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02/01/2025

Paul Valéry, Tel quel

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L’homme est devant être dépensé : ou par les autres, ou par soi. Et c’est ce que l’on appelle sa valeur. Et ôtée cette valeur, l’homme n’est rien.

 

Toute morale repose, en définitive, sur la propriété humaine de jouer plusieurs personnages.

 

Le désir doit faire son objet, tandis que bassement c’est l’objet qui se fait désirer. 

 

L’homme tend à nier ce qu’il ne sait pas affirmer (exprimer).

 

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, p. 577, 579, 581, 587.

01/01/2025

Paul Valéry, Tel quel

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Par le mythe vulgaire du bonheur, on peut faire des hommes à peu près ce que l’on veut, et tout ce que l’on veut des femmes.

 

Vieillir consiste à éprouver lez changement du stable.

 

Il ne faut demander au ciel que l’euphorie, et les moyens de s’en servir.

 

Écrivains. Ceux pour qui une phrase n’est pas un acte inconscient , analogue à la manducation et à la déglutition d’un homme préssé qui ne sent pas ce qu’il mange.

 

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 541, 541, 542

31/12/2024

Paul Valéry, Tel quel

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Un « Fait » est ce qui se passe de signification.

 

Morale conservative

Il faut que ce soit le même qui possède ce champ, jouisse de tel bien. Et il faut que ce soit le même qui couche avec la même et la même avec le même.

C’est en quoi la morale est « ennuyeuse », impose la monotonie.

 

L’esprit libre a horreur de la compétition.

 

Ce qui a été cru par tous, et toujours, et partout, a toutes les chances d’être faux.

 

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 523, 535, 538, 539.

30/12/2024

Paul Valéry, Tel quel

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Si un être ne pouvait pas vivre une autre vie que la sienne, il ne pourrait pas vivre la sienne. Car la sienne n’est faite que d’une infinité d’accidents dont chacun peut appartenir à une autre vie.

 

Autorisation de se tuer, seulement au parfaitement heureux.

 

Le monde le plus élégant, le plus superficiel, le plus variable, le plus inutile, est le milieu le plus conforme au jugement qu’il faut porter sur l’ensemble des choses.

 

Ce qu’on aime, inspire.  Être aimé, c’est inspirer, rendre quelqu’un inventif — producteur d’images, de prévenances, de ruses, de superstitions — de violences.

 

Ce qui m’est difficile m’est toujours nouveau.

 

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p.500, 502, 505, 516. 517.

29/12/2024

Paul Valéry, Tel quel

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Sincérité

La sincérité voulue mène à la réflexion, qui mène au doute, qui ne mène à rien.

 

Les humains supplient silencieusement les humains de leur dire ce qu’ils ne pensent pas. Dites-nous ce que nous souhaiterions entendre ! Dites-moi quelque chose d’aimable, chantent les yeux.

 

La clarté dans les choses non pratiques résulte toujours d’une illusion.

 

L’ignorance vacille entre extrême audace et timidité.

 

Un état bien dangereux : croire comprendre.

 

 Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 494, 494, 496, 496, 497.

28/12/2024

Paul Valéry, Tel quel

 

                                       paul Valéry, tel quel, ironie

La statue et la gloire sont formes du culte des morts, qui est une forme de l’ignorance.

 

 La notion de « grand poète » a engendré plus de petits poètes qu’il n’en était raisonnablement à attendre des combinaisons du sort.

                                     

Que si le moi est haïssable, aimer son prochain comme soi-même devient une atroce ironie.

 

Amour consiste à sentir que l’on a cédé à l’autre ce qui n’était que pour soi.

 

On ne sait jamais avec qui l’on couche.

 

Paul Valéry, Tel quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 487, 487, 489, 493, 493.

27/12/2024

Paul Valéry, Tel quel

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Ce qu’il y a de plus humain. Certains croient que la durée des œuvres tient à leur « humanité ». Ils s’efforcent d’être vrais.Mais quelle plus longue durée que celle des œuvres fantastiques ? Le faux et le merveilleux sont plus humains que l’homme vrai.

 Tout poète vaudra enfin ce qu’il aura valu comme critique (de soi).

 L’inspiration est l’hypothèse qui réduit l’auteur au rôle d’un observateur. 

Idée poétique est celle qui, mise en prose, réclame encore le vers.

Il faut être léger comme l’oiseau et non comme la plume.

 

Paul Valéry, Tel Quel, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1960, p. 482, 483, 484, 485, 485.

25/12/2024

Danielle Collobert, Cahiers, 1956-1978

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1973, 23/7

 

Rien — désert

un changement pourtant — le refus de penser à quoi que ce soit — fermer — fermer — boucler — plus rien — disparaître — serait temps — mais non — pour durer — se laisser aller à toutes/dans les petites conneries du quotidien — des nerfs à la minute — qui tressautent

 insegnando il fredo agli sassi

non pas même le froid — état de  tension absurde — pas même bien physiquement au soleil à la mer — la tête vide — des envies de retourner à Paris pour m’enfermer rue de la Liberté  dans l’état de torpeur habituel là-bas —

pas d’alibi pour durer —

ancho donnette l’hanna fatto

pavese —

disparaître — mais peur —

le définitif —

 

Danielle Collobert, Cahiers, 1956-1978, Change, Seghers/Laffont, 1983, p. 54.

