07/04/2019
Étienne Faure, Tête en bas — rencontre, lecture
Étienne Faure et Jean-Baptiste Para pour la remise du prix Max Jacob 2019
Le mot Départ taillé dans la pierre
au fronton de la gare est resté
comme Liberté, Égalité, Fraternité
ou École de garçons il y a beau temps
devenue mixte, cris indécis,
simple inscription, vieil incipit
redoré ou repeint en rouge sang,
et ce départ incrusté fédère
dans les cœurs tous les départs forcés,
volontaires, oubliés qui défilèrent sous le linteau,
entrés par la face nord, ressortis plus tard
sous le pignon opposé annonçant Arrivée,
ces enfants de la patrie, déportés, communards,
sinistrés, réfugiés, revenus plus ou moins,
criant dans le heurt des bagages, sacoches, havresacs,
des mots entre-temps érodés, nullement gravés
en mémoire.
frontons
Étienne Faure, Tête en bas, Gallimard, 2018, p. 116.
Étienne Faure a reçu le prix Max Jacob pour Tête en bas.
Les Éditions Gallimard organisent une rencontre lecture le
mardi 9 avril à 19 h
à la librairie Gallimard, Boulevard Raspail
La lecture rencontre sera animée par
Myrto Gondicas et François Bordes.
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20/03/2019
Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance
L’école
J’ai trois souvenirs d’école :
(…) Le troisième est, apparemment le plus organisé. À l’école on nous donnait des bons points. C’étaient des petits carrés de carton jaunes ou rouges sur lesquels il y avait écrit : 1 point, encadré d’une guirlande. Quand on avait eu un certain nombre de bons points dans la semaine, on avait droit à une médaille. J’avais envie d’avoir une médaille et un jour je l’obtins. La maîtresse l’agrafa sur mon tablier. À la sortie dans l’escalier, il y eut une bousculade qui se répercuta de marche en marche et d’enfant en enfant. J’étais au milieu de l’escalier et je fis tombe rune petite fille. La maîtresse crut que je l’avais fait exprès, elle se précipita sur moi et, sans écouter mes protestations, m’arracha ma médaille.
Je me vois dévalant la rue des Couronnes en courant de cette façon particulière qu’ont les enfants de courir, mais je sens encore physiquement cette poussée dans le dos, cette preuve flagrante de l’injustice, et la sensation cénesthésique de ce déséquilibre imposé par les autres, venu d’au-dessus de moi et retombant sur moi, reste si fortement inscrite dans mon corps que je me demande si ce souvenir ne masque pas en fait son exact contraire : non pas le souvenir d’une médaille arrachée, mais celui d’une étoile épinglée.
Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance, L’imaginaire / Gallimard, 1994 (Denoël ; 1975), p. 75-76.
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27/11/2018
Jean Tardieu, On vient chercher Monsieur Jean
Une bouteille à la mer
Aussi loin que je remonte dans ma mémoire, c'est-à-dire jusqu'à ces moments privilégiés où un enfant commence à prendre conscience de lui-même et de ce qui l'entoure, il me semble avoir toujours entendu une certaine voix qui résonnait en moi, mais à une grande distance, dans l'espace et dans le temps.
Cette voix ne s'exprimait pas en un langage connu. Elle avait le ton de la parole humaine mais ne ressemblait ni à ma propre voix ni à celle des gens qui me connaissent. Elle ne m'était pourtant pas étrangère, car elle semblait avoir une sorte de sollicitude à mon égard, une sollicitude tantôt bienveillante et rassurante, tantôt sévère, grondeuse, pleine de reproches et même de colère.
Les moments où j'entendais cette voix étaient ceux où ma vie paraissait suspendue dans le vide, interrompue, arrêtée, comme une horloge dont on ne voit plus bouger les aiguilles et dont on n'entend plus le battement.
