07/07/2015
Philippe Beck, Opéradiques
Variations I
Ancienneté Bœuf danse droit.
Allant.
Un Bashô franciscain ?
Non.
A. tire le sillon devant.
Le sillon longeur est un bœuf
lancé en arrière — il avance
à l’arrière — proupe, soc de mer
ancienne, terrée,
aimant traceur, pointe de char
suivi et continué.
Sur les petites fleurs
de ballet vertical.
Prose-pays et spirale interdite
ou Cascade-de-la-Vue-Inverse.
Charrue-proue capable de sillon.
Sillage antique est un bœuf.
Bien. Il prose l’arrière
et le vers premier, durci,
et fait glisser pays
sur pays.
Passé précède verdure contée.
Usif, à cause des filles de la voix.
Cardaire est un soc,
près du Tireur, Tracteur,
ou Câble Animal.
Au puits d’alcali
où descend
pèlerin poétique.
Philippe Beck, Opéradiques, Poésie /
Flammarion, 2015, p. 381-382.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Beck Philippe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe beck, opéradiques, variation, bashô, bœuf, vers, voix | Facebook |
04/12/2014
Robert Coover, Rose (L'Aubépine)
Depuis son siège sur l'estrade de la table seigneuriale il a annoncé à tous ceux qui se trouvaient dans le grand hall qu'il a entendu parler d'une autre princesse enchantée, à quelques lieues de là, qui dort depuis cent ans, et qu'il a l'intention de monter immédiatement à cheval afin de la trouver et, si possible, de rompre l'enchantement. En tant que prince royal, voué à des exploits vertueux de cette nature, c'est le moins qu'il puisse faire, autant pour sauver le royaume accablé que pour la jeune fille. De sorte que, stimulé par l'amour et l'honneur, il a embrassé son épouse (ou l'aurait fait si elle le lui avait permis) et s'est mis en route pour affronter les puissances du mal, dompter le mystère, se faire un nom. Aux portes du château, il rencontre une vieille femme aux pieds palmés qui lui accorde un don et lui donne un avertissement prophétique. Son don est un onguent magique qui fera fuir les mauvaises sorcières et rendra ses cheveux plus souples, cicatrisera les blessures contre nature et lui redonnera toute sa vigueur masculine. L'avertissement est le suivant : prends avec toi la tête de la vieille folle, quand tu t'approcheras du lieu enchanté. Et on dirait qu'elle enlève sa propre tête pour la lui offrir. Il rit, plein de confiance envers ses propres pouvoirs princiers, et la commère gloussant en même temps que lui, disparaît comme si elle s'était tout à coup transformée en poussière. Il voyage pendant de nombreuses années, suivant les conseils contradictoires de paysans qu'il rencontre en chemin, jusqu'au jour où il arrive dans une forêt enchantée près des limites du monde, et là on le dirige vers un château sombre et lugubre qu'on dit hanté par les esprits et les ogres et dont on prétend qu'il abrite dans ses profondeurs une princesse endormie qui est étendue là, comme morte, depuis cent ans.
Robert Coover, Rose (L'Aubépine), traduit de l'américain par Bernard Hœpffner, avec la collaboration de Catherine Goffaux, Seuil, 1998, p. 85-86.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : robert coover, rose (l'aubépine), conte, variation, la belle endormie, château, épreuve, sorcière | Facebook |
22/05/2012
Isabelle Garron, Corps fut
variation I
tu entres dans la chambre .le linge est épars
étendu pour la fraîcheur .les
pièces sèchent
sur le rebord .c'est la première fois
*
l'argile .chamottée en masse sur la table d'école
afin de décider de l'usage
du peu d'invention de toi .mais
voilà je ne vois plus
les mains avancent .dans la préparation
— surgissent la nature morte
le corps né l'afférence .le
la du sort
*
la forme glisse citron contre socle
et peur du reste se fixe .pincée
entre le tour et l'assiette
*
des silhouettes dansent parmi les vieilles chiffes
l'eau sale des bassines où la fiction va
opère . ou la forme de la terre
flotte contre les parois
dans la matrice l'acidité de l'agrume
*
la paix vibrée venait d'ailleurs dans le désordre étale
par touches .pinceaux .rubans
papiers fous
ou d'autres outils à lames
un rayon atteint parfois la femme
qui ici respire encore
sans ses bijoux
[...]
Isabelle Garron, Corps fut, Suites & leurs variations (2006-2009), Poésie / Flammarion, 2011, p. 45-49.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : isabelle garron, corps fut, variation | Facebook |