre au travail, je suis dérangé par la littérature.

Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1087, 1089, 1090, 1096, 1097.

02/11/2023

Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin

 

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Quelque chose comme la métaphore de l’arc

Qui n’est jamais assez près pour voir la flèche

Toucher la cible. Je reste un mystère pour mon père.

Mon père reste un mystère pour moi.

Le christianisme est une religion construite autour d’un père

Qui ne sauve pas son fils. C’est l’histoire

D’un fils dont le père est un esprit. Personne

Ne mentionne le nom de la sœur de Jésus. Rien n’est écrit

À son propos. Elle n’eut pas d’enfants, elle avait

La quarantaine la première fois qu’elle changea l’eau en vin.

S’épanouissant sur le tard, elle démarra un petit négoce

De vin et voyages partout dans le monde pour vendre ce vin.

Elle portait le même nom que son vin.

Je ne me souviens pas deu nom de ce vin.

 

Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin, traduction Guillaume Condello, collection Sing, Le Corridor bleu, 2023, p. 61.

01/11/2023

Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin

             Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin, sentiment, métaphore

Je pensais que nous pourrions aussi bien chanter les fables de la mer Pour emplir nos bouches avant de faire voile et chasser la baleine.

Je pensais que nous pourrions aussi bien chanter la sensation

De la mer, mouvante autour de la baleine comme un pelage.

La couleur de l’eau a toujours la température

D’un miroir. Je pensais que nous pourrions noyer

Nos reflets dans un balancement comme nos chants

Sur mère maline et mère malheur, les toasts

Portés avec une eau bleu sombre, presque

Indigo, tirée au seau du puits avant de mettre à la voile.

Route des baleines métaphorise la mer. Machine à voyager dans le temps

Métaphorise l’esprit. Vivant métaphorise

L’électrifié. Je pensais que nous pourrions chanter

La corde enroulée autour de la morsure du sentiment.

 

Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin,

traduction Guillaume Condello, collection Sing, Le Corridor bleu, 2023, p. 123.

31/10/2023

Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin

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Mais jamais il n’y eut d’hystérie de l’homme noir :

Comme si tu n’étais pas l’époux de Toni Morrisson,

Forcé par l’amour à la regarder fleurir, de même qu’à littéralement

Prendre en volume. Les boucles de ses cheveux empêchaient

Ta peau de jamais toucher la sienne. Tu n’as jamais

Senti le creux de sa nuque, bien que tu l’aies aperçu

Quand sa tête s’inclinait pour illuminer le papier. Comme si

Tout était outil ou arme. Souvent, tu as offert

Ta mesure, mais elle préférait son propre chant.

Comme si elle voulait rendre ta noirceur plus étrange,

Plus élaborée, plus caractéristique, finement accordée

Et raffinée. Soap Head church, Empire State, Guitar,

Gideon, Son. L’hystérie consistant à se multiplier et se diviser

Dans l’esprit de ton amoureux jusqu’à en perdre l’esprit.

 

Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin,

traduction Guillaume Condello, préface Pierre Vinclair, Le corridor bleu, 2023, p. 57.

30/10/2023

K.O.S.H.K.O.NO.N.G, n° 24, Printemps 2023

 

Charles Bernstein, ouvre cette livraison avec "Albiach" et explique comment il a abordé la traduction de  Claude Royet-Journoud et Anne-Marie Albiach. Il s’agissait pour lui de retrouver des équivalents syntaxiques et phoniques en passant d’une langue à une autre ; ainsi Travail vertical et blanc est traduit par «  work vertical and blank aux dépens du plus conventionnel vertical and white work ». Ce choix évoque irrésistiblement, dans un tout autre contexte, les pratiques de Louis Wolfson qui, new yorkais, ne pouvait supporter d’entendre la langue anglaise, trouvait instantanément pour les mots honnis un équivalent phonique dans une autre langue (1). Berstein précise qu’il a procédé autrement pour traduire Olivier Cadiot, laissant un peu à l’écart une approche homophonique. Il privilégie toujours une traduction « riche » qui abandonne « les réverbérations sémiotiques et soniques » au profit de « la création d’une valeur poétique compensatoire », la traduction la plus satisfaisante introduisant « des traces de l’intraduisible ».  Il faut se réjouir avec Charles Bernstein à l’idée qu’on puisse lire plusieurs traductions d’un texte ; c’est en effet heureux que l’on dispose, par exemple, d’une dizaine de traductions des Élégies de Duino de Rilke et même un peu plus des sonnets de Shakespeare.

