17/11/2023
Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls
mais où s’égare le soleil
où part-il s’égayer
place de la Fraternité
sur de curieux bancs de très grands enfants jouent
ici le temps redouble
il fait nuit brune
j’ignore où commence
la rue que je recherche
oh le terrible
bruit de mon cœur
là dans la fosse de mon corps
incarcéré mais clair comme une gigue
Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls,
Gallimard, 2023, p. 136.
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16/11/2023
Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls
Il y aura partout
dans le spectaculaire ennui
dans ton visage à claire- voie
des brins dans la forêt
tu ne seras pas sourd, grand corps affamé d’ombre
tu prendras quelque chose
un peu de mer vidée
des cendres qui s’attroupent
tous les désordres simples à confondre
à redire
c’est comme un minerai la mort
une caresse des extrêmes
Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls,
Gallimard, 2023, p. 44.
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15/11/2023
Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls
tu te le rappelles
le petit sentie
perdu dans la Ruhr
laid pour tout le monde ?
je l’ai emprunté
dans un rêve entier
il était crayeux
petit chagrin sans âge
je voudrais savoir
à qui je m’adresse
Étienne Paulin, Poèmes pour enfants
seuls, Gallimard, 2023, p. 31.
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14/11/2023
Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls
Dernière offre
la poésie
que l’on surprend au fond de la boutique
derrière la réserve
par-dessus l’extincteur et sous les vies vécues
les destins politiques les drames romancés
horizons cornés
ciels à la va-vite
— comme si vous y étiez : venez voir
on ne paie qu’en sortant
Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls,
Gallimard, 2023, p. 82.
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13/11/2023
Étienne Paulin, Là
Novembre
j’aime les bruits qu’on entend
très haut dans le ville
si loin qu’on se demande
on ne sait pas ce qu’ils racontent
un fracas de grues
de chaînes enragées
ils finissent par nous aimer
parfois plus lointains
quelques-uns s’apostrophent
puis repartent
et je devine le ciel au-dessus d’eux
marbré solide
vainqueur
Étienne Paulin, Là,
Gallimard, 2018, p. 46.
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12/11/2023
Jules Supervielle, La Fable du monde
Celui qui chante dans ses vers,
Celui qui cherche dans ses mots,
Celui qui dit ombres sur blanc
Et blancheurs comme sur la mer
Noirceurs sur tout le continent,
Celui qui murmure et se tait
Pour mieux entendre la confuse
Dont la voix peu à peu s’éclaire
De ce que seule elle a connu,
Celui qui sombre sans regret
Toujours trompé par son secret
Qui s’approche un peu et s’éloigne
Bien plus qu’il ne s’est approché,
Celui qui sait et ne dit pas
Ce qui pèse au bout de ses lèvres
Et, se taisant, ne le dira
Qu’au fond d’une blafarde fièvre
Au pays des murs sans oreilles,
Celui qui n’a rien dans les bras
Sinon une grande tendresse,
Ô maîtresse sans précédent,
Sans regard, sans cœur, sans caresses,
Celui-là vous savez qui c’est
Ce n’est pas lui qui le dira.
Jules Supervielle, Œuvres poétiques complètes,
Pléiade/Gallimard, 1999, p. 385-386.
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Jules Supervielle, La Fable du monde
Celui qui chante dans ses vers,
Celui qui cherche dans ses mots,
Celui qui dit ombres sur blanc
Et blancheurs comme sur la mer
Noirceurs sur tout le continent,
Celui qui murmure et se tait
Pour mieux entendre la confuse
Dont la voix peu à peu s’éclaire
De ce que seule elle a connu,
Celui qui sombre sans regret
Toujours trompé par son secret
Qui s’approche un peu et s’éloigne
Bien plus qu’il ne s’est approché,
Celui qui sait et ne dit pas
Ce qui pèse au bout de ses lèvres
Et, se taisant, ne le dira
Qu’au fond d’une blafarde fièvre
Au pays des murs sans oreilles,
Celui qui n’a rien dans les bras
Sinon une grande tendresse,
Ô maîtresse sans précédent,
Sans regard, sans cœur, sans caresses,
Celui-là vous savez qui c’est
Ce n’est pas lui qui le dira.