Cette expérience très ancienne, primitive, sauvage, surtout secrète (car je n'en parlais à personne), s'est reproduite souvent au cours de mon existence, mais jamais elle n'a été aussi expressive, aussi intense que pendant mon extrême jeunesse, car rien ne pouvait alors en fausser la signification : elle résonnait dans une étendue absolument vacante, absolument solitaire.
Jean Tardieu, On vient chercher Monsieur Jean, Gallimard, 1990, p. 95-96.
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15/10/2018
Étienne Faure, Tête en bas
Soirée autour de Tête en bas d’Étienne Faure,
avec un hommage à Julien Bosc, éditeur et poète,
le jeudi 18 octobre, à partir de 19 h,
librairie Liralire, 116, rue Saint-Maur, 75011, Paris.
Parfois s’excusant, les livres
— d’avoir vécu, d’être jaunes —
chutent, obscurs,
soudain remarqués sur la planche
par leur absence — on les ramasse,
en relit quelques lignes, extraits de vie,
fulgurances, les adopte un temps
puis leur sens retombe, les mains les rangent
au plus haut, côté ciel, en réchappent
un dactyle, une fleur inhalée de longue date,
foin du monde où s’arrêta la lecture d’avant,
et des lettres d’amour recluses
autrefois parcourues en hâte, emmêlées avec
les mots du livre qui les protègent, les enveloppent,
les mots protégeant les mots jusqu’à la prochaine
lecture quand d’autres mots s’acclimatent
au noir des signes, qu’on y voie.
chutes
Étienne Faure, Tête en bas, Gallimard, 2018, p. 81.
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22/04/2018
Fernando Pessoa, Le gardeur de troupeaux
Plutôt le vol de l’oiseau qui passe…
Plutôt le vol de l’oiseau qui passe et ne laisse pas de trace,
Que le passage d’une bête qui laisse sn empreinte sur le sol.
L’oiseau passe et oublie, et c’est très bien comme ça.
L’animal, là où il n’est déjà plus ne sert donc plus à rien.
Il montre qu’il était déjà là, ce qui ne sert à rien non plus.
La mémoire est une trahison de la Nature,
Parce que la Nature d’hier n’est pas la Nature.
Ce qui a été n’est rien et se souvenir c’est ne pas voir.
Passe, oiseau, passe, et apprends-moi à penser !
Fernando Pessoa, Le gardeur de troupeaux, traduction du portugais
Jean-Louis Giovannoni, Rémy Hourcade et Fabienne Vallin,
Editions Unes, 2018, np.
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13/03/2018
Joseph Joubert, Carnets, I
On aime qu’une fois, disent les chansons : c’est-à-dire qu’il n’y a qu’un seul âge qui soit véritablement propre à l’amour.
Entendez-vous ceux qui se taisent ?
Par le souvenir, on remonte le temps, par l’oubli on en suit le cours.
Nous sommes, dans le monde, ce que sont les mots dans un livre. Chaque génération en est comme une ligne, une phrase.
C’est ici le désert. Dans ce silence, tout me parle : et dans votre bruit tout se tait.
Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1994, p. 110, 130, 135, 139, 155.
Le retour
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22/01/2018
Maryline Desbiolles, Poèmes saisonniers
buis l’odeur
du buis reçue brève et
insistance (comme le ui de son nom)
en pleine joue bouche et même palais
odeur tout de suite perdue
le souvenir du buis ne sent rien
Maryline Desbiolles, Poèmes saisonniers,
éditions Telo Martius, 1992, np.
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13/01/2018
Fabienne Raphoz, Parce que l'oiseau
Le journal fausse le passé, au moment de sa lecture, il force le souvenir. C’est un paradoxe temporel : écrit dans l’instant pour ne pas perdre l’instant, il laisse perdre tous les instants qu’il n’a pas consignés. Parfois, le journal fonctionne à la manière du carnet, comme un déictique, un propulseur, la note lacunaire ouvre un champ que le poème, même condensé, saura, ou ne saura pas, exprimer, mais s’il est trop rédigé, le fragment se suffit à soi-même.
