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23/03/2025

Emily Dickinson, Nous ne jouons pas sur les tombes

 

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Pas une Romance qu’on lui vend

Ne pourrait autant captiver un Homme —

Que l’examen de

La sienne propre —

 

C’est à la Fiction — de diluer jusqu’au plausible

Notre — Roman. Quand il est assez petit

Pour être cru —  Il n’est pas vrai —

 

Emily Dickinson, Nous ne jouons pas sur les tombes,

traduction François Heusbourg, éditions Unes,

2015, p. 57.

22/03/2025

Emily Dickinson, Un ciel étranger

 

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Jusqu’à la mort — Aimer est étroit — 

Le plus faible Cœur qui soit

Te maintiendra jusqu’à ce que ton privilège

De Finitude — soit épuisé —

 

Mais Celui dont la perte te procure

Un Dénuement tel que

Te Vie trop abjecte pour elle-même

Imite dorénavant —

 

Jusqu’à ce que — Ressemblance parfaite —

Toi-même, à Sa recherche

Aux joies de la Nature — renonces

Fais preuve d’Amour — en quelque sorte —

 

Emily Dickinson, Un ciel étranger, traduction

François Heusbourg, éditions Unes, 2019, p. 41.

21/03/2025

Emily Dickinson, Je cherche l'obscurité

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J’ignore comment j’ai survécu à la Nuit

Et suis entrée avec le Jour –

Qu’il soit sauvé suffit à qui est Sauvé

Nul besoin de Formule –

 

Désormais je prends ma place de vivante

Comme quelqu’un en sursis

Candidate aux opportunités du Matin

Mais comptée parmi les Morts.

 

Emily Dickinson, Je cherche l’obscurité,

traduction François Heusbourg,  

éditions Unes, 2021, p . 89.

20/03/2025

Hélène Dorion, Un visage appuyé contre le monde

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Je vous écris, je ne comble rien. Un train s’en va encore et me laisse avec des milliers de solitudes resserrées en une seule.

 

Quelqu’un demande ce qui reste des départs et des arrivées, des appels persistants au fond de nous, de nos désirs tourmentés. Je revois l’immuable poussée d’une saison sur une autre, le glissement d’un avion sur le vide, un désert sous chaque pas, et partout votre visage comme une lumière sur mon chemin.

 

Hélène Dorion, Un visage appuyé contre le monde, Poésie/Gallimard, 2025, p. 84.

19/03/2025

Hélène Dorion, Un visage appuyé contre le monde

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Je ne sais pas encore

 

quel est ce trouble

qui commence avec les mots

les plus communs parmi ceux que j’écris

pour toi comme une route

où l’on marche loin devant nous

 

Je ne sais pas encore

 

où j’en suis

avec les minutes qui basculent en moi

ni où tu en es

avec ces événements souvent banals

qui font l’histoire et ne la font pas..

 

Hélène Dorion, Un visage appuyé contre le monde,

Poésie/Gallimard, 2025, p. 71.

16/03/2025

Henri Droguet, Petits arrangements avec les mots

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     Première esquisse

 

La mer se tait

le ciel congestionné montre ses muscles de passe

sur la lande vaste et vague

où traverse la douleur et l’effroi

la lumière confuse dispersée

du petit jour est toujours la même

 

l’homme piètre quelconque boit

soigneusement son vin âpre et bleu

il ouvre la fenêtre  un nuage

apatride et cucurbitacé s’avance    il y a

des tilleuls au parfum d’énigme

une jument met bas dans une prairie rouge

 

le silence enfin commence

                                                   25 juin 2023

 

Henri Droguet, Petits arrangements avec les mots,

Gallimard, 2025, p. 107.

15/03/2025

age

      henri droguet, petits arrangements avec les mots, mirage

                          Mirage 

Ce jour-là la lumière ajuste ses malices

au ciel équarri rempaillé remue-ménage

d’impondérables inachevés nuages

bouquets de tarlatane et de papier crépon

  

la pluie   auberge   échauffourée  rêverie

très lointaine et donc détresse

repasse à la va-vite

 

la luzerne est froide

les pampres verts                                                                                                                                                                                            

la beauté toute la beauté

                                       crie

 

dans son nid tissé d’azur

l’enfant la mer aux poches s’émerveille

poursuit ses romances

 

                      « Dis veilleur

                       Où en est la nuit ?

                       Où la tempête

                       et la douleur ?

                       Où la vie ? »

                                                    10 avril 2023

 

Henri Droguet, Petits arrangements avec les mots,

Gallimard, 2025, p. 92.

                

14/03/2025

Henri Droguet, Petits arrangements avec les mots

henri droguet, petits rangements avec les mots, chimère

               Chimère

 

Quelque part vers d’instables confins

dans l’énormité taciturne

l’aridité minérale des collines chauves

et le ciel à la fin lavé

qui ne fait plus son âge

un nuage petit miroir à cendres

                        miroir à nuit

inconsistant furtif galvanisé

toujours presque le même

tout simplement s’exténue

l’air s’allège

 

un monstre inexistant mugit partout

parmi d’autres murmures

et la forêt à quelques pas grondante

n’est plus qu’un songe arraché au silence

le voyant pesé jeté

soufflé    l’enfant provisoire

qui passait ici    passait

                  là

toujours à pas d’heure

ne marche plus

                                             26 novembre 2023

 

Henri Droguet, Petits arrangements avec les mots,

Gallimard, 2025, p. 70.

