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21/04/2025

Aurélie Foglia, On•e

aurélie foglia,  On•e, pendaison

Un corps de rêve

 

On•e a un corps

de rêve. N’a qu’un

 

Corps de rêve. En a

plein sa penderie.

 

À travers son rêve

on passe la main

 

sans la toucher.

On ne la trouvera

 

Pas. Nul•le part.

On•e s’est déteint•e.

 

Pendu•e.

(…)

Aurélie Foglia, On•e,

Lanskine, 2025, p. 56.

Aurélie Foglia, On•e

aurélie foglia,  On•e, pendaison

Un corps de rêve

 

On•e a un corps

de rêve. N’a qu’un

 

Corps de rêve. En a

plein sa penderie.

 

À travers son rêve

on passe la main

 

sans la toucher.

On ne la trouvera

 

Pas. Nul•le part.

On•e s’est déteint•e.

 

Pendu•e.

(…)

Aurélie Foglia, On•e,

Lanskine, 2025, p. 56.

19/04/2025

Georg Trakl, Œuvres complètes

 

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            Rencontre

 

Sur le chemin du pays étranger — nous nous regardons

Et nos yeux fatigués interrogent :

Qu’as-tu fait de ta vie ?

Tais-toi ! Tais-toi ! Cesse ces plaintes !

 

Il fait déjà plus froid autour de nous,

Les nuages se défont dans les lointains,

Nous n’interrogerons plus longtemps, il me semble,

Et nul ne nous accompagnera dans la nuit.

 

Georg Trakl, Œuvres complètes, traduction

Marc Petit et Jean-Claude Schneider,

Gallimard, 1972, p. 309.

18/04/2025

Georg Trakl, Œuvres complètes

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        Le long des murs

 

Un vieux chemin s’en va le long

Des jardins sauvages et des murs solitaires.

Des ifs millénaires frissonnent

Dans le chant montant tombant du vent.

 

Les phalènes dansent près de mourir,

Mon regard boit en pleurant les ombres et lumières.

Au loin flottent des visages de femmes

Fantomatiquement peintes sur le bleu.

 

Un sourire tremble dans l’éclat du soleil,

Tandis que je poursuis lentement mon chemin ;

Un amour infini m’accompagne.

En silence verdit le roc dur.

 

Georg Trakl, Œuvres complètes, traduction

Marc Petit et Jean-Claude Schneider,

Gallimard, 1972, p. 183.

 

17/04/2025

Georg Trakl, Œuvres complètes

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Dans un vieil album

 

Toujours tu reviens, mélancolie,

Ô douceur de l’âme solitaire.

Un jour d’or embrase sur sa fin.

 

Humble se couche à sa douleur le patient

Résonnant d’harmonies et de tendre folie.

Vois ! Le soir déjà s’est assombri.

Revient la nit, et lamente un destin mortel,

Avec lui un autre endure.

 

Tressaillant sous les étoiles d’automne

Penche plus profond chaque année la tête.

 

Georg Trakl, Œuvres complètes, traduction

Marc Petit et Jean-Claude Schneider,

Gallimard, 1972, p.42.

16/04/2025

Pierre Reverdy, Nord-Sud

                             

                          Unknown-3.jpeg

                                Littérature 

   Dans un coin de petits personnages se dont face. Derrière chacun d’eux, il y a une glace. Et ils se retournent pour écrire, car ils écrivent. Plus énorme à leurs yeux que l’actualité — qui pourtant leur est chère (de quoi s’occuperaient-ils ?) — chacun parle de soi et se félicite. Ils se félicitent même l’un l’autre… humblement. Il y a aussi ce petit concert de voix d’enfants encore naïfs qui trépignent de joie. On entend des applaudissements nombreux. Les acteurs eux-mêmes applaudissent.

   Quand on a fini de parler de soi-même quelqu’un prend l’encensoir et le promène sous le nez de quelque faux grand homme en forme de mannequin. À l’enseigne de … la boutique est fermée.

   La muflerie est un courage autant qu’encourir les rigueurs de la censure (celui-ci très recherché). Et on travaille ferme pour la littérature.

 

Pierre Reverdy, Nord-Sud, dans Œuvres

complètes, Flammarion, 2010, p. 486.

15/04/2025

Pierre Reverdy, Le cadran quadrillé

pierre reverdy, le cadran quadrillé, le temps demain

Le temps demain

 

La flamme au cadre

Et le visage au fond du puits

                  À son rebord

On entend la musique sourde 

   l’esprit s’endort

Le chemin dans le ciel bordé de briques rouges

La rampe où se suivent les mains

         Devant les paupières fermées

Près du jardin

Les armes suspendues

         La lune sur la tête

Et l’heure qui sort de la croisée

 

            En même temps qu’une voix claire

         Peut-être rien

 

Pierre Reverdy, La cadran quadrillé, dans Œuvres complètes, Flammarion, 2010, p. 833.

 

 

14/04/2025

Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit

pierre reverdy, les ardoises du toit, vivre

                Et là

 

Quelqu’un parle et je suis debout

Je vais partir là-bas à l’autre bout

                           Les arbres pleurent

Parce qu’au loin d’autres choses meurent

                           Maintenant la tête a tout pris

 

Mais je ne l’ai pas encore compris

Je marche sur tes pas sans savoir qui je suis

Il faut passer par une porte où personne n’attend

                  Pour un impossible repos

Tout s’écarte et montre le dos

                           Un peu de vide reste autour

Et pour revivre d’anciens jours

Une âme détachée s’amuse

Et traîne encore un corps qui s’use

Le dernier temps d’une mesure

Plus tendre et plus déchirant

Plus tenace et plus déchirant

Un chagrin musical murmure

 

Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit, dans Œuvres

complètes, Flammarion, 2010, p. 229.