Fabienne Raphoz, Parce que l’oiseau, collection Biophilia, Corti, 2018, p. 26.
* * *
La dernière livraison (n° 27, 12 €) de la revue Phœnix est en partie consacrée à l’écrivain Étienne Faure. À lire !
Étienne Faure publie ce mois-ci aux éditions le phare de cousseix, Écrits cellulaires, que l’on peut commander directement (7 € + 1 € frais de port):
Editions le phare de cousseix
Le Cousseix, n° 7
23500 Croze
Par ailleurs, la revue Phœnix invite Étienne Faure le 18 janvier, avec Stéphane Bouquet, Jean-Pierre Chevais et Marie de Quatrebarbes. Pour plus de précisions :
https://www.entrevues.org/actualites/phoenix-etienne-faure/
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16/10/2017
Cesare Pavese, Le Métier de vivre
(1944-1945)
La richesse de la vie est faite de souvenirs oubliés.
Il y a des gens pour qui la politique n’est pas universalité, mais seulement légitime défense.
Il n’est pas beau d’être enfant ; il est beau étant vieux de penser à quand on était enfant.
Comme elle est grande cette idée que vraiment rien ne nous est dû. Quelqu’un nous a-t-il jamais promis quelque chose ? Et alors pourquoi attendons-nous ?
Il est beau d’écrire pare que cela réunit deux joies : parler tout seul et parler à une foule.
Cesare Pavese, La Métier de vivre, traduction Michel Arnaud, Gallimard, 1958, p. 227, 228, 249, 250-251, 259.
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12/10/2017
Cavafy, Poèmes : Devant cette maison
Devant cette maison
Hier, en marchant dans un quartier
éloigné, je suis passé devant cette maison
que je fréquentais lorsque j’étais très jeune.
En ce lieu l’Amour avait pris mon corps
avec sa prodigieuse vigueur.
Et hier,
quand je me suis trouvé dans la vieille rue,
aussitôt furent embellis, par l’enchantement de l’amour,
magasins, trottoirs, pierres,
et murs, et balcons, et fenêtres.
Plus rien autour de moi qui fût vilain.
Et comme je m’arrêtais là, et regardais la porte,
et m’arrêtais, et m’attardais devant cette maison,
de tout mon être émanait
la voluptueuse émotion si longtemps retenue.
Cavafy, Poèmes, traduction Georges Papoutsakis,
Les Belles Lettres, 1977, p. 127.
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16/05/2017
Marcel Cohen, Sur la scène intérieure
Maria Cohen,
Née le 9 octobre 191 à Istanbul,
Convoi n° 63 du 17 décembre 1943.
En 1939, dans les mois qui précédèrent la guerre, Marie rendit visite à une amie de la famille, dans le xie arrondissement de Paris, et lui offrit un petit coquetier en bois peint décoré à la main. En 2009, sachant que nous allions nous retrouver, l’amie enfouit le coquetier dans son sac pour me l’offrir. Depuis longtemps, il n’était plus assez présentable pour avoir sa place à table et les enfants et petits-enfants de cette amie, qui l’ont pourtant beaucoup utilisé, n’avaient aucune raison de lui attacher la moindre importance. Fendillé et délavé comme un bois roulé, le coquetier ne conserve que quelque taches de couleur dont il est difficile de lire avec certitude ce qu’elles ont pu représenter. Peut-être un papillon. Sur le pied, seul demeure tout à fait reconnaissable un nœud orange souligné de noir, comme on voit sur les œufs de Pâques russes.
Je sais bien que les objets familiers sont synonymes d’aveuglement : nous ne les regardons plus et ils ne disent que la force de l’habitude. Mais le coquetier, dans le placard à vaisselle, et ne serait-ce que de façon très épisodique, a eu bien des occasions de susciter quelques bouffées de tendresse à l’égard de Marie. (Elle se faisait appeler Marie bien que son nom soit officiellement Maria.) Je me dis qu’on ne conserve pas un objet aussi modeste, et aussi défraichi, pendant soixante-dix ans sans de sérieuses raisons. La crainte de la voir disparaître confirme cet attachement. Le petit coquetier, aujourd’hui, n’est donc pas seulement la concrétion d’un souvenir. Est-il abusif d’y voir la qualité même de ce souvenir, sa texture, quelque chose d’aussi incertain que le reflet d’une aura ?
