24/04/2025
René Char, Feuillets d'Hypnos
41
S’il n’y avait pas parfois l’étanchéité de l’ennui, le cœur s’arrêterait de battre.
46
L’acte est vierge, même répété.
59
Si l’homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d’être regardé.
62
Notre héritage n’est précédé d’aucun testament.
83
Le poète, conservateur des infinis visages du vivant.
René Char, Feuillets d’Hypnos, dans Œuvres complètes,
Pléiade/Gallimard, 1981, p. 185, 186, 187, 190, 193.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rené char, feuillets d'hypnose, ennui, regarder | Facebook |
23/04/2025
René Char, Dehors la nuit est gouvernée
Dent prompte
5
Comme midi fume un verre
Tout ce que j’aimais a fléchi
Tangible anodin familier
Un visage que je ressentais teneur d’arène
Un corps qui glaçait les dents du vent
Quelques voix festivales plus adroites que la création
Une parole d’immunité où s’empêtre toute audace
Je me suis accoutumé au mouvement perpétuel de la solitude
À son guidon décoré de poussière
À son belvédère aux marches d’escalier accablant.
René Char, Dehors la nuit est gouvernée, dans
Œuvres complètes, Pléiade/Gallimard, 1981, p.119.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rené char, dehors la nuit est gouvernée, solitude | Facebook |
22/04/2025
René Char, Les Loyaux Adversaires
Chaume des Vosges
Beauté, ma toute droite, par des routes si ladres,
À l’étape des lampes et du curage clos
Que je me glace et que tu sois ma femme de décembre,
Ma vie future c’est ton visage quand tu dors.
René Char, Les Loyaux adversaires, dans Œuvres complètes,
Pléiade/Gallimard, 1983, p. 239.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rené char, les loyaux adversaires, futur | Facebook |
21/04/2025
Aurélie Foglia, On•e
Un corps de rêve
On•e a un corps
de rêve. N’a qu’un
Corps de rêve. En a
plein sa penderie.
À travers son rêve
on passe la main
sans la toucher.
On ne la trouvera
Pas. Nul•le part.
On•e s’est déteint•e.
Pendu•e.
(…)
Aurélie Foglia, On•e,
Lanskine, 2025, p. 56.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aurélie foglia, on•e, pendaison | Facebook |
Aurélie Foglia, On•e
Un corps de rêve
On•e a un corps
de rêve. N’a qu’un
Corps de rêve. En a
plein sa penderie.
À travers son rêve
on passe la main
sans la toucher.
On ne la trouvera
Pas. Nul•le part.
On•e s’est déteint•e.
Pendu•e.
(…)
Aurélie Foglia, On•e,
Lanskine, 2025, p. 56.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aurélie foglia, on•e, pendaison | Facebook |
19/04/2025
Georg Trakl, Œuvres complètes
Rencontre
Sur le chemin du pays étranger — nous nous regardons
Et nos yeux fatigués interrogent :
Qu’as-tu fait de ta vie ?
Tais-toi ! Tais-toi ! Cesse ces plaintes !
Il fait déjà plus froid autour de nous,
Les nuages se défont dans les lointains,
Nous n’interrogerons plus longtemps, il me semble,
Et nul ne nous accompagnera dans la nuit.
Georg Trakl, Œuvres complètes, traduction
Marc Petit et Jean-Claude Schneider,
Gallimard, 1972, p. 309.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georg trakl, œuvres complètes, rencontre | Facebook |
18/04/2025
Georg Trakl, Œuvres complètes
Le long des murs
Un vieux chemin s’en va le long
Des jardins sauvages et des murs solitaires.
Des ifs millénaires frissonnent
Dans le chant montant tombant du vent.
Les phalènes dansent près de mourir,
Mon regard boit en pleurant les ombres et lumières.
Au loin flottent des visages de femmes
Fantomatiquement peintes sur le bleu.
Un sourire tremble dans l’éclat du soleil,
Tandis que je poursuis lentement mon chemin ;
Un amour infini m’accompagne.
En silence verdit le roc dur.
Georg Trakl, Œuvres complètes, traduction
Marc Petit et Jean-Claude Schneider,
Gallimard, 1972, p. 183.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georg trakl, œuvres complètes, solitude | Facebook |
17/04/2025
Georg Trakl, Œuvres complètes
Dans un vieil album
Toujours tu reviens, mélancolie,
Ô douceur de l’âme solitaire.
Un jour d’or embrase sur sa fin.
Humble se couche à sa douleur le patient
Résonnant d’harmonies et de tendre folie.
Vois ! Le soir déjà s’est assombri.
Revient la nit, et lamente un destin mortel,
Avec lui un autre endure.
Tressaillant sous les étoiles d’automne
Penche plus profond chaque année la tête.