 

13/04/2025

Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit

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        Carrefour

 

«’arrêter devant le soleil

                               Après la chute ou le réveil

    Quitter la cuirasse du temps

Se reposer sur un nuage blanc

Et boire au cristal transparent

                         De l’air

                                    De la lumière

Un rayon sur le bord du verre

Ma main déçue n’attrape rien

Enfin tout seul j’aurai vécu

Jusqu’au dernier matin

 

Sans qu’un mot m’indiquât quel fut le bon chemin

 

Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit, dans Œuvres

complètes, Flammarion, 2010, p. 201.

12/04/2025

Pierre Reverdy, Les Ardoises du toit

            

pierre reverdy, les ardoises du toit, nuit

              Minute

 

     Il n’est pas encore revenu

Mais qui dans la nuit est entré

     La pendule les bras en croix

               S’est arrêtée

 

Pierre Reverdy, Leq Ardoises du toit, dans

Œuvres complètes, I, Flammarion 2010, p. 185.

11/04/2025

Pierre Reverdy, La Lucarne ovale

pierre reverdy, la lucarne ovale absence

Grandeur nature

 

Je vois enfin le jour à travers les paupières

Les persiennes de la maison se soulèvent

Et battent

Mais le jour où je devais le rencontrer

N’est pas encore venu

 

Entre le chemin qui penche et les arbres il est nu

Et ces cheveux au vent que soulève le soleil

C’est la flamme qui entoure sa tête

 

Au déclin du jour

Au milieu du vol des chauves-souris

Sous le toit couvert de mousse où fume une cheminée

 

Lentement

Il s’est évanoui

 

Au bord de la forêt

Une femme en jupon

Vient de s’agenouiller

 

Pierre Reverdy, La Lucarne ovale, dans Œuvres complètes, I, Flammarion, 2010, p. 109.

10/04/2025

Christopher Okigbo, Labyrinthes

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                        Lustres

Alors j’irais encore dans les collines alors j’irais là

où jaillit la fontaine

là-bas pour y puiser de l’eau

 

Et à la cime des collines grimperais

corps et âme

chaulé dans la rosée de lune

là-bas pour aller voir d’en haut

 

Alors j’irais de mon œil balayer la brume

alors j’irais

de brume de lune jusqu’à cime de colline

là-bas pour purification

 

Ici est un œuf à eine pondu ici une poule blanche à mi-terme.

 

Christopher Okigbo, Labyrinthes, édition bilingue, traduction de l’anglais (Nigeria) par Christine Fioupou, Poésie/Gallimard, 2025, p.83.

09/04/2025

Gabriel Mwènè Okoundji, L'âme blessée d'un éléphant noir

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Avec ta main entière sur ton cœur, juste ta main comme repère

tu apprendras à être proche sans te confondre

 

tu apprendras à croire ce que verront tes yeux d’homme

dans le désordre ardent de l’obscurité meurtrière

 

l’arbre qui se consume dans l’épreuve du feu n’ignore pas le recueillement

 

et n’oublie pas

ta parole est ta mémoire

le silence est ton enclos

aux âmes vulnérables

la patience garantit l(éternité du chemin

 

Gabriel Mwènè Okoundji, L’âme blessée d’un éléphant noir, Poésie/Gallimard, 2025, p. 46.

Alexis Bardini, Ressacs

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La nuit venue je tombe en toi

Tu redeviens d’ombre

Et dans cette eau que la lune éblouit

Tu te sens pris d’un grand vertige

 

Tu veux danser et tu t’installes

Dans ta légende

Une main immobile

L’autre désaccordée

 

Entre nous l’abîme

Trait d’union de l’orgueil

Tu tais en toi les noms

Dont la vieillesse poudre ton visage

 

À retrousser l’obscur nos mains s’épuisent

 

Alexis Bardini, Ressacs, Gallimard, 2024, p. 16.

 

08/04/2025

Soline de Laveleye, Par les baleines

             soline de laveleye, par les baleines, corps

 

(…) Ne l’as-tu pas été, cette suite d’organes qu’on ausculte, sur laquelle on légifère, qu’on veut bride ou débrider, selon l’humeur. Tour après tour — dans le miroir à facettes les contours t’échappaient. Ne l’as-tu donc pas été cet élan ? Il trahissait tes orifices qu’il fallait occuper, dégager et emplir encore. Nous l’avons été — comme nous avons été empoisonnées trifouillées arrêtées — et nous avons été un corps qui s’étire et qui se renforce, un corps qui porte au jour, un corps qui se dédouble. Un corps désigné, ou encore : un corps étranger, un corps second. Nous avons été cette course, cette horizontalité, cette entité qui fend qui flotte qui chute. Tour après tour. Un corps de cycles. Des nuits, des jours. Ça continue à tourner. Il y a des masses et des fluides, de l’air autour et à travers, de l’air qui contient et qui élargit. Et nous ne saurons jamais vraiment, le saurons-nous, un jour le sauras-tu : ça commence où, ce corps ? et où ça s’arrête ?

 

Soline de Laveleye, Par les baleines, Gallimard, 2025, p. 69.