04/09/2024
Jacques Roubaud, Octogone
Douce
le ruban de l’air roule autour de la lampe
l’acacia tombe sur elle doucement
le temps vient de l’est
temps de feutre à moitié aussi de crépitements
l’air l’enveloppe d’étamines
douce
mais morte
c’est tout à fait ça douce
mais morte
Jacques Roubaud, Octogone, Gallimard, 2014, p. 279.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Roubaud Jacques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques roubaud, octogone, douceur, mort | Facebook |
05/09/2023
Olivier Domerg, La Verte traVersée
VERT, la rassérénante vibration !
VERT, l’apaisante ivresse du regard !
VERT, la puissance des commencements ;
Champ des possibles et des rénovations,
Virginité toujours réactivée !
VERT pur de l’herbe pure dans l’air pur :
Fraîcheur. Espace un brin velouté,
Le Cantal aura pour nous cet égard !
La peau du monde est la peau du mont,
Douce, et caressante au toucher, bien sûr !
Les sensations sont celles du dehors :
VERT, le vif surgissement de la flore !
Les vagues, nous viennent, plus lumineuses,
VERT, l’émotion de l’émulsion herbeuse !
Aucun mot ne rend grâce à la prairie,
À son assomption, son événement.
C’est une ouverture, une épiphanie ;
N’y cherchez pas l’ombre d’un sentiment :
Elle exprime le besoin nécessaire
Que nous avons du VERT, parfois du VERS.
Olivier Domerg, La Verte traVersée,
L’Atelier contemporain, 2022, p. 278-279.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : olivier domerg, la verte traversée, herbe, vers, douceur | Facebook |
27/05/2020
Sabine Huynh, Parler peau
grand écart par-dessus les
flaques de mémoire la
langue défie le vide se frotte
au silence délie ses doigts
— dégrafent recueillent et
plantent — la douceur elle
avance avec ce trésor son
cœur bat l’indifférence des
rues le désespoir et l’espoir
tapis ensemble sous les
marches où assise elle
attendra le regain ses mains
toutes aux ondulations de sa
peau sous les traces
indélébiles
Sabine Huynh, Parler peau,
Æncrages & Co, 2019, np.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sabine huynh, parler peau, mémoire, langue, douceur | Facebook |
02/02/2017
Georges Bataille, L'expérience intérieure
Récit d’une expérience en partie manquée
Au moment où le jour décline, où le silence envahit un ciel de plus en plus pur, je me trouvais seul, assis dans une étroite véranda blanche, ne voyant rien d’où j’étais que le toit d’une maison, la frondaison d’un arbre et le ciel. Avant de ma lever pour aller dormir, je sentis à quel point la douceur des choses m’avait pénétré. Je venais d’avoir le désir d’un mouvement d’esprit violent et, dans ce sens, j’aperçus que l’état de félicité où j’étais tombé ne différait pas entièrement des états « mystiques ». Tout au moins, comme j’étais passé brusquement de l’inattention à la surprise, je ressentis cet état avec plus d’intensité qu’on ne fait d’habitude et comme si un autre et non moi l’éprouvait. Je ne pouvais nier qu’à l’attention près, qui ne lui manqua que d’abord, cette félicité banale ne fût une expérience intérieure authentique, distincte évidemment du projet, du discours. Sans donner à ces mots plus qu’une valeur d’évocation, je pensai que la « douceur du ciel » se communiquait à moi et je pouvais sentir précisément l’ état qui lui répondait en moi-même. Je la sentais précisément à l’intérieur de la tête comme un ruissellement vaporeux, subtilement saisissable, mais participant à la douceur du dehors, me mettant en possession d’elle, méfaisant jouir.
(…)
Georges Bataille, L’expérience intérieure, Gallimard, 1953 (repris dans Œuvres complètes, V, 1973), p. 143.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georges bataille, l'espérance intérieure, douceur, félicité, mystique, attention, jouissance | Facebook |