Marcel Cohen, Sur la scène intérieure, Folio/Gallimard, 2013, p. 13-14.
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25/04/2017
Étienne Faure, Poèmes d'appartement
De ses nuits à deux corps dans un lit il garde
le réflexe de dormir sur le bord, non pas au centre,
en souvenir de l’autre qui pourrait resurgir,
se lover contre lui, demander asile
un soir de neige à pas feutré traverser la chambre
où le rêve et sa ligne de flottaison persistent
au plus rêche de l’entrée en matière — y a quelqu’un ?
Revient l’épais silence, voix tranchante il répète.
Y a personne.
Comme aux frontières de l’Europe hier
— quelque chose, rien, tout à déclarer —
il écrit, se relève la nuit pour écrire
ce qui pourrait devenir une lettre
sur du papier, juste avant la
Dématérialisation des amours
Et des déclarations qui vont avec
(âmes et hameaux où vivaient les amants qui traversent
à découvert la nuit).
à deux corps
Étienne Faure, Poèmes d’appartement, dans
Rehauts, n° 39, mars 2017, p. 48.
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08/04/2017
Pétrarque, Le Chansonnier
CCLXXII
La vie s’enfuit et ne s’arrête une heure,
et la mort vient derrière à grand’journées,
et le présent, et les choses passées
guerre me font, et encore les futures,
et souvenir et attente m’afflige
de part et d’autre ; aussi en vérité,
si je n’avais de moi-même pitié,
déjà serai de ces tourments sorti.
À l’esprit me revient le peu de bien
que reçut mon cœur triste ; et d’autre part
vois contre mon voyage les vents irrités,
je vois tempête au port, et déjà las
mon nocher, et rompus mâts et haubans,
et les beaux feux que contemplais, éteints.
Pétrarque, Le Chansonnier, traduction,
Introduction et notes Gérard Genot, Aubier
Flammarion, 1969, p. 203.
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30/11/2016
Jacques Lèbre, L'immensité du ciel
Visages
Quelles peaux laissons-nous derrière nous
qui gardent encore notre forme exacte
en des époques révolues
dans une ressemblance un peu décalée ?
À dix-sept ans de distance dans le temps
et à cent cinquante kilomètres de distance
quelque chose d’un moment ricoche sur l’autre.
Visages, pourquoi remontez-vous parfois
du fond de toutes les années mortes ?
Est-ce la vie qui de nouveau vous décompose
quand le présent ne décèle jamais la cause
de votre soudaine et troublante apparition ?
Jacques Lèbre, L’immensité du ciel, La Nouvelle
Escampette, 2016, p. 21.
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22/09/2016
Walter Benjamin, Sur Proust
Les Romains disaient d’un texte qu’il était un tissu, et aucun ne l’est davantage et n’est plus dense que celui de Marcel Proust. Rien n’était trop dense ni trop durable pour lui. Gallimard, son éditeur, a raconté que les habitudes de Proust corrigeant ses épreuves mettaient les typographes au désespoir. Les placards revenaient toujours les marges pleines. Mais aucune faute d’impression n’avait été corrigée ; tout l’espace disponible était rempli d’un nouveau texte. Ainsi la loi du souvenir s’exprimait jusque dans l’ampleur de l’œuvre. Car un événement vécu est fini, en tant qu’il est contenu dans une seule sphère du vécu, alors qu’un événement remémoré est sans limites, car il n’est que la clé pour tout ce qui a eu lieu avant lui et après lui.
Walter Benjamin, Sur Marcel Proust, traduit de l’allemand et présenté par Robert Kahn, NOUS, 201, p. 41.
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