 

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Pour prendre un autre exemple, le titre de la comédie de Pope, The Rapt of the Lock a toujours été traduit, aux XVIIIe et XIXe siècles, par Une boucle de cheveux enlevée, reprise écartée par Pierre Vinclair dont le choix conviendrait à Charles Bernstein puisqu’il traduit par Le Rapt de la boucle. Ici, Pierre Vinclair, sous le titre "L’amour du Rhône, 10 [L’Origine du Rhône]" (2), propose d’abord un poème autour d’un tableau ; l’eau y sort d’un rocher et « semble vivante », passe « entre les cuisses pierreuses / De la terre » et « jouit Méditerranée » et le dernier vers porte le nom « G. Courbet ». Ces éléments lient le tableau au devenu célèbre "l’Origine du monde" du même peintre. Un commentaire accompagne le poème, ou plutôt le tableau, « le cadre pointe ce qu’il faut regarder », « un drame du temps » : la pierre résiste au mouvement incessant de l’eau, le bois du moulin pourrit. Seconde étape de l’article, réflexions : l’essentiel n’est sans doute pas le « réalisme » de la scène — « le « réalisme » est un élément rhétorique de discours destinés aux institutions ennemies ». Mais échappe au "drame" de l’opposition éphémère-éternel la liberté du ruisseau, comparée dans un second poème ("Portrait de la Vierge") au geste d’une communarde de 1871 qui chargeait un canon, « Sous un morceau de ciel déserté / Par les faux dieux ». Liberté que les visiteurs, pour la plupart, ne comprennent pas, ne conservant qu’une image avec leur téléphone. Conclusion : « Qu’est-ce que c’est que ça ? » Ce que le regard, le plus souvent, oublie ou ne voit pas dans le tableau, dans le cadre, « C’est le point échappant au temps que l’on rencontre dans le temps, le noyau de nécessité trouvé dans l’abandon à la plus parfaite contingence ». Pour qui le lit, on reconnaît la pratique de Pierre Vinclair, de la lecture d’une œuvre à la construction d’éléments théoriques. Rappelons, en lien avec le commentaire du tableau, qu’il a publié un roman où la Commune de Paris a sa place, La Fosse commune.

On pourrait parler de contingence devant le « poème visuel » de Susan Howe, en quatrième de couverture. Extrait d’un ensemble (Concordance, page 44), il rassemble par collage des fragments disparates, lisibles ou non, en anglais et en français. On notera cependant une relation entre les morceaux assemblés : la première ligne en français donne des noms d’arbres (sycomore, palmier), dans les débris en anglais qui suivent, on lit « tree » (arbre) et « destroy » (détruire) — s’agirait-il de couper des arbres pour la pâte à papier ? — et la dernière trace lisible se rapporte à la fabrication avec du papier… Tout collage donne loisir au lecteur d’inventer son texte.

 

La poésie de Claude Royet-Journoud est certainement difficile à traduire si l’on n’accepte pas de la lire sans vouloir y trouver une narration, un développement lyrique. C’est une expérience de lecture qui consiste à ne pas, à partir du poème, vouloir retrouver les faits et gestes du quotidien. Certes, quelques séquences semblent rapporter des moments d’une histoire amoureuse, comme celle-ci : « c’est l’endroit où / jambes pendantes frôlant la mer / tout ce que j’écris te désigne », où est donnée la relation essentielle du je-tuje implique (désigne) tu ; l’on peut relever, si la mémoire est active, des séquences (« portrait d’une étreinte / portrait d’un apprentissage ») et des mots qui pourraient être mis en relation avec cet énoncé "amoureux" (chambre, amour, fente, torse / charnel). Il semble pertinent de prendre chacun de ces énoncés pour un fragment du monde. Fragments du monde qui se succèdent et, en même temps, jeu des mots qui permettent de les constituer : les termes grammaticaux, comme des personnages, construisent eux aussi le poème (voyelle, nom propre, lettres, syllabe, grammaire, etc.) ; les deux niveaux nécessairement indissociables, ce qui est clairement écrit, « au-dessus de la phrase / le corps fut déplacé ».