Jules Supervielle, Œuvres poétiques complètes,
Pléiade/Gallimard, 1999, p. 385-386.
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11/11/2023
Jules Supervielle, Les Amis inconnus
L'âge
Mains fraîches, et ces yeux si légers et couleur
Des ruisseaux clairs que le ciel presse…
Ce que je nomme encore aujourd’hui ma jeunesse
Quand nul ne peut m’entendre et que même mon cœur
Plein de honte pour moi, fait le sourd, se dépêche,
Me laisse sans chaleur.
Jules Supervielle, Les Amis inconnus
Pléiade/Gallimard, 1999, p. 319.
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10/11/2023
Jules Supervielle, Le Forçat innocent
Solitude au grand cœur encombré par les glaces,
Comment me pourrais-tu donner cette chaleur
Qui te manque et dont le regret nous embarrasse
Et vient nous faire peur ?
Va-t’en, nous ne saurions rien faire l’un de l’autre,
Nous pourrions tout au plus échanger nos glaçons
Et rester un moment les regarder fondre
Sous la sombre chaleur qui consume nos fronts.
Jules Supervielle, Œuvres poétiques complètes,
Pléiade/Gallimard, 1999, p. 241.
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Jules Renard, Journal, 1887-1910
Écrire pour quelqu’un, c’est comme écrire à quelqu’un : on se croit tout de suite de mentir.
Le peuple ne nous comprend pas. Nous le comprenons encore bien moins.
Mes bonheurs, je les ai presque toujours eus par maladresse.
Il vaudrait mieux se taire toujours. On ne dit rien quand on parle. Ou les mots dépassent la pensée, ou ils la diminuent.
Nous avons tous quelqu’un que notre mort arrangerait.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1151, 1152, 1153, 1160, 1164.
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09/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Mon ignorance et l’aveu de mon ignorance, voilà le plus clair de mon originalité.
J’aime assez à me créer moi-même mes ennuis.
Je ne connais qu’une vérité : le travail seul fait le bonheur. Je ne suis sûr que de celle-là, et je l’oublie tout le temps.
N’être bon que pour se faire bien voir, c’est se sentir, au fond, incurable.
La vérité créatrice d’illusions, c’est la seule que j’aime.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/gallimard, 1965, p. 1164, 1170, 1172, 1174, 1181.
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08/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Dans ce coin du monde qu’est un village, il y a à peu près toute l’humanité.
La vanité est le sel de la vie.
Livres. Il suffit de lire les cinquante premières pages et de découper le reste.
J’avoue que parfois la nature m’embête. C’est une saveur de plus que je lui dois : celle de l’ennui.
La Bruyère, le seul dont dix lignes lues au hasard ne déçoivent jamais.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1182, 1186, 1191, 1191, 1195.
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07/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Je ne sais jamais rien, et j’ai toujours le plaisir d’apprendre n’importe quoi.
Les hommes naissent égaux. Dès le lendemain ils ne le sont plus.
Oui, je m’ennuie, mais l’ennui ne fait pas mal comme un autre sentiment : colère, orgueil, désir, etc.
Une seule expérience se fortifie en moi : tout dépend du travail. On lui doit tout, et c’est le grand régulateur de la vie.
Une fenêtre sur la rue vaut un théâtre.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965, p. 1130, 1132, 1147, 1148, 1148.
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06/11/2023
Oiseaux
Photos T. H.
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05/11/2023
Jules Renard, Journal, 1887-1910
Se défier des principes qui rapportent beaucoup d’argent.
Ma peur, quand je marche derrière une femme, qu’elle s’imagine que je la suis.
Un jeune qui n’a pas de talent, c’est un vieux.
Ils sont encore chrétiens parce qu’ils croient que leur religion excuse tout.
On s’habitue à n’être jamais malade.
Rongé de modestie.
Jules Renard, Journal, 1887-1910, Pléiade/Gallimard, 1965,
p. 1111, 1112, 1112, 1117, 1121, 1129.
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