29/12/2020
Serguei Essenine, Journal d'un poète
Caravelles-haridelles
I
Si le loup hurle à l’étoile, c’est
que les mers ont englouti le ciel.
Haridelles éventrées,
noires voilures des corbeaux.
Des hoquets nauséabonds du blizzard
l’azur ne sortira pas ses serres ; il plane
sur un jardin de crânes jonché d’aiguilles d’or,
sous le hennissement des tempêtes.
Entendez-vous ? entendez-vous ce cliquetis ?
Ce sont les râteaux de l’aube dans les bosquets.
Avec des rames de mains coupées
vous souquez vers le futur.
Voguez, voguez vers les hauteurs !
De l’arc-en-ciel craillez corneilles !
L’heure vient où la feuillée jaune de ma tête
va se muer en arbre blanc.
(...)
Serguei Essenine, Journal d’un poète, traduction
Christiane Pighetti, éditions de la Différence,
2014, p. 183.
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19/02/2018
Sergueï Essenine, Journal d'un poète
Caravelles haridelles
4.
Bêtes, venez à moi ! venez bêtes farouches
épancher toute haine dans la coupe de mes mains !
Il est grand temps que la lune là-haut
cesse enfin de laper les nuages.
Sœurs chiennes, frères chiens,
traqué comme vous parmi les hommes
qu’ai-je à faire de caravelles haridelels
ou des voilures de corbeaux.
Si la faim suintant de murs en ruine
vient à s’agripper à ma chevelure,
je mangerai la moitié de ma jambe
et vous offrirai l’autre en pâture.
Je n’irai nulle part avec les gens,
mieux vaut crever ensemble, avec vous
que de ma terre aimée ramasser une pierre
pour la lancer sur mon fou de prochain.
Sergueï Essenine, Journal d’un poète, traduction du
russe Christiane Pighetti, éditions de la Différence,
2014, p. 187.
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31/10/2015
Rainer Brambach (1917-1983), Cinq poèmes
La prudence serait de rigueur
Qu’est-ce qui te pousse à écrire des vers ?
Pourquoi ne vends-tu pas du sel,
des maisons, des fusils, du tabac ?
La prudence serait de rigueur, tu le sais, car bientôt
reviendront les corbeaux — noirs prédicateurs
sans huile dans la voix — pour brailler ta misère
alors que toi tranquille encore tu te promènes.
Quand les glaçons prendront au bec des fontaines,
te restera pour logis la salle d’attente
où se faisant écho en de multiples langues
s’unissent l’adieu et l’arrivée.
Rainer Brambach, Cinq poèmes, traduit de l’allemand par Marion Graf, dans La revue de belles lettres, 2014, I, p. 17.
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