Georg Trakl, Œuvres complètes, traduction
Marc Petit et Jean-Claude Schneider,
Gallimard, 1972, p.42.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georg trakl, œuvres complètes, album, mélancolie | Facebook |
16/04/2025
Pierre Reverdy, Nord-Sud
Littérature
Dans un coin de petits personnages se dont face. Derrière chacun d’eux, il y a une glace. Et ils se retournent pour écrire, car ils écrivent. Plus énorme à leurs yeux que l’actualité — qui pourtant leur est chère (de quoi s’occuperaient-ils ?) — chacun parle de soi et se félicite. Ils se félicitent même l’un l’autre… humblement. Il y a aussi ce petit concert de voix d’enfants encore naïfs qui trépignent de joie. On entend des applaudissements nombreux. Les acteurs eux-mêmes applaudissent.
Quand on a fini de parler de soi-même quelqu’un prend l’encensoir et le promène sous le nez de quelque faux grand homme en forme de mannequin. À l’enseigne de … la boutique est fermée.
La muflerie est un courage autant qu’encourir les rigueurs de la censure (celui-ci très recherché). Et on travaille ferme pour la littérature.
Pierre Reverdy, Nord-Sud, dans Œuvres
complètes, Flammarion, 2010, p. 486.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Reverdy Pierre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre reverdy, nord-sud, littérature | Facebook |
15/04/2025
Pierre Reverdy, Le cadran quadrillé
Le temps demain
La flamme au cadre
Et le visage au fond du puits
À son rebord
On entend la musique sourde
l’esprit s’endort
Le chemin dans le ciel bordé de briques rouges
La rampe où se suivent les mains
Devant les paupières fermées
Près du jardin
Les armes suspendues
La lune sur la tête
Et l’heure qui sort de la croisée
En même temps qu’une voix claire
Peut-être rien
Pierre Reverdy, La cadran quadrillé, dans Œuvres complètes, Flammarion, 2010, p. 833.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Reverdy Pierre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre reverdy, le cadran quadrillé, le temps demain | Facebook |
14/04/2025
Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit
Et là
Quelqu’un parle et je suis debout
Je vais partir là-bas à l’autre bout
Les arbres pleurent
Parce qu’au loin d’autres choses meurent
Maintenant la tête a tout pris
Mais je ne l’ai pas encore compris
Je marche sur tes pas sans savoir qui je suis
Il faut passer par une porte où personne n’attend
Pour un impossible repos
Tout s’écarte et montre le dos
Un peu de vide reste autour
Et pour revivre d’anciens jours
Une âme détachée s’amuse
Et traîne encore un corps qui s’use
Le dernier temps d’une mesure
Plus tendre et plus déchirant
Plus tenace et plus déchirant
Un chagrin musical murmure
Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit, dans Œuvres
complètes, Flammarion, 2010, p. 229.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Reverdy Pierre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre reverdy, les ardoises du toit, vivre | Facebook |
13/04/2025
Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit
Carrefour
«’arrêter devant le soleil
Après la chute ou le réveil
Quitter la cuirasse du temps
Se reposer sur un nuage blanc
Et boire au cristal transparent
De l’air
De la lumière
Un rayon sur le bord du verre
Ma main déçue n’attrape rien
Enfin tout seul j’aurai vécu
Jusqu’au dernier matin
Sans qu’un mot m’indiquât quel fut le bon chemin
Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit, dans Œuvres
complètes, Flammarion, 2010, p. 201.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Reverdy Pierre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre reverdy, les ardoises du toit, chemin | Facebook |
12/04/2025
Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit
Minute
Il n’est pas encore revenu
Mais qui dans la nuit est entré
La pendule les bras en croix
S’est arrêtée
Pierre Reverdy, Leq Ardoises du toit, dans
Œuvres complètes, I, Flammarion 2010, p. 185.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Reverdy Pierre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre reverdy, les ardoises du toit, nuit | Facebook |
11/04/2025
Pierre Reverdy, La Lucarne ovale
Grandeur nature
Je vois enfin le jour à travers les paupières
Les persiennes de la maison se soulèvent
Et battent
Mais le jour où je devais le rencontrer
N’est pas encore venu
Entre le chemin qui penche et les arbres il est nu
Et ces cheveux au vent que soulève le soleil
C’est la flamme qui entoure sa tête
Au déclin du jour
Au milieu du vol des chauves-souris
Sous le toit couvert de mousse où fume une cheminée
Lentement
Il s’est évanoui
Au bord de la forêt
Une femme en jupon
Vient de s’agenouiller
Pierre Reverdy, La Lucarne ovale, dans Œuvres complètes, I, Flammarion, 2010, p. 109.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Reverdy Pierre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre reverdy, la lucarne ovale absence | Facebook |
10/04/2025
Christopher Okigbo, Labyrinthes
Lustres
Alors j’irais encore dans les collines alors j’irais là
où jaillit la fontaine
là-bas pour y puiser de l’eau
Et à la cime des collines grimperais
corps et âme
chaulé dans la rosée de lune
là-bas pour aller voir d’en haut
Alors j’irais de mon œil balayer la brume
alors j’irais
de brume de lune jusqu’à cime de colline
là-bas pour purification
Ici est un œuf à eine pondu ici une poule blanche à mi-terme.
Christopher Okigbo, Labyrinthes, édition bilingue, traduction de l’anglais (Nigeria) par Christine Fioupou, Poésie/Gallimard, 2025, p.83.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christopher okigbo, labyrinthes | Facebook |