13/03/2025

Henri Droguet, Petits arrangements avec les mots

 

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     Intempestif

 

Insaisissable incolore le vent

longuement passe déborde

aux écheveaux plus noirs

que le noir    édredons aveugles    guenilles

 

une menue rivière va s’écoule

dans une lisière

et l’épais temps simplement perdu

 

l’enfant l’autre sans trace ni visage

étranger rebelle qui rêvasse encore

dans l’accès partagé

sous le grand ciel berceau caréné

il déchiffre et défriche

caresse son épave

 

son compte est rond

son compte est bon

                                                   20 septembre 2023

 

Henri Droguet, Petits arrangement avec les mots,

Gallimard, 2025, p. 62.

12/03/2025

Henri Droguet, Petits arrangements avec les mots

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      Contremarche

Gisement buissonnier fouillis feuilleté

les nuages les impalpables courent

ke vent se produit    il se précipite

dévore le mitoufle et la pontaine

c’est droit devant le noir à pluie passée

 

cœur à nus le figurant contrefait

ébloui s’engouffre bricole

et salue la beauté     toute la beauté

un ange passe.    On écoute

les eaux dans la nuit légères et fuyantes

l’automne sonore et le déferlement rentamé

de la mer bossue plus ou moins qui s’affuble

la route sera longue et rouge

                                                         7 mars 2022

 

Henri Droguet, Petits arrangements avec les mots,

Gallimard, 2025, p. 47.

                  

 

11/03/2025

Gérard Macé, Silhouette parlante

 

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Les portraits retouchés en rêve

dont les couleurs pâlissent au lever du jour.

 

Les dignitaires disparus, effacés

des photos où l’on refait l’histoire.

 

Les acteurs vampirisés par leur rôle

dont on a oublié le vrai visage.

 

Nous vivons entourés de trous noirs

où s’engouffre le réel,

mais nous avons les illusions des chercheurs d’or

attirés par ce qui brille au fond d’une bassine.

 

Gérard Macé, Silhouette parlante, Gallimard, 2025, p. 60.

09/03/2025

Jacques Lèbre, Sonnets de la tristesse

 

     jacques lèbre, sonnets de la tristesse, enfance

Dis-moi, petite, la réalité ne serait-elle

qu’un peu d’eau que l’on prend dans sa main

et qui s’évapore ? L’enfance était-elle ce paradis

où la mort n’existait pas, où tout était réel ?

Où retrouverions-nous un peu de cette innocence

sinon dans l’amour ? L’amour est comme le sol

qui écorchait, lorsqu’on le rencontrait, en tombant.

 

Jacques Lèbre, L’amour est comme le sol, dans

Sonnets de la tristesse, Le temps qu’il fait, 2025, p. 73.

08/03/2025

Jacques Lèbre, Sonnets de la tristesse

      jacques lèbre, sonnets de la tristesse, amour

 

À plat ventre sur un banc de pierre,

une petite fille émiette du pain.

Elle parle aux moineaux sous les branches

et les arbres acquiescent à cette source.

Le monde règne ans une fraîche unité.

Sauf que dans l’allée les passants s’en vont,

les arbres font de vastes gestes d’adieu

et je ne sais pas ce qui là se brise.

 

Jacques Lèbre, L’amour est comme le sol, dans

Sonnets de la tristesse,Le temps qu’il fait, 2025, p. 69.

06/03/2025

Jacques Lèbre, Sonnets de la tristesse

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Toutes les relations familiales, amicales,

nous tiennent par des fils plus ou moins tendus ,

cela dessine une sorte de toile, semblable

à celle que tissent les araignées silencieuses.

 

Mais si jamais il n’y a plus aucun de ces fils

l’âme tombe peu à peu en déshérence .

Quand elle n’est plus tenue par aucun lien,

alors, alors la tête tombe sur la poitrine.

 

C’est aussi qu’il n’y a plus d’horizon

où résiderait encore quelque espérance ténue

en route vers cet ici si désolant.

 

Je veux dire celui de la maison de retraite

où l’on parque tous ces vieillards, les uns

après les autres, mis là comme au rebut.

 

Jacques Lèbre, Sonnets de la tristesse, Le Temps

qu’il fait, 2025, p. 33.

05/03/2025

Jacques Lèbre , Sonnets de la tristesse

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Et si tout était complètement faux ? Que sais-je au fond,

de la vie intérieure de ma mère ? Ce que j’imagine

n’est peut-être d’aucune vérité dans la réalité.

Alors on dira que c’est de la poésie, dans un sens péjoratif.

 

Soit je suis dans la justesse, soit je suis dans l’erreur,

mais une maison de retraite n’est pas un endroit très gai.

Je me souviens de l’une d’elles et de l’ami qui s’y trouvait,

elle était dans un cadre bucolique, c’était un mouroir.

 

L’ami laissé lui-même (il avait perdu la mémoire)

serait vite devenu grabataire s’il y était resté,

pour qu’il se lève de son lit, il fallait le soutenir.

 

Je ne sais s’il y a une parte de vérité dans ce que j’écris,

mais si j’écris, sans doute est-ce pour répondre à un choc,

faire ressentit peut-être, ce qui ressemble à une violence.

 

Jacques Lèbre, Sonnets de la tristesse, Le Temps

qu’il fait, 2025, p. 40..