 

La dernière livraison de cette revue modeste par sa taille, seulement 28 pages, offre de passionnantes pistes de réflexion sur l’écriture et ses rapports avec la réalité. 

  1. Louis Wolfson, Le Schizo et les langues, préface Gilles Deleuze, Bibliothèque de l’inconscient, Gallimard, 1970.
  2. "10" renvoie à un livre publié en 2022, L’Éducation géographique

 K.O.S.H.K.O.N.O.N.G., numéro 24, Printemps 2023. Cette recension a été publiée par Sitaudis le 25 septembre 2023.

 

29/10/2023

Jack Spicer, c'est mon vocabulaire qui m'a fait ça

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Livre I, chapitre I, Le bureau de la lettre morte

 

« Vous ne pouvez pas fermer la porte. Elle est dans le futur », dit l’histoire française alors que cela naissait à Charleville. C’était avant la Guerre Civile et je ne pense pas que même James Buchanan était président.

Il y avait un bureau de la lettre morte dans chaque village français ou ville ou cité de la taille de Paris. Il y en a toujours. Rimbaud était né dans le bureau de poste de Charleville. Il était un grand enfant.

Apollinaire avait l’habitude de jouer au golf pendant que d’autres tiraient à la mitrailleuse. De gros papillons essayaient de le libérer des libéraux minesprits. Mais Rimbaud rampait jusqu’à la page qui le démarquait de ses neveux.

Cela était né.

 

Jack Spicer, Un faux roman sur la vie d’Arthur Rimbaud [posthume], in c’est mon vocabulaire qui m’a fait ça, éditions Le Bleu du Ciel, 2006, p. 216.

28/10/2023

Rainer Maria Rilke, Chant éloigné

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... Quand donc, quand donc, quand donc y en aura-t-il assez de la plainte et de la parole ? N’y eut-il pas des maîtres

experts dans l’art de lier les mots humains ? Pourquoi donc les nouvelles tentatives ?

 

Est-ce donc, est-ce donc, est-ce donc que du livre

les hommes ne sont pas là comme d’une cloche qui ne cesse de sonner ?

Et lorsqu’entre deux livres le ciel silencieux t’apparaît : jubile ! – ou aussi bien un coin de simple terre dans le soir...

 

Plus que les orages, plus que les mers, ils ont

lancé des cris, les humains... Quelles surcharges de silence

doivent habiter le cosmos pour que le chant du grillon

nous soit demeuré audible, à nous, hommes vociférants, et pour que les étoiles

nous semblent silencieuses, dans cet éther que nous invectivons !

 

Mais c’est à nous qu’ils ont parlé, les très lointains, les anciens, les très anciens pères !

Et nous : écoutons-les enfin ! Nous, les premiers à les écouter.

  

.Hann wird, wann wird, wann vird es genügen

das Klagen und Sagen ? Waren nicht Meister im Fügen

menschlicher Worte gekommen ? Warum die neuen Versuche ?

 

Sind nicht, sind nicht, sind nicht vom Buche

die Menschen geschlagen wie von fortwährender Glocke ?

Wenn dir, zwischen zwei Büchern, schweigender Himmel erscheint : frohlocke...,

oder ein Ausschnitt einfacher Erde im Abend.

 

Meht als die Stürme, mehr als die Meere haben

die Menschen geschrieen... Welche Übergewichte von Stille

müssen im Weltraum wohnen, da uns die Grille

hörbar blieb, uns schreienden Menschen. Da uns die Sterne

schweigende scheinen, im angeschrieenen Äther !

 

Redeten uns die fernsten, die alten und ältesten Väter !

Und wir : Hörende endlich ! Die ersten hörenden Menschen.

 

Rainer Maria Rilke, Chant éloigné, Poèmes et fragments, édition bilingue, traduit de l’allemand par Jean-Yves Masson, Verdier, 1990, p. 26-27, et Verdier / poche, 2007.