24/05/2024
Jules Renard, Journal
Cette sensation poignante qui fait qu’on touche à une phrase comme à une arme à feu.
On peut être poète avec des cheveux courts.
On peut être poète et payer son loyer.
Quoique poète, on peut coucher avec sa femme.
Un poète, parfois, peut écrire en français.
Les bourgeois, ce sont les autres.
Cherchez le ridicule en tout, vous le trouverez.
Elle avait une peur ridicule du ridicule.
Jules Renard, Journal, Gallimard/Pléiade, 1965, p. 50, 51, 51, 54, 55.
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30/03/2024
Nicolas Pesquès, La face nord de Juliau, dix-neuf
On aimerait une prose qui épouserait notre promenade, un réel d’écriture et une dilatation d’amour dont on connaîtrait les illusions — le sachant ne le sachant pas— la découverte d’un lieu, la naissance d’un pas composé, aimé pouvant sauter le ruisseau dans l’élan des yeux, des forces en action, la perdrix figée, le lièvre qui a peur, la phrase irait comme ça, la lettre que je vous écrirais en même temps, bien qu’il soit trop tôt pour nous, puis trop tard, la vie ayant passé dans l’intervalle, les temps toujours brisés malgré ces accompagnements et cette malice que les corps si doucement montraient, si souplement la couleuvre glissant mais trop tard aussi, les yeux n’ayant pas eu le temps, ce qui les troublait, les trouble encore, les nôtres pourtant rompus à la fiction mais avides d’instants, sûrs d’avoir rêvé, heureux de n’avoir pas inventé cet éclat pareil de la littérature quand il n’en était pas question entre nous (…)
Nicolas Pesquès, La face nord de Juliau, dix-neuf, Flammarion, 2024, p. 47.
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Nicolas Pesquès, La face nord de Juliau, dix-neuf
On aimerait une prose qui épouserait notre promenade, un réel d’écriture et une dilatation d’amour dont on connaîtrait les illusions — le sachant ne le sachant pas— la découverte d’un lieu, la naissance d’un pas composé, aimé pouvant sauter le ruisseau dans l’élan des yeux, des forces en action, la perdrix figée, le lièvre qui a peur, la phrase irait comme ça, la lettre que je vous écrirais en même temps, bien qu’il soit trop tôt pour nous, puis trop tard, la vie ayant passé dans l’intervalle, les temps toujours brisés malgré ces accompagnements et cette malice que les corps si doucement montraient, si souplement la couleuvre glissant mais trop tard aussi, les yeux n’ayant pas eu le temps, ce qui les troublait, les trouble encore, les nôtres pourtant rompus à la fiction mais avides d’instants, sûrs d’avoir rêvé, heureux de n’avoir pas inventé cet éclat pareil de la littérature quand il n’en était pas question entre nous (…)
Nicolas Pesquès, La face nord de Juliau, dix-neuf, Flammarion, 2024, p. 47.
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08/10/2023
Eugène Savitzkaya, Cochon farci
Comment vais-je mourir demain, par miracle,
aussi brusquement qu’apparu, dans un demi-souffle,
en puanteur commune, avec les roses sur le ventre
et délivré par une fée, né et mort
au même instant, dans l’articulation
de la phrase ?
Eugène Savitzkaya, Cochon farci, éditions de
Minuit, 1996, p. 31.
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10/11/2020
Gottfried Benn, Poèmes
Un mot
Un mot, une phrase — ; des lettres montent
vie reconnue et sens qui fulgurent,
le soleil s’arrête, les sphères se taisent,
tout se concentre vers ce mot.
Un mot — un éclat, un vol, un feu,
un jet de flammes, un passage d’étoiles —
puis à nouveau le sombre le terrible
dans l’espace vide autour du moi et du monde.
Gottfried Benn, Poèmes, traduction Pierre Garnier,
Gallimard, 1972, p. 249.
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