08/11/2025
Christian Prigent, Zapp & Zipp

Qui se déprécie ostensiblement n’est pas en cela modeste — ce n’est pas l’humilité qui y pousse.
Mais plutôt primo une illusion de lucidité sur les ridicules qui affleurent dans les conduites des hommes et les propos qu’au jour le jour ils tiennent ; deuxio, la sensation vaniteuse de n’être pas trop du fait de quelque exceptionnelle puissance (intellectuelle, artistique ou autre), partie prenante des ridicules du commun ; tertio le dépit de ne pas du coup savoir comment faire pour effectivement vivre et communiquer avec autrui dans la faiblesse de pensée, l’ignorance, la futilité, la jovialité forcée.
On assiste chaque jour à sa propre bêtise (qui le dénie, c’est à cause de cette bêtise elle-même. Comme dit Artaud, l'intelligence elle-même, volontiers ahurie de ses propres succès, est par la sottise « toujours sodomisée de près » : il suffit pour cela du moindre pas de côté hors des compétences ; ou de trop de croyance en l’importance desdites.
Christian Prigent, Zapp & Zipp, P.O.L, 2025, p. 449.
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29/04/2019
Paul Éluard, Cours naturel,

Novembre 1936
Regardez travailler les bâtisseurs de ruines
Ils sont riches patients ordonnés noirs et bêtes
Mais ils font de leur mieux pour être seuls sur terre
Ils sont au bord de l’homme et le comblent d’ordures
Ils plient au ras du sol des palais sans cervelle.
*
(…)
*
Parlez du ciel le ciel se vide
L’automne nous importe peu
Nos maîtres ont tapé du pied
Nous avons oublié l’automne
Et nous oublierons nos maîtres
Paul Éluard, Cours naturel, dans Œuvres complètes, I,
Pléiade / Gallimard, 1968, p. 801.
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20/10/2016
Thomas Bernhard, Mes prix littéraires

Discours de la remise du prix d’État autrichien
Il n’y a rien à célébrer, rien à condamner, rien à dénoncer, mais il y a beaucoup de choses dérisoires, tout est dérisoire quand on songe à la mort.
On traverse l’existence affecté, inaffecté, on entre en scène et on la quitte, tout est interchangeable, plus ou moins bien rodé au grand magasin d’accessoires qu’est l’État : erreur ! ce qu’on voit : un peuple qui ne se doute de rien, un beau pays — des pères morts consciencieusement dénués de con science, des gens dans la simplicité et la bassesse, la pauvreté de leurs besoins… Rien que des antécédents hautement philosophiques, et insupportables. Les époques sont insanes, le démoniaque en nous est un éternel cachot patriotique au fond duquel la bêtise et la brutalité sont devenues les éléments de notre détresse quotidienne. L’État est une structure condamnée à l’échec permanent, le peuple une structure perpétuellement condamnée à l’infamie et à l’indigence d’esprit. La vie est désespérance, à laquelle s’adossent les philosophies, mais qui en fin de compte condamne tout à la folie.
Thomas Bernhard, Mes prix littéraires, 2010, p. 142-143.
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