24/12/2024

Danielle Collobert, Cahiers 1956-1978

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1960, mars 

peut-être je n’ai jamais été aussi loin dans la solitude que ces derniers mois — peut-être ça ne suffit pas encore — ici il reste une vague forme  de stabilité — de sécurité — quelques doutes sur ce que je peux supporter vraiment —

errer davantage — ajouter le dépaysement — la rupture de toutes les attaches — ou quoi — être sans argent dans un pays que je ne connais pas — peut-être —

probablement une illusion — équivalence d’être dans une pièce seule pendant des jours —ou de partir ailleurs —

 

Danielle Collobert, Cahiers, 1956-1978, Change, Seghers/Laffont, 1983, p. 31.

Danielle Collobert, Cahiers, 1956-1978

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1976, 24/1 Paris

acide — électrochoc

 variations du réel — profondes

suivant l’état qui précède — cette fois très bon — pas de très violentes angoisses — seulement au moment où tenté d’écrire sensation de dédoublement — « gouvernement » de l’inconscient parlant « en clair » — impression de folie — vertige — gouffre à l’intérieur du cerveau — un autre espace mental

souvenir d’avoir retenu ma tête avec mes mains

à l’état normal » corps et cerveau en veilleuse

la volupté — plaisir mouvant

dans tout le corps immobile —intensité — à l’extrême

— aux larmes longtemps dans la glace

vue en corps

vu un corps essayant de dissimuler sa folie

pensé qu’ « elle » est folle celle-là — « moi »

 

Danielle Collobert, Cahiers, 1956-1978, Change, Seghers/Laffont, 1983, p. 71.

 

23/12/2024

Danielle Collobert, Cahiers, 1956-1978

 

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1957, décembre

 

Pourquoi écrire que cette chambre est dans une grisaille jaune — que je somnole presque dans cette inexistence — que seul par momen le bruit du venr dans la plaque de la cheminée… ?

Seule —

Écrire ? faire des phrases ? encore…

 

La mort — ma mort — sûre — mais essai factice de représentation — infructueux d’ailleurs — À quoi j’arrive : au plus à une sensation très brutale de mon corps — Sensation qui revient de plus en plus souvent ces jours-ci — Idée de la mort — très salutaire si on peut encore parler à ce point-là de santé.

 

Danielle Colllobert, Cahiers, 1956-1978, Change, Seghers/Lafffont, 1983, p. 11.

21/12/2024

Hommage à Jacques Roubaud (1932-2024) : C et autre poésie

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     La nuit s’est approchée

 

La nuit s’est approchée il n’est pas besoin de

se le dire dans l’épaisseur complète dans la nuit

d’empiètements pas besoin d’une parole pour

répandre dans la nuit en l’épaisseur cela.

que la nuit s’est approchée et dans la non

présence complètement emplie de l’épaisseur  du

principe du plus intérieur principe réalité

de la nuit quand d’épaisseur je me retourne

de me le taire.

sujet à des chuchotements.

Là.

 

Jacques Roubaud, C et autre poésie,

NOUS, 2015, p. 229.

20/12/2024

Hommage à Jacques Roubaud (1932-2024) : Quelque chose noir

jacques roubaud, quelque chose noir

Nonvie, II

 

Vision nulle au fond du verre épais et brun

Gagné en surface de veines mais jamais dit

Jamais dit au chant vogueur de ta voix rabattu

Du contre-jour tâtonnant à la gorge sans fin

Peut-être cachée derrière le sol avec ça

Grand ouvert du ciel à l’éclat supportable

Au milieu de ta chair et drainant un bruit de mouches

Qui fronce sur l’horizon où il fait bleu

Une heure verticale encore mais juste tes poumons

 

Jacques Roubaud, Quelque chose noir, Gallimard, 1986, p.141.

19/12/2024

Hommage à Jacques Roubaud (1932-2024) : Quelque cose

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Au matin 

Je suis habitant de la mort idiote     la tête comme un porridge

Les oiseaux s’envolent     à l’avoine noire de fumée (il est quatre heures, il est cinq heures)

Les arbres s’habillent de fond en comble

Dans mon bol des archipels de boue noire   qui fondent

Je bois tiède

L’église, le sable, le vent irrésolu

J’avance d’une ligne, à deux doigts

Je voudrais nous coucher tête-bêche

Tes yeux sur ma bouche    à la place de ce rien

 

Jacques Roubaud, Quelque chose noir, Gallimard, 1986, p. 35.

18/12/2024

Hommage à Jacque Roubaud (1932-2024) : ϵ

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combien de poignées de neige    jetions-nous sur les fleurs  grises

les pivoines de fumer alors en jouant combien  sur  les  remparts

dans les sentiers couverts de neige combien de neiges  terriennes

jetions-nous   sur les  buissons  osselets   la prunelle  la   ronce  la

réglisse le houx

 

savions-nous  combien  peu  durerait  le  manteau de neige  dans

les vignes       les manches  sous les ronces  noires ou crevées dans

l’aire aux barbes des  épis.       combien  peu de  neiges  nouvelles

fondraient à des anneaux de fer      ou sur  la brique du  foyer sur

l’artère assombrie des braises

 

la neige était précieuse amande    sur et tendre peu     de jours de

peu même pas  toutes les  années      ah garde vif le goût de neige

quand il faisait tomber le vent    sur le parchemin des sous-bois le

golfe inerse des corneilles

 

quand nous éprouvions qu’il n’est  que  quelques neiges capables

d’un creux dans la mémoire      capables d’éblouissantes fougères

fraîches       sur une vitre qu’une  bouche à l’aube couvre de buée

 

Jacques Roubaud, ϵ, Gallimard, 1988, p. 22-23.